28. Protection des végétaux

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1. Présentation du domaine d'intervention
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Protection des végétaux en général
2.2 Les stratégies de lutte

2.2.1 Lutte physique
2.2.2 Lutte chimique
2.2.3 Lutte biotechnique
2.2.4 Lutte biologique
2.2.5 Lutte intégrée

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation de l'impact sur l'environnement
4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
6. Bibliographie

1. Présentation du domaine d'intervention

La protection des végétaux est pratiquée dans le but de limiter les baisses de productivité et les pertes de rendement des plantes cultivées durant la période de croissance et après la récolte (protection des denrées stockées), mais aussi comme mesure de quarantaine. Elle sert principalement à maintenir et à garantir les rendements ; associée à d'autres mesures culturales, elle permet aussi de les accroître.

La protection des végétaux a recours à une vaste panoplie de méthodes ayant différents effets écologiques, économiques et socio-économiques pour maintenir les organismes nuisibles (maladies, ravageurs, mauvaises herbes) en deçà du seuil de dommage économique, également dénommé seuil d'intervention. Pour réduire la probabilité des dégâts, elle se sert des mesures préventives ci-dessous, qui relèvent en partie du secteur de la production végétale (cf. dossier sur l'environnement "Production végétale"), ce qui est révélateur d'une forte interdépendance entre ces deux secteurs:

- aménagement des sites (haies, bandes de bordure, etc.),
- choix du site et des variétés,
- semis, repiquage,
- semences et plants sains,
- assolement, association des cultures,
- préparation et amélioration du sol,
- fertilisation,
- soins culturaux,
- récolte,
- stockage.

Ces mesures sont complétées par les procédés de protection des végétaux à proprement parler ; il s'agit de procédés

- physiques,
- chimiques,
- biotechniques,
- biologiques et
- intégrés.

Les procédés physiques visent à détruire directement les nuisibles, à ralentir leur développement ou à empêcher leur propagation dans l'espace. Ils se divisent en procédés mécaniques et procédés thermiques. Les procédés mécaniques comprennent le travail du sol contre les adventices et les ravageurs (sarclage à la houe, enlèvement et élimination des parties atteintes du végétal et des hôtes intermédiaires), l'inondation des champs contre les nuisibles vivant dans le sol (par exemple contre Fusarium oxysporum, pathogène de la fusariose du bananier), la mise en place de bandes-pièges contre les insectes nuisibles non volants et d'autres méthodes destinées à éloigner les ravageurs des cultures ou à les capturer, comme les clôtures ou les rigoles (lutte antiacridienne), les pièges et le ramassage des prédateurs. Les procédés thermiques se fondent sur la sensibilité des organismes nuisibles aux basses ou hautes températures ; font partie de ces procédés: le trempage des semences et des plants dans l'eau bouillante (par exemple traitement antiviral et antibactérien des boutures de canne à sucre), la solarisation (une fois le sol recouvert d'un film plastique, le rayonnement solaire produit, grâce à l'effet de serre, une action phytosanitaire ; méthode utilisée par exemple dans la lutte contre les plantes parasites à graines et les pathogènes terricoles, etc.), le désherbage par le feu, l'incinération des débris végétaux. Les basses températures empêchent la propagation de certains ravageurs des denrées stockées.

La lutte chimique utilise des techniques d'éradication, des méthodes de protection et des procédés curatifs pour détruire les nuisibles ou les éloigner des plantes cultivées, pour les empêcher d'attaquer et de s'introduire dans la plante ou pour guérir les végétaux ou parties de végétaux infestés (malades). Une claire délimitation entre ces procédés, normalement classés par mode d'action, n'est pas possible car de nombreux produits phytosanitaires n'ont pas une seule, mais plusieurs actions spécifiques. La plupart des produits phytosanitaires entraînent la mort du nuisible en intervenant dans d'importants mécanismes du métabolisme ou en perturbant la transmission des stimuli. La sélectivité spécifique du produit de lutte est obtenue grâce au choix de la matière active, de la formulation, de la technique et du moment d'application.

Les procédés biotechniques et biologiques de lutte contre les ravageurs doivent leur essor actuel au fait que les dangers et les limites de la lutte chimique font l'objet d'une appréciation plus réaliste que par le passé. Les méthodes biotechniques utilisent les réactions naturelles des organismes nuisibles (en quasi-totalité mobiles) à des stimuli physiques et chimiques pour modifier leur comportement dans un sens favorable à la protection des végétaux (par exemple pièges lumineux et colorés, attractifs et répulsifs chimiques, phéromones, hormones, dérégulateurs de croissance). La lutte biotechnique privilégie en principe les mesures ne visant pas à tuer directement l'organisme nuisible, mais à surveiller les populations afin de prévoir les éventuelles pullulations, de repousser et de faire fuir les ravageurs. Combinée à la lutte chimique, elle permet de détruire les nuisibles.

La lutte biologique utilise des organismes vivants et leurs capacités spécifiques pour préserver et développer la résistance de la plante contre les facteurs limitants biotiques (organismes nuisibles) et abiotiques. Dirigée contre les prédateurs et les maladies des végétaux, elle consiste à maintenir et à favoriser de manière ciblée le développement des organismes utiles, à les élever artificiellement et à les implanter massivement, de même qu'à les acclimater dans des habitats où leur présence était jusqu'ici inconnue. Les méthodes biologiques de lutte contre les mauvaises herbes consistent surtout à introduire des organismes utiles.

Au nombre des méthodes biologiques, on compte par ailleurs l'induction d'une résistance aux maladies, par exemple par infection des plantes avec des pathogènes de moindre virulence.

Des interactions étroites existent entre la lutte biologique et la lutte intégrée en ce sens que ces deux stratégies attachent une haute importance à la régulation des populations de nuisibles par des facteurs limitants biotiques. Pour fonctionner, elles supposent en outre de renoncer presque complètement aux pesticides préventifs à action non spécifique. Dans les biocénoses soumises à une exploitation agricole intense et comportant un nombre limité d'espèces, les possibilités de mise en oeuvre des méthodes biologiques sont limitées ; en revanche, ces méthodes occuperont une plus grande place dans les modes de production extensifs et dans les biocénoses caractérisées par une grande diversité d'espèces. Leurs limites proviennent surtout de la capacité de performance des organismes utiles et de leur dépendance vis-à-vis de certaines conditions de milieu.

La protection intégrée des végétaux est une stratégie consistant à recourir à toutes les méthodes de lutte écologiquement et économiquement acceptables en les harmonisant du mieux possible les unes avec les autres, dans le but de maintenir les populations de nuisibles en deçà du seuil économique de dégâts ; le recours aux facteurs limitants naturels joue un rôle de premier plan à cet égard. L'objectif primordial est de ménager le plus possible l'équilibre naturel en réduisant les applications de produits chimique et en intégrant à la stratégie de lutte divers instruments puisés dans l'arsenal des autres mesures disponibles. Les liens avec la production végétale sont ici particulièrement étroits. L'emploi de pesticides doit être réduit au strict minimum et il faut renoncer aux traitements de routine effectués suivant un calendrier, en adaptant le dosage des produits phytosanitaires aux conditions réelles, en abandonnant les produits persistants, à action non spécifique, qui mettent en péril les organismes utiles et en choisissant le moment du traitement de façon à épargner ces organismes.

La lutte intégrée donne en général de meilleurs résultats dans les cultures permanentes - en raison de leurs biocénoses plus stables, influençables plus durablement - que dans les cultures éphémères vivant forcément dans une communauté d'espèces en changement perpétuel. Ces méthodes requièrent des connaissances poussées sur les interactions biologiques, écologiques et économiques ; aussi leurs limites, de même que les dangers qu'elles font courir, apparaissent-ils dès qu'on fait appel à du personnel non qualifié.

2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Protection des végétaux en général

· Effets sur l'environnement

Les effets de la protection des végétaux sur l'environnement proviennent des influences physiques et/ou énergétiques exercées sur les organismes vivants et leurs écosystèmes, sur le sol, l'air et l'eau. La nuisibilité d'une mesure phytosanitaire, surtout si elle est considérée sous l'angle de sa persistance, dépend des multiples incidences induites sur le fonctionnement de l'écosystème. Des effets préjudiciables au milieu naturel sont probables lorsque la protection des végétaux est appliquée sans tenir suffisamment compte des aspects écologiques. L'utilisation répétée d'une substance active entraîne l'apparition de phénomènes de résistance chez le nuisible. Des procédés de lutte non spécifiques freinent la propagation du ravageur, mais, en même temps, atteignent involontairement un grand nombre d'organismes utiles non cibles, ce qui compromet la diversité des espèces et les mécanismes de régulation biologiques. Les ennemis des cultures risquent ainsi de se propager plus rapidement et de nécessiter des traitements supplémentaires. On risque en outre de susciter des effets indésirables sur le milieu abiotique (par exemple érosion suite aux travaux de préparation du sol destinés à éliminer les parasites).

La protection des végétaux, conjuguée à d'autres pratiques culturales, permet de repousser les limites écophysiologiques normalement imposées à de nombreuses cultures. La culture de la pomme de terre ou de la tomate dans les régions montagneuses humides exige par exemple une protection phytosanitaire renforcée contre les champignons pathogènes. Les plantes cultivées dont les tubercules souterrains constituent le produit de récolte (pommes de terre, taro, etc.) compromettent la pérennité de l'utilisation des sols, en particulier lorsque la culture est pratiquée sur des terrains en pente, en raison des risques d'érosion et d'appauvrissement du sol suite à la mobilisation accrue d'éléments nutritifs.

La lutte chimique s'est taillée une place de choix dans la protection des cultures, tant par sa facilité d'emploi qu'en raison des résultats spectaculaires obtenus à très court terme ; ceci peut conduire à une utilisation abusive et inconsidérée - car non rentable par exemple.

Les conditions socio-économiques peuvent être largement influencées par l'introduction ou la modification de pratiques phytosanitaires, qui représentent en même temps un élément déterminant des systèmes de production. C'est particulièrement le cas des pays à vocation essentiellement agricole. Ainsi, le passage de la culture sur brûlis (suivie d'une jachère) à la culture permanente, qui nécessite des dépenses monétaires nettement accrues pour la lutte contre les adventices, a des incidences au plan socio-économique. De plus, la composition floristique se modifie en faveur d'espèces plus difficiles à combattre.

Le remplacement du sarclage des mauvaises herbes à la houe par les traitements herbicides risque de porter préjudice aux groupes de population (enfants, femmes, hommes, groupes ethniques) auxquelles la responsabilité de ce travail incombait auparavant. L'introduction de nouvelles techniques de lutte peut aussi avoir des répercussions négatives sur la santé, la capacité de travail et les droits acquis par une partie de la population. D'un autre côté, les objectifs prédominants d'une société et les valeurs éthiques et morales en vigueur forment le cadre au sein duquel la protection des végétaux devra inscrire son action (par exemple interdictions d'abattage frappant certains groupes d'animaux ; appréciation portée sur la qualité de l'air et de l'eau, critères concernant l'absence de résidus ; protection du travail, préférences de travail, besoins de temps libre).

· Mesures de protection de l'environnement

Les mesures de protection de l'environnement ont pour but de minimiser à long terme les dommages écologiques causés par la protection des végétaux. Pour ce faire, il faut d'abord soupeser les objectifs macro-économiques et les objectifs micro-économiques (c'est-à-dire au niveau de l'unité économique ou de l'exploitation) et appliquer systématiquement le principe du pollueur-payeur dans le règlement des dommages causés. Le seuil d'intervention devrait être fixé d'après des critères écologiques et économiques s'inscrivant dans un horizon de long terme.

On utilisera autant que possible les facteurs limitants naturels (cf. mesures de protection de l'environnement présentées dans le dossier sur la production végétale) et on abaissera la probabilité des dégâts (cf. point 1). Les effets récurrents des traitements phytosanitaires sur le système de production et l'écosystème, par exemple suite à une extension des cultures à des sites risquant d'être plus fortement infestés, demandent à être examinés avec autant d'attention que leur incidence sur la situation économique et sociale de la population.


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