34. Irrigation

Table des matières - Précédente - Suivante

1. Présentation du domaine d'intervention
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Impact sur les éléments de l'environnement naturel

2.1.1 Mobilisation, adduction et distribution de l'eau
2.1.2 Apport d'eau et drainage

2.2 Effets de l'irrigation dans son ensemble (captage de l'eau,

2.2.1 Energie, technicité, charge de travail et revenus
2.2.2 Santé
2.2.3 Subsistance, logement et détente
2.2.4 Formation et rapports sociaux

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'appréciation des effets sur
4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
6. Bibliographie

1. Présentation du domaine d'intervention

L'irrigation et le drainage sont des techniques jouant un rôle de plus en plus important dans l'agriculture, aussi bien dans les régions tempérées que dans les zones arides. Les cultures pluviales elles aussi sont arrosées ou transformées en périmètres d'irrigation, ceci permettant d'accroître les rendements et de soustraire les cultures aux aléas climatiques. Dans certaines régions, comme les zones désertiques ou les steppes d'Egypte, d'Inde ou du Mexique, l'irrigation a permis la mise en valeur agricole de terres, sinon incultivables.

L'introduction et l'amélioration des techniques d'irrigation en tant que moyen d'augmenter la production sur des surfaces tendant à se réduire, est une nécessité imposée non seulement par les contraintes du marché et la monétarisation progressive des échanges ruraux, mais avant tout par le rythme effréné de l'accroissement de la population. Face à cette poussée démographique, la mobilisation des ressources en eau revêt une importance accrue et les quantités absolues requises augmentent considérablement.

Si, en maints endroits, les ressources en eau sont bien souvent totalement inutilisées, ou du moins ne sont que faiblement exploitées, la mise en place de réseaux d'approvisionnement en eau a, ailleurs, entraîné des dégradations écologiques massives, avec des dégâts généralement irréversibles.

A l'instar des réseaux d'approvisionnement en eau de boisson et en eau industrielle, en aval desquels il faut prévoir une évacuation des eaux usées (cf. dossiers "Assainissement" et "Adduction et distribution d'eau en milieu urbain"), l'irrigation devrait s'accompagner d'un système de drainage. Dans bien des cas, la configuration du terrain résout le problème par voie naturelle. Mais il s'avère aussi fréquemment nécessaire de prévoir des moyens de drainage dès la planification des systèmes d'adduction.

Si après l'aménagement d'un système d'irrigation permanent, on tarde à mettre en oeuvre des programmes de drainage, il peut en résulter des dégâts irréversibles, notamment en cas de salinisation du sol, et une élévation du niveau de la nappe phréatique. Même dans le cas de projets d'irrigation d'envergure limitée, on a pu observer ces problèmes de salinisation (= perturbation de l'équilibre biologique du sol) dans de nombreux pays lorsque les systèmes de drainage faisaient défaut. Pour éviter une dégradation à long terme des sols, 10% à 20% des apports d'eau d'irrigation - selon le type de sol - devront être évacués à nouveau par drainage.

Considérant les besoins croissants en eau d'irrigation et les frais qui se rattachent au captage et à l'adduction d'eau, le danger réside dans la tentation d'étaler dans le temps les mesures de drainage ou à réduire le plus possible la dimension des aménagements. De la même façon, on a pu constater que les systèmes d'alimentation permettant d'économiser l'eau, plus onéreux, sont par trop vite écartés au profit de solutions rudimentaires ou de systèmes à canaux ouverts non consolidés. Jusqu'ici, les solutions "adaptées", caractérisées à la fois par un prix abordable et une bonne efficacité (préservation des ressources) ne sont pas encore suffisamment répandues.

L'irrigation englobe les ouvrages et travaux suivants:

- Mobilisation des ressources en eau par accumulation dans de petits réservoirs, captage en rivière ou dans les nappes phréatiques ;
- Adduction et distribution de l'eau d'irrigation par canaux ouverts et conduites ;
- Distribution de l'eau d'irrigation par submersion, par bassins, à la planche, par rigoles et rases, par aspersion, au goutte-à-goutte et par conduites souterraines;
- Assainissement et drainage par des systèmes ouverts et fermés.

Ce dossier d'environnement ne traite que des petits et moyens projets d'irrigation, faisant systématiquement abstraction de grands barrages ou de l'irrigation à grande échelle avec intervention dans tout un bassin fluvial.

2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

Face aux ressources en eau limitées d'une part et à l'augmentation constante de la consommation d'autre part, et compte tenu des systèmes d'irrigation et de drainage souvent mal adaptés, il est essentiel pour ce domaine d'intervention

- de bien surveiller la mobilisation des ressources en eau, puisque les projets liés à une exploitation intensive de ressources naturelles présentent d'une façon générale de gros risques pour l'environnement,
- de rechercher le bon équilibre entre irrigation et drainage,
- de vérifier si les technologies à mettre en oeuvre sont en rapport avec les moyens financiers du pays et sont adaptées à la situation locale (par ex. savoir-faire technique disponible) pour pouvoir limiter ou écarter totalement les risques potentiels pour l'environnement.

2.1 Impact sur les éléments de l'environnement naturel

2.1.1 Mobilisation, adduction et distribution de l'eau

Certaines des activités relatives à l'irrigation peuvent influencer simultanément tous les éléments de l'environnement: sol, eau, air/climat, espèces animales et végétales, biotope/paysage. En ce qui concerne le sol, les effets sont de nature variée. Les diguettes délimitant de petits réservoirs et les canaux servant à acheminer l'eau peuvent engendrer des risques d'érosion. Tous les travaux d'aménagement modifient (détruisent) le terrain et l'irrigation elle-même amène une nouvelle dynamique du sol. Les phénomènes d'érosion peuvent être combattus par la fixation des diguettes par ex. en les plantant d'espèces à système radiculaire dense.

Pour ce qui est de l'eau, l'impact de mesures d'irrigation peut revêtir divers aspects. Si les petits réservoirs permettent d'exploiter les eaux de surface, ils sont susceptibles - selon le sous-sol en présence - d'entraîner une pollution des eaux souterraines. Même dans le cas de réservoirs de taille très limitée, il faut s'attendre à une incidence sur la qualité des eaux de surface et l'équilibre en éléments nutritifs (notamment par échauffement et eutrophisation). On notera comme autre effet que les barrages d'accumulation peuvent causer une réduction de débit sur le cours inférieur de la rivière concernée. Néanmoins, en cas de fortes variations saisonnières des précipitations, ce sera plutôt l'inverse qui se produira. Dans le cas de prises en rivière, ce sont les eaux de surface qui diminuent en quantité ; dans le cas du captage dans les nappes phréatiques, ce sont les réserves souterraines. En ce qui concerne les nappes phréatiques, les quantités d'eau soutirées dépendent entre autres de la technique de prélèvement. Plus le captage est facile (c'est-à-dire le prix de revient avantageux), plus on sera tenté de gaspiller ces ressources naturelles.

L'impact des prélèvements dans les nappes phréatiques est principalement d'ordre quantitatif. On pourra même en dire autant dans le cas de petits projets ou de micro-réalisations (par ex. dans le cas de cultures pratiquées essentiellement sur des formations géologiques avec des réservoirs de taille limitée ou dans les systèmes formés par les oueds en bordure du Sahara). Sauf rares cas exceptionnels justifiant de telles pratiques, on s'abstiendra d'exploiter les nappes souterraines fossiles sans alimentation naturelle.

Les points de prélèvement ouverts et/ou l'introduction dans l'eau de matières fécales et d'huiles comportent le risque d'une pollution ou d'une contamination de la nappe phréatique.

Les petits réservoirs peuvent influencer le microclimat et ont des répercussions sur la faune et la flore. Pour ce qui est de l'incidence des réservoirs sur les espèces animales et végétales, les effets sont souvent difficiles à cerner. D'une part, certains animaux et végétaux peuvent disparaître, être détruits ou contraints de s'établir ailleurs, d'autre part le nouveau milieu aquatique et ses abords vont favoriser le développement d'autres espèces. On peut opposer à la régression (négligeable) en nombre des biotopes secs le développement de biotopes aquatiques. En ce qui concerne les biotopes humides, l'évolution peut se faire dans un sens comme dans l'autre, avec notamment une tendance à l'accroissement en bordure de la retenue et, compte tenu de la diminution de débit, au recul sur le cours inférieur. La propagation ou la régression de telle ou telle espèce peut avoir pour l'homme et pour la nature des effets aussi bien positifs que négatifs. On tiendra compte également de l'influence des variations du niveau des eaux dans le réservoir. On peut par ailleurs admettre que les petits réservoirs agrémentent le paysage.

Les systèmes d'adduction et de distribution d'eau ouverts occasionnent des pertes par évaporation et influencent (légèrement) le microclimat. Dans le cas des canaux en terre, il peut y avoir (comme pour les petits réservoirs) des répercussions sur la faune et la flore, néanmoins difficiles à établir avec précision. Selon l'environnement rencontré, les systèmes d'adduction et de distribution ouverts peuvent contribuer à la diversité du paysage ou au contraire nuire à cette diversité.

Quant aux systèmes fermés - dans la mesure où ils sont enterrés - leur impact sur l'environnement naturel devrait s'avérer très limité.

2.1.2 Apport d'eau et drainage

Selon la méthode employée, les effets de l'apport d'eau sur le sol peuvent être plus ou moins prononcés. Il faut s'attendre également à des répercussions sur les ressources hydriques, la flore et la faune ainsi que sur le microclimat. Le principal problème de bien des techniques d'irrigation - en particulier dans les cas d'une mauvaise gestion et en l'absence de drainage - est la salinisation des sols. Schématiquement, cette salinisation se présente sous la forme d'un déséquilibre minéral extrême (excédent de sel) et d'une altération de la structure du sol (envasement, encroûtement, compactage).

Dans certains cas, les méthodes d'irrigation traditionnelles qui ne permettent pas un dosage précis de l'eau peuvent s'avérer problématiques (par ex. irrigation par submersion, bassins, à la planche, par sillons). Ici, les processus d'érosion ne sont pas improbables. Si elle n'est pas pratiquée selon les règles de l'art, l'irrigation par aspersion et, plus fréquemment encore, l'irrigation au goutte-à-goutte, provoque une salinisation des sols.

Mais il convient également d'attirer l'attention sur les cas où des techniques traditionnelles ont fait l'objet d'une modernisation inadaptée. Par exemple, des tuyauteries et des méthodes d'arrosage parfaitement adéquates au départ, peuvent entraîner des phénomènes d'érosion et de lessivage si l'eau est amenée par des pompes à moteur. Dans bien des cas, l'ensemble du système demande à être révisé, ce qui requiert d'importants investissements.

Tous les systèmes d'irrigation peuvent en principe avoir des répercussions sur la microflore et la microfaune du sol. Mais pour peu que les procédés mis en place soient adaptés aux conditions locales et que les ressources en eau soient bien gérées, l'irrigation peut en fait jouer en faveur de l'équilibre biologique du sol et du développement de la microflore et de la microfaune.

Le drainage permet de prévenir en grande partie le problème de la salinisation. Il contribue ainsi à l'équilibre du sol en éléments nutritifs et à la stabilisation de sa structure. On notera également que certaines techniques d'épandage peuvent contribuer à une désalinisation partielle des terres.

Les fossés de drainage réalisés sous la forme de canaux en terre comportent des risques d'érosion. Sur le plan hydrologique, on peut s'attendre à deux effets: d'une part à une perte en eaux de surface en raison de l'évaporation qui accompagne l'irrigation traditionnelle et l'aspersion, de même que les canaux de drainage ouverts, d'autre part à un enrichissement des nappes phréatiques dans le cas des méthodes d'irrigation traditionnelles et des canaux de drainage en terre. Si les apports d'eau sont excessifs, le niveau de la nappe phréatique peut monter au point de nuire aux cultures.

Dans les régions pauvres en eau, où l'infiltration constitue une forme de gaspillage et peut être à l'origine d'une surexploitation des ressources, la consolidation ou le revêtement des canaux devrait constituer une mesure de précaution prioritaire. En effet, si dans les zones désertiques par ex. les pertes par évaporation se limitent à 1 - 2%, celles dues à l'infiltration peuvent en revanche atteindre 85% lorsque les canaux aménagés sur des terrains sableux ne sont pas consolidés ou revêtus. Les pratiques d'irrigation traditionnelles, l'aspersion et les systèmes de drainage ouverts peuvent avoir des répercussions sur le microclimat . Selon les conditions locales, les effets peuvent être favorables (oasis par ex.) ou défavorables.

Quel que soit le système d'arrosage retenu, il faut s'attendre à des répercussions sur la flore. D'une manière générale, l'équilibre naturel des espèces va se trouver perturbé ; le nombre des différentes espèces peut aussi bien augmenter que diminuer.

Dans le cas des petits périmètres d'irrigation dont il est question ici, la faune dont l'habitat coïncide avec les aménagements dispose de suffisamment de réserves d'espace. Ni l'importance des populations, ni la diversité des espèces ne se trouveront modifiés à long terme. Ici, l'impact sur la faune locale sera plutôt dû à l'extension des surfaces cultivées, de même qu'aux cultures pratiquées et aux façons culturales (cf. Dossier sur la production végétale).

Quant aux fossés-drains superficiels ouverts, ils sont susceptibles d'influencer à la fois la flore et la faune, bien qu'il soit difficile de définir ces effets avec précision - comme nous l'avons vu pour l'adduction et les petits réservoirs. Ceci s'applique de façon analogue aux répercussions des systèmes de drainage sur la diversité du paysage.

2.2 Effets de l'irrigation dans son ensemble (captage de l'eau, adduction, répartition, épandage ainsi que drainage) sur le contexte socio-économique

2.2.1 Energie, technicité, charge de travail et revenus

Il n'est guère aisé de se prononcer sur l'influence de projets d'irrigation sur l'environnement socio-économique. Au delà des remarques d'ordre général que nous présentons ci-après, il sera donc indispensable d'examiner chaque projet en fonction de son contexte spécifique.

En règle générale, les solutions d'un haut niveau technique requièrent non seulement plus de capitaux, mais se traduisent éventuellement aussi par une forte consommation d'énergie. A ce propos, il convient d'attirer l'attention sur la possibilité de mettre les petits réservoirs et les canaux d'amenée d'eau à contribution pour produire de l'énergie ou de faire appel à d'autres énergies renouvelables. La consommation d'énergie extérieure peut en effet être réduite si l'on exploite par ex. l'énergie hydraulique lors du captage des eaux en rivière (roues hydrauliques avec hauteurs d'élévation pouvant aller de 0,5 jusqu'à plus de 20 m).

Il semblerait que le problème clé de l'exploitation de périmètres d'irrigation basés sur des technologies modernes réside en général dans l'ampleur des mesures de formation requises. L'introduction de systèmes d'irrigation s'accompagne fréquemment d'une intensification de la production agricole et d'une technologie plus poussée, qui ne sont pas toujours facilement acceptées. Il faut donc intensifier la vulgarisation et tout mettre en oeuvre pour motiver les intéressés.

Dans les sociétés où les femmes accomplissent des travaux agricoles, soit en tant que main-d'oeuvre salariée, soit pour leur propre compte, celles-ci n'ont souvent pas voix au chapitre et sont tenues à l'écart de tout ce qui touche à la vulgarisation et au perfectionnement. C'est là un aspect qui acquiert une grande importance lorsqu'il est prévu de remplacer les technologies traditionnelles par des techniques plus modernes.

La mise en place et l'exploitation de systèmes d'irrigation signifient pour les intéressés un surplus considérable de travail (surtout dans le cas de procédés à haute intensité de main d'oeuvre). Or, dans certaines sociétés, cette charge de travail supplémentaire sera assumée avant tout par les femmes. Par contre, la rémunération du travail - surtout dans le cas des projets à fort coefficient de capital - est particulièrement intéressante. Les disparités sociales peuvent s'accentuer.

Il n'est pas rare que les femmes se trouvent matériellement désavantagées par l'installation de systèmes d'irrigation. En effet, ce sont souvent les hommes que l'on enregistrera comme propriétaires des terres transformées en périmètres d'irrigation, ou encore ceux-ci s'approprieront tout bonnement ces terres qui ont alors acquis une valeur bien supérieure à celles consacrées aux cultures pluviales.

L'insuffisance fréquente des calculs prévisionnels établis au stade de la planification pour les frais d'exploitation, les coûts afférant à l'entretien, aux opérations de contrôle et à la remise en état des systèmes d'irrigation ou les modifications susceptibles d'intervenir dans la politique de soutien gouvernementale (restrictions au niveau des mesures de vulgarisation, des subventions en matériel et même en eau), mais difficiles à prévoir, peuvent avoir de graves conséquences économiques pour les paysans. Il faudrait vérifier si les concepts technologiques et le dimensionnement des systèmes sont de nature à permettre une exploitation rentable par les paysans même si les conditions d'ensemble viennent à changer.

On admet généralement que l'irrigation permet d'augmenter les rendements et la sécurité des revenus. Au passif des projets d'irrigation, il faut toutefois noter la rémunération temporaire des travaux liés à la mise en place des systèmes et la forte variation de l'ampleur des travaux saisonniers. Pour les femmes qui participent à ces tâches saisonnières, cela peut représenter une charge de travail supplémentaire, effectuée au détriment d'autres tâches (cultures vivrières par ex.).

Souvent, il y aura des changements dans la répartition des revenus (pas seulement entre hommes et femmes). Les procédés demandant d'importants capitaux peuvent marginaliser les agriculteurs aux moyens modestes et aggraver les écarts existants déjà. Lorsque l'aménagement des périmètres d'irrigation est réalisé sur la base de crédits, les femmes n'y auront bien souvent pas accès. On observe d'une façon générale que plus le niveau technique (et les coûts) d'un système d'irrigation est élevé, plus le système va accentuer les différences sociales. Il faudrait parvenir à une meilleure répartition des titres de propriété ou alors instaurer des seuils limites quant aux terres pouvant être attribuées à une même personne dans le cadre de nouveaux aménagements.

Dans chaque cas particulier, il faudra tenir compte des droits d'exploitation traditionnels des femmes, en les inscrivant par ex. au cadastre comme propriétaires au même titre que les hommes.

2.2.2 Santé

Nombreuses sont les activités qui comportent des risques pour la santé. Les principales sources de danger sont les maladies d'origine hydrique, principalement la bilharziose (schistosomiase) et l'onchocercose, dont les foyers peuvent se situer en différents points du système d'irrigation. La bilharziose en particulier, en raison de sa forme de transmission (excréments humains), peut surgir dans des régions où l'irrigation vient d'être introduite. De même, les cultures irriguées sont susceptibles de favoriser la propagation de l'ankylostome duodénal (Ankylostoma duodenale) et de l'ascaride (Ascaris lumbricoides).

Le problème de la diffusion de la malaria (paludisme) observée dans le cadre de projets d'irrigation de grande envergure peut également toucher des projets plus limités avec des petits réservoirs et canaux d'amenée ouverts. Les affections rhumatismales et les risques d'accident méritent également d'être cités. Suivant la situation, les risques pour la santé peuvent résulter de ce que les systèmes d'irrigation sont également employés pour l'approvisionnement en eau potable (cf. dossier sur l'alimentation en eau des régions rurales). Le cas échéant, les campagnes d'information visant à une sensibilisation de la population devront tenir compte de la fonction prédominante des femmes, qui sont généralement responsables de l'approvisionnement en eau de boisson. Les mesures permettant de lutter efficacement contre les vecteurs de la maladie (produits chimiques) soulèvent de nouveaux problèmes, puisqu'elles comportent elles-mêmes des risques pour l'environnement.

2.2.3 Subsistance, logement et détente

En règle générale, les familles peuvent tirer une grande partie de leur subsistance de leurs propres récoltes ou de la rémunération en nature de leurs travaux agricoles, à condition que les sols ne soient pas consacrés exclusivement à des cultures non vivrières, ce à quoi il convient de veiller au stade de la planification des cultures (cf. dossier production végétale). Dans les zones arides, l'irrigation permet généralement d'accroître l'éventail des cultures vivrières pratiquées.

L'irrigation peut s'avérer problématique dans les zones où les habitations sont réalisées en briques en terre, en banco, en pisé, en briques séchées à l'air ou en matériaux d'origine végétale, de tels ouvrages étant très vulnérables à l'eau. Pour les protéger des remontées d'humidité, les maisons construites dans les zones d'irrigation peuvent être dotées de fondations en pierre.

Loisirs et détente sont affectés dans la mesure où l'irrigation entraîne une augmentation sensible de la charge de travail pour les propriétaires et leur famille, notamment dans les régions qui étaient auparavant consacrées exclusivement aux cultures pluviales. Le surplus de travail doit fréquemment être assumé par les femmes et les enfants. Dans les cas extrêmes, cela peut signifier pour les enfants la fréquentation irrégulière de l'école et pour les femmes le renoncement à d'autres activités importantes.

L'aménagement de systèmes d'irrigation ne devrait pas nuire inutilement à l'esthétique du paysage et aux voies de communication. On épargnera à la population d'avoir à faire d'importants détours suite à des transformations telles que la pose de conduites à l'air libre sur des supports ou sur/dans des digues et l'aménagement de larges canaux ouverts. Il faudrait prévoir un nombre suffisant de passages (par ex. passages souterrains, ponts), convenant également au bétail.

2.2.4 Formation et rapports sociaux

Bon nombre d'activités offrent l'occasion d'acquérir une formation "sur le tas", à condition toutefois de disposer déjà d'une bonne qualification initiale.

Pour les tâches se prêtant à une organisation et à une réalisation en commun, on peut espérer qu'elles amèneront un renforcement de la participation et de la cohésion sociale. Mais si l'irrigation se conçoit en principe comme une activité à vocation communautaire, les effets qu'elle produit ne vont pas toujours dans le sens d'un renforcement de l'organisation sociale. Dans de nombreuses régions, les cultures irriguées sont souvent l'occasion d'instaurer la propriété privée. L'entraide entre voisins fait peu à peu place au travail salarié.

Les femmes sont particulièrement touchées par la régression des tâches communes telles que le puisage de l'eau, la lessive et éventuellement les travaux des champs, ces tâches fournissant, notamment dans les pays islamiques, une occasion de communiquer que les usages sociaux interdiraient de remplacer par ailleurs.

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'appréciation des effets sur l'environnement

En Allemagne, il existe des directives générales concernant la gestion des ressources en eau. Hormis les prescriptions techniques applicables aux ouvrages de génie hydraulique, les normes font toutefois défaut pour ce qui est des interventions relevant du domaine de l'irrigation. Les aspects suivants pourraient faire l'objet d'une normalisation:

- limites de tolérance pour la variation du niveau de la nappe phréatique due au captage (baisse), à l'infiltration (élévation) et au drainage (baisse),
- réduction du débit des cours d'eau en cas de captage en rivière,
- limitation du prélèvement d'eaux superficielles par définition de seuils minimum pour le débit, la profondeur etc. de cours d'eau et lacs, afin de ne pas nuire aux organismes aquatiques et/ou de les détruire,
- qualité de l'eau d'irrigation pour empêcher par exemple la salinisation des sols,
- degré de salinisation des eaux courantes recevant les eaux de drainage, etc.

Autres suggestions pour des prescriptions concernant le bilan hydrique:

- limitation du prélèvement dans les nappes phréatiques, qui ne devrait pas dépasser le taux de renouvellement à moyen terme (souvent difficile à déterminer),
- autorisation du captage dans des nappes fossiles uniquement dans des situations exceptionnelles d'extrême urgence,
- dans le cadre du captage des eaux, définition de l'étiage comme stade critique pour la qualité des eaux, etc.

4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention

Pour pouvoir apprécier les effets produits par les cultures irriguées, on devra consulter le dossier "Production végétale" fournissant des informations complémentaires sur le sujet.

Par ailleurs, les différents travaux d'irrigation présentent des recoupements avec d'autres sous-secteurs du domaine agricole, notamment

- la protection des végétaux, dans la mesure où il faut veiller à ce que l'eau d'irrigation et de drainage soit exempte de polluants, en particulier lorsqu'elle retourne dans des cours d'eau ou dans la nappe phréatique,
- la production animale et
- la pêche et l'aquaculture,
- le machinisme agricole, par ex. en ce qui concerne l'épandage de substances organiques et d'engrais minéraux et ses éventuels effets de pollution des eaux.

L'irrigation peut soulever des problèmes au niveau des différentes utilisations possibles de l'eau dans le cadre de la préservation des ressources. Les prélèvements d'eau dans les nappes captives et/ou fossiles font surgir la question de l'exploitation abusive de ces ressources. Dans le sous-secteur "Assainissement - eaux usées et eaux de pluie", d'autres aspects, notamment en ce qui concerne la santé, peuvent être une source de conflits d'objectifs.

Dans certains cas, les activités d'irrigation rejoignent également les domaines de projets suivants:

- L'hydraulique lourde, avec les grands barrages et les déversoirs
- L'hydraulique rurale, en particulier pour les déversoirs (prélèvement d'eau d'irrigation), les canaux suivant les courbes de niveau et les diguettes délimitant les réservoirs.
- L'assainissement pour les travaux relatifs à l'évacuation des eaux usées par épandage sur des surfaces agricoles ou par rejet dans le milieu récepteur (eaux superficielles).

5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement

La planification et la réalisation de systèmes d'irrigation dans le respect des impératifs de l'environnement (et du contexte social) sont possibles pratiquement à n'importe quel niveau technique, à condition de prendre les mesures écologiques, technologiques, économiques et sociales adéquates. Il est particulièrement important de ne pas perdre ceci de vue au stade de l'instruction du projet, car les mesures nécessaires sont souvent réduites au strict minimum du fait du budget limité et d'autres contraintes. Pour assurer le succès d'un projet d'irrigation, on pensera également à examiner si les exploitants concernés sont en mesure d'assurer le bon fonctionnement et l'entretien des systèmes mis en place. Si les projets d'un haut niveau technologique s'accordent en principe très bien avec les critères écologiques, les problèmes surgissent généralement dans le domaine socio-économique.

Les projets d'irrigation examinés ici étant de faible envergure, on peut s'attendre à des effets plus limités que dans le cas de mesures liées à d'importants travaux de génie hydraulique ou faisant appel à un captage massif dans les nappes souterraines. Là où, comme cela est souvent le cas, différentes possibilités techniques menant toutes au même résultat sont envisageables, on optera pour celle qui permet de mieux respecter l'environnement. Il est à noter que les techniques d'irrigation traditionnelles peuvent très bien être adaptées à l'environnement naturel, et que les problèmes écologiques sont plutôt causés par des systèmes hybrides où techniques traditionnelles et modernes sont difficilement conciliables. On peut toutefois parvenir à trouver des solutions associant harmonieusement les éléments traditionnels et modernes sans nuire à l'environnement, naturel et socioculturel.

6. Bibliographie

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