Table des matières - Précédente - Suivante
1. Présentation du domaine d'intervention
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection
2.1 Généralités
2.2 Barrages réservoirs
2.3 Déversoirs
2.4 Centrales hydroélectriques
3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement
4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
Annexe :
Questionnaire pour une première évaluation de l'impact environnemental d'un projet d'hydraulique lourde
1. Présentation du domaine d'intervention
Le génie hydraulique comprend tous les travaux dont l'objectif est l'utilisation de l'eau ou la protection contre l'eau. On fait donc la différence entre les travaux hydrauliques utilitaires et les travaux hydrauliques de protection. Le terme "hydraulique lourde" concerne les grands barrages servant à la retenue de l'eau. Il s'agit, outre les barrages et murs de retenue, de barrages au fil de l'eau, servant par exemple de réservoirs d'eau, ou encore d'ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie hydraulique obtenue par la retenue. De plus, ce domaine d'intervention comprend toutes les infrastructures de transport (ports, canaux, écluses, etc.). Enfin, parmi les grands projets de génie hydraulique, on trouve aussi les travaux de conquête de terres, les barrages de marées, les détournements de cours d'eau et les ouvrages de dérivation. Le présent Dossier traite exclusivement des barrages (grands barrages, déversoirs) et des centrales hydroélectriques.
On entend par barrages les ouvrages de retenue et leurs bassins de retenue. Ces barrages sont réalisés dans le but de réguler l'eau de plans ou cours d'eau, de manière à en permettre la gestion ou l'exploitation énergétique. Les ouvrages de retenue peuvent être des digues ou murs de retenue, barrant totalement ou partiellement des vallées (barrages de vallée) ou des barrages n'entraînant qu'une hausse légère du niveau dans les cours d'eau.
Le principal objectif des grands barrages de vallée est de retenir l'eau pour la mettre en valeur en fonction des priorités fixées (protection contre les crues, production d'électricité, irrigation, distribution de l'eau), donc de transformer un cours d'eau naturel non régulé en un cours d'eau au débit calculé selon des critères économiques (ou, éventuellement, écologiques) et de constituer un réservoir de grande dimension. Le terme "barrage réservoir" recouvre des ouvrages ou systèmes extrêmement variés :
- petits et grands barrages réservoirs,
- barrages réservoirs plats ou profonds,
- barrages réservoirs situés dans des zones climatiques arides ou humides, tropicales ou tempérées,
- barrages réservoirs situés dans des pays de petite ou haute montagne,
- barrages réservoirs situés dans des régions désertiques ou habitées.
L'objectif principal des déversoirs est de garantir un niveau d'eau déterminé à un endroit donné du cours d'eau, par exemple pour prélever de l'eau par un canal latéral (irrigation, production d'hydroélectricité, distribution d'eau), pour assurer une profondeur minimale à la navigation, pour servir d'eaux d'amont à l'entrée d'une usine hydroélectrique ou encore pour garantir un certain niveau des eaux souterraines dans la partie inondable de la vallée (retenue de culture). Il existe une différence fondamentale entre les déversoirs et les barrages réservoirs : dans le premier cas, la fonction de stockage n'a qu'une importance secondaire, de sorte que ces ouvrages n'influencent que marginalement le régime du cours d'eau. D'autre part, les quantités d'eau passant par dessus la crête du déversoir sont beaucoup plus importantes que dans le cas d'un barrage réservoir. Dans sa partie principale, le déversoir peut donc être réalisé presque exclusivement en maçonnerie ou béton (voir aussi Dossier "Ingénierie fluviale").
Les centrales hydroélectriques peuvent être construites au pied d'un mur de retenue ou d'un déversoir ; elles exploitent le potentiel énergétique intrinsèque de l'eau et le transforment en énergie électrique. L'énergie hydraulique est une énergie renouvelable, utilisable sans rejets de traces de gaz. Son exploitation se caractérise par la longévité et la fiabilité exceptionnelle des équipements de production. Associée à des digues de retenue, elle permet de stocker une énergie disponible pratiquement sans délai en cas de besoin.
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection
2.1 Généralités
Les ouvrages hydrauliques constituent toujours une intervention dans l'environnement naturel. Même si les travaux hydrauliques sont planifiés, dimensionnés et exécutés selon l'état de la technique et dans le but de maintenir au minimum les atteintes à l'environnement, ils donnent lieu à des conflits d'objectifs, en particulier avec la protection de la nature et l'utilisation des ressources naturelles que sont la terre et l'eau. L'étude et l'exploitation des ouvrages hydrauliques doivent donc être soumises à une série d'évaluations débouchant nécessairement sur un compromis :
- Lors de l'étude du projet, il faut, par exemple, comparer la hauteur de la retenue et le coût macro-économique et écologique entraîné par l'immersion de terres avec le bénéfice tiré du surcroît d'électricité produite.
- Pour limiter au maximum la destruction des paysages, les matériaux (carrières) nécessaires aux travaux devront dans la mesure du possible être extraits dans la future retenue, à condition que ceci n'entraîne pas des coûts de transport insupportables.
- Pour les ouvrages de maîtrise des crues, il importe de définir avec une grande précision l'ampleur de la protection, dans le but de laisser l'eau continuer à envahir certaines zones qui en ont un besoin impératif (forêts inondables, prairies humides, reconstitution des nappes phréatiques, protection des espèces, irrigation après les inondations), voire de provoquer l'inondation en la contrôlant.
- Un conflit classique suscité par l'exploitation d'un ouvrage est l'utilisation concomitante d'un réservoir pour l'irrigation et l'énergie hydroélectrique et la modification du régime des eaux qui va en résulter en aval. Surtout dans les périodes de basses eaux, il faut rejeter en aval de la digue de retenue une quantité d'eau minimum permettant d'éviter les perturbations dans le cours d'eau (assèchement temporaire, apparition de sites de reproduction d'agents pathogènes dans les nappes d'eau résiduelles, le cas échéant pollution excessive du débit résiduel par les rejets d'eau usées en aval du barrage réservoir.
2.2 Barrages réservoirs
Les barrages réservoirs divisent le bassin d'un cours d'eau en trois parties :
- bassin d'alimentation (en amont de la partie sommitale de la retenue)
- lac de barrage (du barrage à la partie sommitale de la retenue)
- zone aval (en aval du barrage)
L'impact du projet dans chacune des trois zones, puis ses conséquences générales, par exemple celles entraînées par les travaux sont décrites dans ce qui suit.
Effets des barrages réservoirs et mesures de protection dans le bassin d'alimentation
L'évolution dans la zone d'alimentation du lac de barrage est importante pour la sédimentation et la qualité de l'eau dans la retenue. Dans ces secteurs, le déboisement et la mise en valeur agricole des pentes les plus raides posent un problème particulier.
En effet, la création du réservoir peut évincer les habitants dans le bassin versant en amont de la retenue (donc vers des zones éventuellement caractérisées par des pentes fortes et des sols marginaux). Une trop forte colonisation de ces zones peut entraîner un déboisement incontrôlé et une exploitation inadéquate des sols, et favoriser ainsi l'érosion et l'apport de sédiments dans le bassin du cours d'eau, y compris, le cas échéant, l'introduction de matières nutritives et de produits phytosanitaires. Ces phénomènes peuvent affecter la qualité de l'eau et donc l'utilisation du lac de barrage. La durée d'utilisation du réservoir varie fortement en fonction des dépôts de sédiments. Si un tel risque existe, il faut, dès la phase d'étude du projet, penser à des mesures de reboisement et de protection contre l'érosion dans la zone d'alimentation du barrage réservoir. Sur les problèmes de déplacement de populations, voir plus bas.
Les couches sommitales peuvent se traduire par des augmentations du niveau d'eau au-dessus de cette zone. Etant donné toutefois que les crues provoquent souvent une nouvelle érosion de ces couches sommitales, et qu'en règle générale, la pente est relativement grande dans cette partie du cours d'eau, les effets dus à l'augmentation éventuelle du niveau de l'eau sont limités (augmentation du niveau des nappes souterraines, inondation de zones proches des rives). A l'aval des affluents, dont la charge en sédiments pourrait effectivement poser des problèmes, la construction d'avant-barrages destinés à retenir ces sédiments peut s'avérer nécessaire.
Effets dans la zone du lac de barrage, travaux de protection
Le changement le plus marquant dans ce secteur est évidemment l'inondation de surfaces parfois très étendues. Des terres éventuellement très fertiles, souvent exploitées de manière intensive, le cas échéant des zones de forêts tropicales et des paysages fluviaux précieux sur le plan écologique, ou encore des sites ou lieux de culte seront irrémédiablement perdus. Le site retenu pour le projet et la hauteur de la retenue doivent être choisis de manière à limiter au maximum ces pertes. Les zones de forêt primaire doivent bénéficier d'une protection particulière. La réalisation de lacs de barrage dans ces régions ne devrait donc être autorisée que dans des cas exceptionnels et fondés, et s'accompagner de mesures spéciales de limitation des effets altéragènes de l'aménagement.
La perte de terres agricoles donne lieu à compensation dans les cas où l'exploitation agricole ne devient possible qu'avec l'eau fournie dans les zones situées à l'aval de la retenue ou lorsque les conditions de production agricole y sont fortement améliorées. Par la création de zones naturelles protégées aux alentours de la retenue, sur les îles du lac ou dans des zones proches laissées à l'état naturel, il est possible, dans une certaine mesure, de compenser les pertes d'espaces naturels et de biotopes.
Suffisamment de temps avant qu'une décision soit prise sur un projet, les questions de transfert de populations, de création d'infrastructures et de surfaces nécessaires aux travaux devront être traitées en concertation avec les personnes concernées. En effet, ces dernières peuvent être confrontées à des problèmes non seulement économiques, mais aussi sociaux et culturels. Du fait du bouleversement profond et durable des conditions de vie d'un nombre parfois important de personnes, tous les aspects liés aux éventuels transferts de population doivent être examinés très soigneusement et longtemps avant la prise de décision. Dans le cas d'indemnisation de la population déplacée, il importe de tenir adéquatement compte de critères sociaux (mise à disposition de logements et d'infrastructures sanitaires et sociales sur le nouveau lieu d'habitation), économiques (nouvelles sources de revenus, propriété foncière) et culturels (transfert de cimetières ou autres institutions culturelles/cultuelles, liens ethnologiques). L'ensemble des mesures jugées nécessaires doivent être réalisées en temps opportun pendant la durée des travaux.
Il est fréquent que la retenue coupe les voies de communication et engendre des inconvénients économiques et sociaux pour les riverains et la région. Le projet doit inclure des compensations appropriées, par exemple la construction d'une route autour du réservoir ou l'aide à l'achat de bateaux pour la mise en place d'un service de bacs.
La retenue d'eau transforme l'écosystème terrestre en un écosystème aquatique. La flore terrestre est détruite. Comme certaines espèces (flore et faune) ne vivent que dans des biotopes locaux d'extension très limitée, il importe de vérifier si l'arrivée de l'eau peut entraîner la destruction de ces espèces ou y contribuer de manière substantielle. Des zones protégées devraient si possibles être identifiées au bord du réservoir, afin que les animaux chassés de la zone submergée puissent s'y installer; certaines restrictions découlant de la capacité d'accueil de ces zones doivent néanmoins être respectées. Si les zones alentour n'offrent aucune possibilité de vie pour la faune touchée, il faut si possible mettre en oeuvre un programme de transfert des espèces les plus menacées ou les plus précieuses.
Une faune et une flore aquatiques nouvelles apparaissent en fonction de la qualité de l'eau du réservoir (température, turbidité, incidence de la lumière, teneur en matières nutritives, matières dissoutes). En règle générale, il se produit dans les nouvelles retenues une implantation rapide, spontanée ou, le cas échéant, contrôlée d'espèces de poissons, qui favorise le développement d'une activité de pisciculture intensive (peuplement artificiel avec des espèces adaptées, mise au point d'un plan de gestion). La pêche dans les lacs de barrage peut constituer un apport précieux pour la couverture des besoins de la population en protéines.
La concentration de matières nutritives végétales dans le lac de barrage peut toutefois, en particulier dans les zones de climat chaud, avoir des conséquences particulièrement graves. La croissance très accélérée des algues et plantes aquatiques supérieures entraîne une consommation d'oxygène très importante compromettant fortement l'approvisionnement en eau potable, empêchant le développement des poissons et provoquant même leur mort dans le lac et le cours d'eau aval. En cas de dégradation encore plus poussée de la qualité de l'eau, les ouvrages en béton et acier ainsi que les turbines peuvent subir des attaques chimiques importantes. Ces risques s'accroissent en fonction de l'extension des zones d'eau profondes, de la durée de séjour de l'eau dans la retenue et de l'accumulation de matières nutritives, provenant par exemple des eaux usées et des résidus d'engrais, l'exploitation des pâturages ou du lessivage des sols et de la roche-mère. Les apports de matières nutritives dans le lac de barrage doivent donc être limités au maximum. Les pertes de bois d'oeuvre et de bois de feu doivent être évitées autant que possible. L'influence négative exercée sur la qualité de l'eau par la végétation peuplant le lac doit, par ailleurs, être minimisée. Les arbres restant dans la retenue peuvent gêner la navigation et la pêche. Les troncs et branches flottants peuvent perturber le bon fonctionnement des ouvrages de prélèvement et de décharge du barrage. Dans des cas extrêmes, les émissions de méthane produites par la biomasse restant dans le réservoir peuvent engendrer un effet de serre potentiel comparable aux centrales thermiques. Pour prévenir ces risques, l'aire de la retenue d'eau doit être, autant que possible, totalement déboisée et déblayée. Pour les zones tropicales, on ne dispose encore d'aucune méthode fonctionnelle permettant de pronostiquer la qualité de l'eau en fonction de la diminution des quantités de matières nutritives présentes (par exemple, par élimination de la végétation, décapage du sous-sol, limitation stricte d'autres déversements). De même, on ne dispose actuellement dans ces régions que de trop peu ou d'aucune possibilité de réglementation pour les facteurs influant sur la qualité des eaux rejetées (par exemple par suite des activités humaines dans le bassin versant).
En particulier dans les régions à climat chaud, la modification du débit et du régime d'écoulement, s'accompagnant généralement d'un allongement des zones de basses-eaux sur la rive, favorise l'apparition de biotopes appropriés pour les hôtes intermédiaires et vecteurs de maladies infectieuses hydriques (en particulier : paludisme, bilharziose et infections gastro-intestinales). Généralement, la propagation de l'Onchocercose est nettement endiguée dans les lacs de barrage, mais elle peut empirer en aval de l'ouvrage lors de la recharge du débit d'étiage riche en oxygène.
Sur les rives habitées, le risque potentiel pour la santé des populations en contact avec l'eau est donc important, et l'augmentation du débit de décharge ne constitue qu'un remède partiel. Les populations doivent être informées de ces dangers et des précautions à prendre. Dans le cadre du projet, il conviendra aussi de vérifier dans quelle mesure les autorités sanitaires locales peuvent lancer des actions de prévention ; des mesures de soutien devront, le cas échéant, être prévues à cet effet.
Lorsque les rives du lac de barrage risquent d'être fortement peuplées, il est à noter que les usages traditionnels de l'eau (eau potable, par exemple) ne pourront pas être maintenus sans restriction après remplissage de la retenue. En effet, par rapport à l'eau en mouvement, l'eau stagnante possède un pouvoir auto-épurateur très amoindri : les rejets ne sont plus évacués aussi rapidement, les agents pathogènes survivent fréquemment plus longtemps à cause de la plus grande profondeur, l'apport en oxygène est moins important et les modifications biochimiques affectent la qualité de l'eau. Or, les rives basses et les baies baignées d'eaux très calmes sont très attrayantes et incitent les riverains à faire un plus grand usage de l'eau. Il faut donc, aux alentours du lac de barrage, prévoir des équipements contrôlés de distribution de l'eau potable et surtout d'assainissement, afin de prévenir les risques sanitaires déjà cités et la dégradation de la qualité de l'eau. L'intérieur du réservoir doit être conçu de manière à ce que la baisse du niveau ne provoque pas la formation de mares et autres aires d'eaux résiduelles.
Dans les lacs de barrage à rives plates, le niveau des eaux souterraines peut varier considérablement, ce qui peut, le cas échéant, faciliter l'exploitation agricole de ces zones, mais aussi rendre nécessaires des travaux de drainage. Les fluctuations du niveau de l'eau (dont l'ampleur est déterminée par la topographie et les modalités d'exploitation) dénudent temporairement des bandes de terrain sur la rive, qui sont exposées à l'érosion et qui peuvent, si l'humidité est suffisante, favoriser la reproduction de vecteurs et agents pathogènes.
La création d'un grand volume d'eau provoque des modifications du microclimat de la région concernée, qui se caractérisent le plus souvent par un nivellement des extrêmes (température, humidité).
L'interruption du cours d'eau limite ou morcelle les biotopes d'espèces migratrices (poissons, batraciens, insectes). Il convient de déterminer au cas par cas quelles espèces sont susceptibles d'être touchées, si des biotopes comparables sont disponibles pour les espèces endémiques et quelles mesures compensatrices peuvent être prises (échelles à poissons par exemple).
· Effets et mesures de protection dans la zone aval
Dans tout l'aval du barrage, l'effet le plus évident est la modification du régime du cours d'eau : les pointes de crue et les niveaux d'étiage les plus bas sont en règle générale atténués ou même supprimés, ce qui peut avoir des conséquences positives et négatives. D'une part, l'absence de crues atténue l'érosion des berges dans le cours aval ; d'autre part, l'érosion dans la section du cours d'eau peut augmenter puisque le charriage de sédiments est interrompu jusqu'à ce qu'un nouvel d'équilibre soit atteint. Cette situation entraîne la formation de trous qui peuvent avoir des conséquences néfastes, comme l'assèchement de stations de pompage situées au bord du cours d'eau. Pour y remédier, on peut adapter les ouvrages existants au nouvel équilibre ou construire d'autres ouvrages, comme des déversoirs de soutènement ou des parois à fentes parallèles au cours d'eau.
La modification du régime d'écoulement peut aussi avoir des effets sur les réserves d'eaux souterraines en aval de l'ouvrage. Les nouvelles conditions d'infiltration peuvent influer sur la recharge naturelle des nappes ainsi que sur leur écoulement. Les conséquences négatives possibles sont une diminution de la recharge naturelle des formations aquifères utilisées ou bien le relèvement indésirable du niveau des eaux souterraines, par exemple dans la zone d'influence de canaux.
La suppression des inondations de terres agricoles empêche l'apport naturel de substances nutritives et peut influencer les pratiques agricoles (mode de culture, applications d'engrais).
La modification du régime hydrologique ainsi que de la qualité de l'eau et des charriages peut avoir des effets sur la morphologie côtière et le delta des fleuves, mais aussi sur la faune et la flore en aval, par exemple à cause du déplacement de la limite des eaux saumâtres, en particulier lorsque les lagunes sont repoussées vers l'avant. Dans ces secteurs, une régularisation plus poussée du cours d'eau peut s'avérer nécessaire pour protéger la nature.
En aval, le nombre et l'ampleur des crues diminuent après la construction d'un barrage réservoir, ce qui incite les riverains à mettre en culture des terrains autrefois régulièrement inondés, voire même à y résider. Dans le cas d'un événement de crue rare, qui a certes été pris en compte lors du dimensionnement du barrage mais que les habitants ont tendance à considérer comme impossible, on risque des dommages importants et même des pertes de vies humaines. Pour éviter de telles pertes, il est impérieusement nécessaire d'interdire l'utilisation de ces terrains.
Au moment des travaux de construction, puis de l'exploitation du barrage, et en particulier de la mise en eau du réservoir, il est important qu'un débit résiduel correspondant aux besoins (prélèvements d'eau, points d'eau pour les animaux) soit assuré en continu et que le lit aval du cours d'eau ne soit pas complètement asséché.
En cas de rupture d'un barrage réservoir ou d'éboulements de talus de forte ampleur, la zone aval risque de subir d'importants dommages sur une grande longueur. L'ouvrage doit donc faire l'objet d'une inspection régulière.
· Effets globaux et mesures de protection
Lorsqu'un ouvrage de barrage est construit et mis en service dans une région inaccessible et donc inhabitée, la construction d'une route d'accès au chantier est indispensable. La création d'une route peut entraîner le désenclavement de la région concernée, et donc sa colonisation rapide et incontrôlée; celle-ci peut avoir pour corollaires le défrichement arbitraire de terrains destinés à une mise en culture, le déboisement et l'enlèvement de précieux bois d'oeuvre ainsi que l'exploitation des peuplements forestiers restants. On peut ainsi assister à une réaction en chaîne dont les conséquences vont bien au-delà des effets directs du barrage. Compte tenu de la pression démographique observée dans la plupart des cas similaires, un contrôle efficace des établissements humains spontanés est quasiment impossible. Ces effets secondaires doivent être pris en considération dès l'amorce des premières réflexions et doivent trouver leur reflet dans l'évaluation de tous les avantages et inconvénients d'un projet. Les projets de grande envergure seront intégrés dans un plan de développement régional incluant les aspects environnementaux. Si nécessaire, le projet comprendra des mesures de gestion des établissements humains (création d'une infrastructure administrative et sociale par exemple). A l'inverse, le barrage peut avoir des effets positifs pour la population, grâce à la création d'aires d'habitat dans des secteurs d'irrigation situés en aval, réduisant ainsi la pression des populations sur les zones marginales et fragiles de l'amont.
Un effet affectant l'ensemble de la zone d'influence peut être la création de sites d'emprunt et de carrières pour l'extraction des terres de remblai nécessaires sur le chantier. Or, comme les emplacements de ces sites dépendent des conditions géologiques et des besoins en matériaux de construction, il n'est pas toujours possible de les prévoir dans la future retenue. Lorsqu'ils se situent à l'extérieur de la retenue, ils représentent une atteinte supplémentaire aux paysages et, lorsque la couverture végétale est attaquée, un risque d'érosion accru. Après les travaux, les terrains concernés devront autant que possible être réhabilités et remis à l'état naturel de manière à éviter les phénomènes d'érosion et les autres risques. Il en va de même pour les aires servant aux installations de chantier. Elles devront être évacuées, être décontaminées si nécessaire et être remises à l'état naturel.
Le stockage de très grandes masses d'eau peut être à l'origine de secousses sismiques. Bien que l'on puisse considérer ce risque comme très minime, celui-ci doit quand même être pris en compte lors de la conception et du choix du site du barrage.
2.3 Déversoirs
Les effets des déversoirs sont similaires à ceux des barrages réservoirs mais sont en règle générale de moins grande ampleur. Les différences portent en particulier sur les points suivants :
- La retenue n'ayant qu'une hauteur limitée, il est plus facile de prévoir des dispositifs additionnels permettant aux espèces migratrices de franchir un déversoir.
- La perte de terres par suite d'inondations se limite à une étroite bande riveraine. En général, les déversoirs n'ont pas pour but de retenir une grande quantité d'eau, de sorte que l'on construit des digues latérales de protection là où des vallées plates inondables pourraient être submergées.
- Les déversoirs n'exigent pas de transferts de population ou bien seulement des déplacements de faible ampleur et sur de courtes distances. Les inconvénients subis par les personnes touchées doivent être recensés avec précision et le projet devra prévoir comment les compenser.
- Les déversoirs sont construits le plus souvent dans des cours d'eau à faible pente et à rives plates. Il convient donc de faire particulièrement attention aux variations du niveau des eaux souterraines. On pourra envisager comme protections des murs parallèles au cours d'eau ou des drainages de surface.
2.4 Centrales hydroélectriques
Les centrales hydroélectriques occupent une surface très limitée par rapport aux ouvrages de retenue, et tendant vers zéro pour les centrales souterraines ou les installations à basse pression (intégrées dans le corps du déversoir). Les centrales dotées de longs biefs d'aval et d'amont qui conduisent l'eau motrice en parallèle du cours d'eau, prélèvent dans ce dernier une grande partie, sinon l'ensemble de son débit sur ce tronçon. Ceci a pour effet de transformer radicalement non seulement la flore et la faune mais aussi la morphologie du cours d'eau. Pour empêcher ces incidences négatives et faire en sorte de maintenir dans le cours principal un débit de base suffisant, il faut
- prévoir dès le stade des études les débits d'eau nécessaires à ces utilisations,
- inclure dans les règles d'exploitation des prescriptions claires sur le débit normal de décharge,
- dans les pays où le régime des eaux est soumis à des procédures formelles, les débits nécessaires doivent faire l'objet de demandes et d'attributions officielles.
Malgré le rejet d'un débit obligatoire dans le cours principal, il peut s'y produire une diminution durable du niveau des eaux souterraines, avec des conséquences néfastes pour la végétation et les conditions de production agricole. On décidera au cas par cas, après avoir pesé tous les arguments techniques et économiques, si des mesures, telles que le montage de parois à fentes parallèles au cours d'eau par exemple, doivent être apportés en vue de remédier à ces conséquences.
Dans des cas particuliers, les centrales hydroélectriques profitent de la différence de niveau entre bassins hydrologiques voisins et font passer l'eau dans un bassin limitrophe. Cette méthode peut avoir des inconvénients importants pour le régime des eaux, surtout dans le bassin d'origine, à cause de la diminution du débit (effet de dilution des rejets par exemple), qu'il faut étudier avec précision et prendre en compte.
3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement
L'impact environnemental de projets d'hydraulique lourde est souvent extrêmement complexe et caractérisé par des interactions et réactions en chaîne difficiles à appréhender. Les effets varient en fonction de chaque barrage et les effets identiques ou similaires doivent être appréciés différemment suivant les cas (par exemple la perte par submersion d'une unité de surface agricole utile par rapport à la perte de friches non cultivables). Il n'existe pas de valeurs-limites ou de règles d'évaluation applicables à toutes les situations.
Le questionnaire fourni en annexe 1 permet d'effectuer un premier recensement des effets environnementaux que peut avoir un projet d'hydraulique lourde. Les effets ainsi inventoriés pourront ensuite être différenciés selon la nomenclature suivante :
- effets inévitables, effets qu'il est possible d'influencer,
- effets prévisibles, effets non prévisibles,
- effets positifs, effets négatifs,
- effets tolérables, effets non tolérables.
Etabli sur cette base, le questionnaire peut servir à une première pondération des effets attendus et à une estimation des risques. De plus, on pourra en déduire des variantes de substitution (autres hauteurs d'immersion par exemple) permettant d'éviter les effets environnementaux négatifs.
Une comparaison du projet avec des ouvrages hydrauliques de grande dimension ou, dans le cas des barrages réservoirs, avec des lacs naturels situés dans des régions et zones climatiques similaires ou ayant des données topographiques proches, peut constituer une méthode intéressante pour obtenir des conclusions pertinentes.
Les effets environnementaux des centrales hydroélectriques doivent être cernés et appréhendés dans le cadre d'une évaluation globale, y compris par rapport aux effets provoqués le cas échéant par la production d'une certaine quantité d'énergie électrique dans des installations thermiques. Pour ce qui concerne l'impact du transport de l'électricité, cf. le Dossier "Transport et distribution de l'électricité".
4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention
Le Dossier "Hydraulique lourde" a des points de recoupement avec pratiquement tous les domaines d'intervention traitant de l'eau : citons en premier lieu l'agriculture (y compris l'hydraulique rurale) qui est influencée par tous les grands projets d'hydraulique pour les aspects suivants : recours à la même ressource pour l'irrigation, changements d'affectation des sols, destruction de la flore terrestre, superposition d'effets secondaires.
Il faut aussi mentionner l'approvisionnement en eau potable et industrielle. La distribution d'eau, qui occupe une place prioritaire dans le développement des espaces, doit toujours être prise en compte dans tous les projets et domaines d'intervention. Ses exigences doivent être considérées comme prioritaires.
Enfin, l'hydraulique lourde est étroitement liée à tous les projets de voies navigables : construction portuaire, ingénierie fluviale et construction de canaux, qui font l'objet de Dossiers spécifiques.
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
Les travaux d'hydraulique lourde transforment évidemment l'environnement de manière visible. Les avantages apportés par ce type de travaux sont en règle générale faciles à quantifier ; à l'inverse, leur impact écologique est la plupart du temps difficile à évaluer et il n'existe ni valeurs-limites, ni règles d'évaluation applicables à tous les cas.
L'évaluation finale doit faire ressortir de manière aussi claire que possible l'avantage principal et les apports secondaires du projet, et les comparer aux restrictions d'utilisation et atteintes à l'environnement. En général, les projets d'hydraulique lourde ont des objectifs multiples ; l'examen des effets environnementaux doit donc inclure une comparaison du projet avec les effets des autres scénarios de production d'électricité, d'accroissement de la production agricole, de protection contre les inondations, de navigabilité, etc.