21. Hydraulique rurale

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Sommaire

1. Présentation du domaine d'intervention

2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Généralités
2.2 Barrages et seuils de régularisation

2.2.1 Objectif
2.2.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique
(b) Milieu biologique

2.2.3 Milieu humain

2.3 Canaux suivant les courbes de niveau/émissaire

2.3.1 Objectif
2.3.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique
(b) Milieu biologique

2.3.3 Milieu humain

2.4 Bassins de retenue

2.4.1 Objectif
2.4.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique
(b) Milieu biologique

2.4.3 Milieu humain

2.5 Petits barrages en terre/réservoirs

2.5.1 Objectif
2.5.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique
(b) Milieu biologique

2.5.3 Milieu humain

2.6 Protection des berges et enrochements de protection du lit
2.7 Canalisation (endiguement)

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement

4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention

5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement

6. Bibliographie

 

1. Présentation du domaine d'intervention

L'hydraulique se subdivise en trois domaines :

- hydraulique lourde
- hydraulique rurale ou hydraulique légère
- aménagement fluvial et construction de canaux

Le terme "hydraulique rurale" peut recouvrir tous les travaux d'aménagement et de gestion des eaux réalisés en milieu rural et énumérés ci-après :

- barrages et seuils de régularisation servant à retenir l'eau destinée aux petites centrales hydrauliques d'irrigation ainsi que pour la distribution de l'eau et la régulation des cours d'eau ;
- canaux suivant les courbes de niveau (émissaires et drainages) pour la dérivation de l'eau ;
- bassins de retenue pour la protection des petits bassins versants contre les crues ;
- petits barrages en terre de faible hauteur pour le stockage de l'eau et la protection contre les inondations ;
- protection des berges et enrochements de protection du lit, dispositifs anti-érosifs ;
- canalisation (endiguement) de cours d'eau.

Ces travaux sont généralement effectués pour des raisons économiques : meilleure utilisation des ressources en eau pour l'homme, les animaux, la production (agricole, industrielle, artisanale) et les services, ou pour empêcher les dégâts provoqués par les eaux (inondations, érosions, y compris les dégâts résultant d'une mauvaise exécution des travaux).

Les travaux d'hydraulique rurale portent dans leur grande majorité sur la réalisation d'ouvrages à la fois utilitaires et de protection ; par exemple, un petit réservoir peut servir à l'alimentation en eau, mais aussi à la collecte des eaux pluviales et donc à la protection contre les crues, de même qu'à la production piscicole.

 

2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Généralités

Les travaux d'hydraulique rurale ont un impact sur l'environnement et influent sur la nature et les paysages. Les conditions naturelles marginales et donc les conditions de vie peuvent se transformer sous l'effet des facteurs suivants :

- travaux hydrauliques et terrestres et leurs effets sur le régime d'écoulement naturel, les nappes aquifères souterraines et le cycle hydrologique naturel de la région ;
- utilisation des ressources en eau par l'homme, les animaux et pour la production (agriculture, industrie et artisanat) et les services, après la réalisation des travaux.

La prise en considération de la composante environnementale et sociale dans les projets d'hydraulique rurale suppose

- que la planification tienne compte d'emblée du contexte situationnel d'ensemble avec ses conséquences (y compris et surtout dans le long terme) et que le projet soit dimensionné à partir d'une évaluation sûre des besoins et de leur évolution ainsi que sur la base de la solvabilité des bénéficiaires,
- que les ingérences dans l'environnement soient aussi limitées que possible, que les effets négatifs soient atténués par des mesures de compensation et que les processus irréversibles soient exclus a priori.

Pour ce qui concerne l'utilisation économique, il importe, par des actions de sensibilisation et de formation, d'attirer l'attention des responsables et des personnes concernées sur les incidences environnementales et les mesures à prendre pour les éviter ou les atténuer, et d'assurer l'utilisation à long terme de l'équipement (exploitation/entretien). Ces éléments doivent être pris en compte dès le stade de la planification.

Les effets environnementaux des projets et les travaux de protection de l'environnement concernent les domaines suivants :

(A) ENVIRONNEMENT NATUREL : (a) milieu géophysique et (b) milieu biologique

(B) MILIEU HUMAIN : avec ses facettes sociales, socio-économiques et socioculturelles (y compris sur le plan de l'utilisation des ressources en eau) ainsi qu'avec les influences sur la vie humaine et la qualité de la vie.

Etant donné que l'impact des travaux d'hydraulique rurale reste généralement limité à l'échelon local, les interventions dans l'environnement et les nuisances sont moins grandes qu'avec les projets d'hydraulique lourde et d'ingénierie fluviale.

2.2 Barrages et seuils de régularisation

2.2.1 Objectif

Les barrages et seuils de régularisation sont surtout construits dans le but de stocker l'eau, qui pourra ensuite être prélevée et utilisée à des fins diverses. La plupart du temps, l'eau est prélevée en pente libre au moyen d'un canal de dérivation (cf. 2.3 : canaux suivant les courbes de niveau) ou d'une canalisation. Toutefois, des prélèvements sont possibles aussi au moyen de siphons hydrauliques ou de pompes (à main, à énergie animale ou à moteur).

En règle générale, les barrages représentent une intervention plus importante dans les eaux naturelles que les seuils de régularisation plus bas. Ces deux ouvrages modifient toutefois les conditions d'écoulement (section de passage, pente, rugosité et donc vitesse d'écoulement et débit). Les seuils de régularisation atténuent la pente et ont donc pour seule fonction de stabiliser le lit du cours d'eau et de réduire l'érosion du fond ou des berges. D'un point de vue hydraulique, les petits barrages fonctionnent selon le même principe que les grands barrages de retenue, mais l'ampleur de leurs effets sur l'environnement est en règle générale nettement moindre.

2.2.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique

Des effets sur le bilan hydrique, et principalement sur le régime des eaux souterraines, ne se produisent en aval d'un petit barrage que si la quantité d'eau prélevée et dérivée représente une partie relativement importante du débit non perturbé du cours d'eau (et, par exemple, ramène le débit sous la moyenne des débits d'étiage). En revanche, si tout le débit est dérivé (ce qui est rare), le cours d'eau se dessèchera et le niveau des nappes phréatiques chutera. Il convient de vérifier au cas par cas et d'évaluer si et comment la quantité d'eau prélevée (moins les pertes liées par exemple à l'utilisation) peut être restituée au cours d'eau ou à la nappe aquifère ; ce faisant, on examinera avec la plus grande attention si une dérivation de 100% du cours d'eau se justifie, compte tenu des graves incidences qu'elle aurait sur le régime des eaux en aval.

Si le volume d'eau prélevé est ramené à la rivière à faible distance en aval du déversoir (comme ceci est le cas avec les petites centrales hydro-électriques), le tronçon intermédiaire subira des influences dues, par exemple, à la présence d'un dessableur arrêtant le charriage de sédiments et de matériaux solides.

Si l'eau prélevée sert à l'irrigation des surfaces riveraines, on peut généralement présumer qu'une grande partie de celle-ci retourne au cours d'eau par voie de surface ou souterraine comme eau de drainage et d'infiltration. Considérée comme un facteur positif pour l'agriculture, l'irrigation s'accompagne toutefois d'inconvénients au niveau du retour de l'eau (salinisation ou modification de la qualité de l'eau utilisée à cause des apports d'engrais ou de pesticides), entraînant une importante dégradation de la qualité du cours d'eau sur de grandes longueurs.

Suivant la quantité de matières en suspension et de solides charriés (soit en fonction de la nature des sols et de leur couverture dans le bassin versant), le lit du cours d'eau risque de se combler en amont des ouvrages (beaucoup plus dans le cas des déversoirs que dans celui des seuils de régularisation) et de provoquer une modification des sections mouillées et niveaux d'eau. Conséquences possibles : teneur excessive en eau des zones riveraines, voire submersions et inondations, autant d'effets pouvant rendre nécessaires, comme sur les grands aménagements fluviaux, l'édification d'ouvrages de protection pour les zones d'amont (murs de protection ou même endiguement des berges). Ces ouvrages représentent une nouvelle intervention dans l'environnement naturel et le paysage, dont les incidences doivent être examinées attentivement.

En fonction des conditions hydrogéologiques, la modification du niveau de l'eau a des conséquences sur le niveau des nappes souterraines. De la zone de retenue générée par le barrage en remontant vers l'amont, le niveau des eaux souterraines a ainsi tendance à se stabiliser, voire à s'élever, tandis qu'en aval, il peut se produire une chute du niveau. Toutefois, les effets d'aménagements ponctuels et de petite dimension sont uniquement locaux. En revanche, les retombées peuvent être nettement plus graves, par exemple lorsque plusieurs petits barrages sont construits en chaîne.

Suivant l'état du lit du cours d'eau, la retenue des sédiments au niveau du déversoir peut provoquer des érosions vers l'aval.

(b) Milieu biologique

Les plantes peuvent réagir de manière très sensible aux variations du niveau des nappes souterraines. Par ailleurs, la quantité d'eau disponible influe entre autres facteurs sur la diversité des espèces.

Exemple : lorsque le volume d'eau prélevé est relativement important pendant la saison sèche, le lit du cours d'eau peut se dessécher pendant une période prolongée en aval d'un petit barrage, d'où une diminution du nombre des espèces de poissons, d'insectes, d'oiseaux et autres espèces autochtones. Il importe de plus de tenir compte des conséquences que la coupure provoquée dans un cours d'eau par la construction de petits barrages de retenue peut avoir sur les conditions de vie et de migration des poissons (mise en place éventuelle d'échelles à poisson).

En amont de barrages et déversoirs, la modification des propriétés rhéologiques peut provoquer la formation de zones d'eaux dormantes dans lesquelles l'apport d'oxygène est en très forte diminution. Conséquences possibles : perturbation de la faune aquatique, prolifération des germes pathogènes se transmettant à l'homme et aux animaux par l'intermédiaire de l'eau. La construction de clôtures peut être envisagée pour pallier cet inconvénient.

Lorsqu'elle nécessite le déboisement et la réalisation de voies d'accès, la construction des ouvrages peut avoir d'autres conséquences négatives sur l'environnement.

2.2.3 Milieu humain

Les effets négatifs sont pratiquement inexistants si la planification est effectuée dans les règles de l'art et si les besoins de la population et des riverains directs ainsi que les droits d'usage de l'eau sont simultanément pris en compte (aucun préjudice ne doit se produire dans la zone aval).

L'apparition possible de zones d'eaux dormantes faiblement oxygénées en amont des déversoirs et la prolifération de germes pathogènes transmissibles par l'eau constituent un risque sanitaire potentiel.

Il importe d'étudier impérativement quels seront les effets des activités de projet sur la situation économique des femmes et sur leur charge de travail, compte tenu de la répartition du travail par sexe dans les domaines traditionnels que sont l'approvisionnement en eau et l'agriculture.

2.3 Canaux suivant les courbes de niveau/émissaires

2.3.1 Objectif

Les canaux suivant les courbes de niveau sont réalisés pour dériver l'eau vers des déversoirs et d'autres ouvrages de prise d'eau. En assumant la fonction d'émissaires artificiels, ils absorbent aussi les eaux d'infiltration et de drainage qui s'écoulent par gravité sur les surfaces voisines (le cas échéant, surfaces agricoles) et servent donc à éviter la sursaturation des sols.

2.3.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique

La construction de canaux suivant les courbes de niveau et d'émissaires constitue une intervention dans la pente ou le terrain. Suivant la nature du sol, la méthode de construction et la dimension du canal (largeur, profondeur, débit), le choix de paramètres appropriés doit permettre de respecter les conditions suivantes :

- la tranchée réalisée dans la pente ne doit pas affecter la stabilité au point de provoquer des glissements de terrain,
- l'ouvrage ne doit pas provoquer de phénomènes de renard, voire des écoulements d'eau sur les talus trop pentus et/ou non étanches, allant jusqu'à des glissements de terrain et à une érosion du pied des talus. Les chutes de pluie ultérieures peuvent aggraver considérablement ces dégâts et en provoquer d'autres par l'érosion des flancs extérieurs dépourvus de végétation. Enfin, le clapotis provoqué par le vent peut éroder les flancs intérieurs de talus.

(b) Milieu biologique

Les effets négatifs dérivent des érosions et glissements de terrain décrits précédemment. Par ailleurs, jouant le rôle de petit biotope, le canal suivant les courbes de niveau/émissaire peut avoir des répercussions bénéfiques sur la flore et la faune le long de son cours, comme le montrent de nombreux exemples (dans les Andes péruviennes, par exemple, où dans des régions pourtant pratiquement désertiques, la végétation apparaît le long des anciens canaux des Incas).

2.3.3 Milieu humain

Aucun effet négatif direct n'est à redouter. En revanche, les glissements de terrain (et les inondations qui en découlent) peuvent avoir des effets secondaires pour les populations.

2.4 Bassins de retenue

2.4.1 Objectif

Dans les petits bassins versants des régions rurales, les bassins de retenue édifiés pour se protéger contre les risques de crues ont des conséquences dans tous les domaines. Leurs effets préjudiciables découlent de lacunes de planification et d'exécution (défaillance de l'ouvrage) ainsi que d'une exploitation déficiente des installations. Dans certains pays, la détermination de l'onde de crue maximale, nécessaire pour dimensionner le bassin de retenue et l'ouvrage, est souvent très difficile à cause de l'absence de données de base sur les eaux. Or, pour des raisons de coût, il n'est pas toujours possible de planifier un ouvrage en prévoyant une très grande marge de sécurité.

2.4.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique

La réalisation des ouvrages de retenue et de décharge (ces derniers étant la plupart du temps ouverts) ne modifie pas le débit d'écoulement.

En cas de crue, la fermeture partielle des vannes des ouvrages de décharge permet de stocker une partie de l'onde de crue dans le bassin et de réduire d'autant la sortie d'eau vers l'aval. Conséquences possibles :

- le débit aval est régularisé par l'écrêtement de la pointe de crue (stockage temporaire) ;
- l'érosion et la sédimentation dans la zone aval sont réduites en raison de l'absence de pointes de crue. Toutefois, cet effet positif peut être contrebalancé par des apports insuffisants d'éléments minéraux sur les surfaces riveraines et les fonds des cours d'eau, à cause de la diminution de la sédimentation dans l'eau d'aval (d'où des conséquences sur la faune et la flore) ;
- si les sols ne sont pas imperméabilisés par des dépôts de sédiments fins (suivant la nature des sols du bassin versant), d'une part l'aire d'infiltration dans la zone de retenue (ou le lit du cours d'eau) s'agrandit, d'autre part, les infiltrations durent plus longtemps, car après un stockage temporaire, le débit est plus régulier, ce qui a un effet positif sur la recharge des nappes phréatiques ;
- le dépôt de matières argilo-limoneuses dans la zone de retenue (souvent de la latérite) provoque l'imperméabilisation du radier, rend ainsi le réservoir étanche et augmente la durée de disponibilité de l'eau. En revanche, ce phénomène peut avoir un effet négatif sur les nappes souterraines au niveau du réservoir et, au fur et à mesure que le dépôt grandit, réduire la capacité de stockage et donc le fonctionnement du bassin de retenue (effets dus aux dégâts subis par l'ouvrage de retenue ou le barrage du bassin : cf. 2.5).

(b) Milieu biologique

Dans la retenue, la flore n'est pas perturbée de manière notable par les durées, normalement courtes, et les fréquences des remous dépassant la cote de retenue prévue pendant la saison des pluies.

Suivant leur nature (proportion d'humus), les sédiments et dépôts des francs-bords et du bassin de retenue lui-même peuvent perturber ou favoriser la croissance des végétaux.

La faune est très touchée par les retenues d'eau. Dans les nombreux bassins versants de faible étendue, les fortes pluies remplissent rapidement les réservoirs, obligeant les animaux à échapper très rapidement à la montée de l'eau. Pour certaines espèces, il s'agit là d'un grave problème pouvant entraîner leur destruction.

Pour la faune vivant dans des zones d'inondation (surtout les oiseaux) ainsi que pour la flore aquatique ou de zone humide, la diminution du débit provoquée par les stockages temporaires peut avoir des conséquences négatives désastreuses, qu'il faut étudier au cas par cas. Les habitats peuvent subir un assèchement.

2.4.3 Milieu humain

Sous réserve d'une planification, d'une exécution des travaux et d'une exploitation correctes, on peut considérer que les bassins de retenue ont essentiellement des effets positifs pour l'homme. Toutefois, les erreurs très souvent constatées dans l'estimation des ondes de crue, qui sont dues à l'absence de données de base, ou encore l'exploitation déficiente des bassins de retenue, peuvent entraîner des inondations, une amplification des crues et donc des dégâts en amont comme en aval de l'ouvrage.

Il est nécessaire de prévoir dès le début des études une action d'information sur le sens, le but et le fonctionnement de l'ouvrage afin de répondre aux appréhensions de la population. Des plans de remplissage du bassin de retenue et d'utilisation doivent être établis en concertation avec les riverains et être mis en oeuvre par un membre du village chargé de cette fonction et formé à cette tâche.

2.5 Petits barrages en terre/réservoirs

2.5.1 Objectif

Les barrages en terre de faible hauteur (quelques mètres) sont souvent construits au bord des cours d'eau, dans ces derniers, ou encore dans leur bassin versant, au pied de vallées ou de coupures de terrain, afin de stocker les eaux de surface (approvisionnement en eau, irrigation) ou de les rendre disponibles pendant des périodes prolongées ou toute l'année.

Les effets environnementaux sont générés par les petits barrages eux-mêmes ainsi que par les réservoirs qu'ils constituent.

Il arrive que ces petits barrages ne soient pas conçus avec le même soin que les grands ouvrages. En effet, il arrive que des non-spécialistes s'attaquent à la construction de ce type de barrages, sans respecter certaines règles élémentaires. Certes, les effets seraient nettement plus importants sur un barrage de grande dimension, mais sur le plan hydraulique et sur celui des fondations, les petits barrages de terre sont en fait similaires aux grands.

De nombreux exemples de destruction de petits barrages de terre montrent que des erreurs de planification et d'exécution des travaux autant que des lacunes d'entretien provoquent des dommages qui sont à l'origine de destructions et d'autres conséquences pour l'environnement. La plupart du temps, les dommages provoqués sont dus à la trop forte inclinaison des talus, au dimensionnement insuffisant des déversoirs et à leur mauvaise consolidation contre l'eau en mouvement, à l'emploi de matériaux inadaptés et à un compactage insuffisant. Pour consolider les barrages en terre neufs et favoriser la croissance d'un tapis végétal formé de plantes de couverture et d'herbacées, il est recommandé d'empêcher, pendant un temps suffisamment long, le pacage des animaux (clôtures).

2.5.2 Environnement naturel

(a) Milieu géophysique

Toutes proportions gardées, le bassin de retenue ou le réservoir a sur l'environnement un impact similaire à celui des grands barrages (cf. Dossier sur l'Hydraulique lourde).

Les retenues relativement peu profondes laissent passer la lumière jusqu'au fond, ce qui affecte la qualité de l'eau, favorise la croissance des algues et des plantes et provoque un fort réchauffement de l'eau. Lorsque de grandes quantités d'éléments nutritifs sont présentes dans une eau trop stagnante, il peut se produire une eutrophisation. Cette dégradation de la qualité de l'eau et le comblement du réservoir sont favorisés par la sédimentation (qui varie en fonction de la nature du sol et de sa couverture végétale dans le bassin versant) et par le lessivage de phosphates ou d'autres produits chimiques agricoles, directement ou par l'intermédiaire des sédiments.

Si le réservoir sert de point d'abreuvement au bétail et si les animaux y séjournent de manière plus ou moins prolongée (en fonction de la profondeur de l'eau), cet effet négatif est encore amplifié, et la qualité de l'eau peut se dégrader au point de mettre en cause l'utilisation de la retenue comme réserve d'eau potable.

A proximité du réservoir, le niveau de la nappe aquifère peut s'abaisser en raison de la rétention des eaux de surface qui s'infiltreraient normalement.

Enfin, la mauvaise exécution et l'entretien déficient d'un barrage de terre peut aller jusqu'à sa rupture, entraînant des dégâts considérables en aval mais aussi une perte totale de l'eau dans le sous-sol.

(b) Milieu biologique

Essentiellement dans les régions tropicales, les eaux tranquilles et peu profondes de réservoirs favorisent la prolifération des insectes. Si la retenue sert de point d'eau d'abreuvement pour le bétail, les berges ou (suivant la profondeur de l'eau) l'ensemble du lac seront souillés par les excréments animaux, ce qui augmente les risques de transmission de maladies hydriques.

La flore d'origine de la zone recouverte par le réservoir est détruite par la retenue d'eau. Elle est remplacée par une flore aquatique, constituée pour l'essentiel d'algues dont la croissance est fortement favorisée. L'évolution de la population piscicole dépend de la nature et de la densité de cette végétation. En climat tropical, les jacinthes d'eau peuvent proliférer au point de couvrir bientôt toute la surface du lac et de fortement perturber la faune.

2.5.3 Milieu humain

En climat tropical, l'occurrence des maladies hydriques, comme la bilharziose et le paludisme, a tendance à augmenter près des réservoirs d'eau, si aucune précaution n'est prise pour séparer les points de lavage, les points d'eau pour les humains et les points d'eau pour le bétail (si possible en aval du barrage); il importe, en outre, de prévoir des dispositifs d'épuration de l'eau (filtre à sable par exemple) et d'élimination (par exemple latrines VIP1) et d'accompagner ces mesures d'une vaste campagne d'éducation en matière d'hygiène ciblée sur les bénéficiaires.

1) Latrine VIP = ventilated improved pit-latine = feuillées améliorées et ventilées

Un réservoir peut avoir des effets socio-économiques positifs, lorsque l'ouvrage est planifié et réalisé en fonction des besoins de la population et selon le principe de l'autopromotion. Dans ce contexte, il convient tout particulièrement d'impliquer les femmes dans le choix des emplacements de points d'eau (intégration sociale), de délimiter des surfaces de cultures de rente (amélioration des revenus) ainsi que d'utiliser et d'entretenir l'ouvrage dans les règles de l'art.

Toutefois, la réalisation de réservoirs, même petits, peut aussi entraîner des déplacements de population. De plus, la rupture d'un barrage constitue une menace pour les vies humaines.

2.6 Protection des berges et enrochements de protection du lit

Destinés à protéger les berges et radiers contre l'érosion dans des zones localisées de petits cours d'eau ou près d'ouvrages d'hydraulique rurale, ces travaux n'ont que peu d'incidences négatives si l'on utilise des matériaux écologiques et adaptés aux conditions locales et si l'exécution est correcte. Toutefois, selon sa dimension chaque projet doit donner lieu à une étude d'impact.

2.7 Canalisation (endiguement)

D'une manière générale, les travaux de canalisation et d'endiguement de faible ampleur peuvent avoir les mêmes effets négatifs que ceux décrits dans le Dossier sur l'Ingénierie fluviale.

Toutefois, si ces projets sont réalisés dans le souci d'assurer une protection limitée au niveau local, afin d'éviter, dans des zones villageoises, les risques de crues saisonnières dangereuses pour l'homme, les animaux et les biens (récoltes par exemple), et si la transition avec le cours d'eau naturel en amont et en aval est adaptée à la situation, les effets négatifs sont pratiquement nuls.

 

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement

Comme l'a montré la présentation générale des effets possibles des travaux d'hydraulique rurale sur l'environnement, les liens de cause à effet sont complexes et, en raison de l'ampleur généralement limitée des travaux, difficiles à identifier et à démontrer.

Les interactions ne sont pas aussi marquées que dans d'autres sous-domaines de l'hydraulique lourde.

Pour être en mesure d'analyser et d'évaluer les effets des travaux d'hydraulique rurale sur la nature et l'environnement, il convient au début de chaque projet de procéder à un examen des données naturelles, non seulement sur un plan technique pur (génie hydraulique) mais aussi et surtout sur le plan socio-économique et socioculturel (socio-économie, ethnologie).

A cet effet, il faudra impliquer le plus tôt et le plus complètement possible les bénéficiaires (hommes et femmes/organisations de mise en oeuvre), en insistant sur l'intégration des femmes. L'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement comprennent :

- la description aussi complète que possible de la situation effective et des interactions ;
- l'élaboration de bases suffisantes et fiables pour l'étude technique et l'exécution des travaux (rapports précipitations/débit, offre d'eau disponible, sol de fondation, analyse des besoins et analyse coûts/avantages), avec la participation de la population afin qu'elle puisse ensuite se charger elle-même de la gestion de l'ouvrage (personnel, coûts, taxes) ;
- l'étude du comportement social des bénéficiaires eu égard à la gestion de cette ressource souvent très fragile qu'est l'eau (commercialisation, structures de coût, mode de vie traditionnel, autogestion, méthodes de culture et de commercialisation, élevage et exploitation forestière) ;
- l'élaboration d'approches de projets alternatives, visant à trouver la meilleure solution sur le plan écologique, socio-économique et socioculturel, en tenant compte des objectifs initiaux du projet et de leur degré de faisabilité (par exemple, en préparant aussi des dispositions complémentaires dont l'objectif sera de minimiser les effets secondaires indésirables).

Les difficultés d'analyse et d'évaluation découlent souvent d'une absence ou d'une insuffisance de données de base. Même s'il est possible de décrire qualitativement les effets des travaux et interventions dans la nature et l'environnement socioéconomique, il est par conséquent beaucoup plus difficile de les quantifier avec précision. On peut remédier à ces lacunes en établissant des comparaisons avec les effets de projets d'hydraulique rurale déjà réalisés et offrant des conditions d'ensemble similaires (population, climat, paysage, etc.), afin de déboucher sur des constatations et solutions plus assurées. Il n'existe donc pas à ce jour de principes généraux pour quantifier les effets de ce type de projet.

Toutefois, par une action appropriée de sensibilisation et d'éducation, les projets doivent à chaque étape (planification, réalisation et exploitation) tendre vers le respect des critères les plus stricts en matière de protection de l'environnement, dans le cadre de la situation socio-économique donnée.

 

4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention

L'hydraulique rurale peut présenter des points communs avec toutes les études et avec les travaux dont l'objectif direct ou indirect est l'utilisation de l'eau dans les sous-secteurs suivants :

- Aménagement et gestion des ressources en eau,
- Alimentation en eau des régions rurales,
- Elimination des déchets,
- Ingénierie fluviale,
- Mesures techniques de lutte antiérosive,
- Hydraulique lourde,
- Aménagement du territoire et planification régionale

ainsi que dans le domaine agricole :

- Production végétale,
- Protection des végétaux,
- Gestion des ressources forestières,
- Pêche et aquaculture,
- Irrigation.

C'est surtout la conjugaison des effets de tous ces types de projets (cf. dossiers concernés) avec les effets négatifs des travaux d'hydraulique rurale qui peut provoquer des dommages considérables.

 

5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement

Il est possible de planifier et de réaliser les projets d'hydraulique rurale de manière à ce que leurs objectifs soient conciliables avec les impératifs de l'environnement. Les approches techniques de solution existent, mais elles doivent être complétées par la prise en compte des réalités socio-économiques et socioculturelles. L'opinion encore largement répandue, selon laquelle les projets d'hydraulique rurale (donc de faible envergure) exigeraient des études moins poussées et n'auraient pas ou peu d'effets négatifs sur l'environnement du fait de leur ampleur limitée est fausse.

Lorsque les travaux de génie hydraulique rural sont soigneusement planifiés et réalisés par des spécialistes, les effets négatifs sur l'environnement seront tout au plus moins importants que dans les projets d'hydraulique lourde, d'aménagement fluvial ou de construction de canaux. Le contrôle et l'entretien régulier des équipements doivent être assurés.

Les dommages possibles pour l'environnement naturel et pour l'homme doivent inciter à étudier l'aspect écologique et humain de ces travaux, même lorsqu'ils sont de faible envergure, afin d'obtenir un maximum de sécurité, le cas échéant en ayant recours à des solutions de substitution.

 

6. Bibliographie

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