2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

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2.1 Définitions en conformité avec la Convention de Bâle

La "Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (Convention de Bâle)" du 22.3.1989 constitue un progrès significatif dans la création d'un droit international de l'environnement. Cette convention est le fruit de plusieurs années de discussions intenses entre les représentants de plus de cent Etats. Elle sert de base juridique fondamentale aux autorités compétentes pour endiguer les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux de plus en plus problématiques et pratiquement incontrôlés à ce jour. Déclarés en partie comme marchandises, ces déchets sont exportés dans des pays tiers en vue de procéder à leur élimination. Cette convention constitue un outil précieux pour l'harmonisation internationale du concept de "déchets dangereux".

Ce concept de „déchets dangereux" fait plus particulièrement l'objet de l'Article 1 (cf. Annexe 1 en comparaison avec l'Annexe III). A cet égard, les Etats signataires de cette convention se réservent le droit d'appliquer une définition plus restrictive encore pour leur pays dans la mesure où d'autres types de déchets sont susceptibles d'être inclus dans le concept de "déchets dangereux" en vertu de leur législation nationale.

Aux termes de cette Convention de Bâle dont la portée est internationale, „la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux ou autres déchets" évoquée à l'Article 2 est définie comme : "la mise en oeuvre de toutes mesures pratiques permettant d'assurer que les déchets dangereux ou d'autres déchets sont gérés d'une manière qui garantisse la protection de la santé humaine et de l'environnement contre les effets nuisibles que peuvent avoir ces déchets".

Pour une définition plus précise du concept d'élimination, l'Article 2 renvoie aux opérations prévues à l'Annexe 4 de cette convention. Répertoriant les catégories de déchets, les caractéristiques de danger et les méthodes d'élimination, les annexes mentionnées sont intégrées aux Annexes 1 à 3 du présent ouvrage. L'Annexe 4 comprend la liste des déchets dangereux telle qu'elle apparaît dans l'annexe à la directive CEE relative aux déchets toxiques et dangereux. Ces données révèlent jusqu'à quel point la Convention de Bâle s'inspire de cette directive CEE.

2.2 Problèmes spécifiques aux pays en développement

En ce qui concerne la manutention, le traitement et l'élimination des déchets dangereux, les pays en développement sont généralement confrontés aux problèmes suivants :

1. le danger que représentent ces déchets pour l'homme et l'environnement ainsi que la nécessité d'agir à titre préventif ne sont pas ou sont insuffisamment reconnus par les exploitants des installations industrielles (producteurs de déchets), les décideurs politiques et la population ;

2. l'absence d'un cadre politique ou politico-économique visant à assurer la prévention ou la réduction des déchets dangereux. En outre, le cadre juridique relatif au contrôle de l'élimination des déchets ainsi que l'appareil administratif nécessaire pour imposer la mise en oeuvre de la réglementation sont incomplets ;

3. des facilités d'élimination appropriées et un système de contrôle adapté à de tels déchets font défaut ;

4. les observations et contrôles du milieu naturel et de l'environnement sont insuffisants voire inexistants.

En outre, certaines conditions secondaires restreignent la liberté d'action et de décision. Parmi les restrictions qui s'appliquent précisément aux pays en développement, il convient de mentionner :

  • moyens financiers limités 
en particulier en devises convertibles
  • manque de ressources humaines :
en particulier dans les domaines de l'ingénierie, de la gestion et de l'administration
  • limites relatives à l'occupation des sols :
en particulier en raison des concentrations de populations parfois fortes caractérisant les zones urbanisées (polarisation)
  • conditions de milieu :
en particulier en raison de la pénurie relative des ressources en eau et du fait que, dans les pays en développement, les zones d'agglomération présentent une nappe phréatique très proche de la surface. Aussi, la pollution de ces nappes peut avoir des conséquences catastrophiques au niveau de l'hygiène et de l'environnement.

Une gestion économiquement rationnelle des déchets spéciaux doit tenir compte de ces différents facteurs. Par ailleurs, ces conditions secondaires prennent parfois une telle ampleur que seule la minimisation des déchets est envisageable du fait de l'insuffisance des possibilités d'élimination.

2.3 Aperçu des différents types de déchets rencontrés dans les pays en développement

2.3.1 Généralités

Sous ses divers aspects, le problème des déchets spéciaux, considéré en termes de quantités, catégories et composants, est une conséquence directe de l'activité industrielle développée dans l'espace géographique considéré et des importations de produits industriels élaborés. Dans les PVD, la structure de l'activité économique se caractérise par un secteur secondaire faisant largement appel à des procédés de production standardisés, dont le fonctionnement ne correspond généralement pas à l'état de la technique dans les pays industrialisés, et qui entraînent bien souvent une production excessive de déchets (qu'il ne faut toutefois pas nécessairement considérer comme des déchets dangereux). Par ailleurs, les activités relevant du secteur primaire, notamment l'agriculture, la foresterie et l'industrie minière sont également une source majeure de déchets spécifiques, dont le potentiel de nocivité varie considérablement selon le domaine d'activité. Ainsi, les terrils, les bassins de décantation et les déchets liquides peuvent contenir des métaux lourds toxiques (Hg, Cd, As, Pb, etc.), des substances radioactives et du cyanure. Il s'agit plus particulièrement des déchets provenant de l'extraction des métaux non ferreux et des métaux précieux.

En outre, les substances suivantes qui, contrairement aux déchets spéciaux d'origine industrielle évoqués ci-dessus, résultent également du processus normal de consommation, posent toujours problème :

• les huiles et substances huileuses, qui peuvent contenir du diphényle polychloré (parcs automobiles, ateliers de réparation, etc.) ;
• les produits agrochimiques et leurs résidus ;
• les déchets d'hôpitaux.

Il convient de mentionner aussi les matériaux de construction contenant de l'amiante.

2.3.2 Sites de production

Les déchets spéciaux sont essentiellement produits dans le secteur industriel (si l'on tient compte des biens industriels importés). Les mesures visant à réduire le flux des déchets doivent donc être fondées, pour chaque site de production, sur une analyse différenciée qui tienne compte de la nature des déchets, des sources de danger et des stratégies de recyclage susceptibles d'être mises en oeuvre par les entreprises concernées :

- le point 2 ci-dessus renvoie à l'Annexe I de la Convention de Bâle où sont énumérées les catégories de déchets, qui relèvent du concept de déchets dangereux (voir l'Annexe I du présent document) ;
- le tableau 2 (voir l'Annexe 6 ci-après) fournit une grille de classification des déchets spéciaux, qui inclut des références quant aux sites possibles de production pour les déchets concernés ;
- une autre classification des déchets en fonction des branches d'activité est fournie par le Rapport Technique "Technical Paper 93" publié par la Banque mondiale (voir l'Annexe 7 ci-après) ;
- pour l'Allemagne, on peut également mentionner le Répertoire des déchets spéciaux établi conformément aux Instructions techniques relatives aux Déchets (TA - Abfall), qui propose des exemples de sites de production pour chaque type de déchets. On trouvera également dans ces Instructions techniques des recommandations pour l'élimination des types de déchets mentionnés et répertoriés au moyen de codes.

A titre indicatif, la production de déchets spéciaux s'est révélée particulièrement élevée dans les branches d'activité suivantes :

• industrie chimique et traitement des huiles minérales ;
• industrie pharmaceutique ;
• industrie des métaux et des non ferreux ;
• construction automobile, mécanique, traitement des surfaces ;
• électrotechnique, mécanique de précision ;
• imprimerie, fabrication et transformation de peintures et pigments ;
• transformation des matières plastiques ;
• industrie du verre ;
• industrie du cuir ;
• transformation de l'amiante ;
• industrie minière, métallurgie, fonderie.

Les quantités de déchets spéciaux produites par les activités de consommation et le secteur des services sont généralement très inférieures. Par ailleurs, les déchets huileux posent souvent un problème d'élimination concret dans les PVD. Le tableau reproduit à l'Annexe 8 donne un aperçu des types de déchets spéciaux générés par les PMI ou résultant de l'utilisation de certains produits.

Les produits industriels importés posent également un réel problème dans la mesure où, une fois transformés en déchets, leur manipulation et élimination deviennent critiques. Il convient donc de prendre cet aspect en considération et de développer des mesures préventives, telles que l'interdiction des importations ou des clauses de reprise obligatoire imposée au fabricant.

Une attention particulière doit également être réservée aux déchets d'hôpitaux, notamment en raison des risques de contamination qu'ils sont susceptibles d'occasionner (voir également à ce sujet les Dossiers sur l'environnement "Analyse, diagnostic et test", et "Equipements collectifs publics - écoles, établissements de santé publique, hôpitaux ").

2.3.3 Identification des déchets

Le tableau 1 (Annexe 5) représente un mode simple de classification et d'identification des déchets. Certes, les analyses chimiques de laboratoire permettent une identification bien plus détaillée, mais elles constituent parfois un investissement matériel et financier considérable, outre qu'elles requièrent la disponibilité de telles institutions. Dans la pratique, il est recommandé de procéder à une analyse des processus de production. Les techniques de fabrication étant standardisées, il est généralement facile de déterminer les déchets et produits dérivés qui sont générés au cours de ce processus. Pour une évaluation plus approfondie, on pourra comparer les données concernant les propriétés chimiques des déchets, qui sont disponibles dans plusieurs pays. En Allemagne, par exemple, ces données sont publiées sous la forme de recueils de feuillets détachables actualisés et complétés en permanence. Ceux-ci décrivent les déchets notamment selon leur composition chimique et leur aspect, et constituent donc un précieux outil pour leur identification.

Aux Etats-Unis, il existe un registre officiel des substances dangereuses (Federal Register), actualisé et complété de manière systématique. D'autres Etats également se sont dotés de réglementations et de classifications détaillées visant à réduire les risques liés à la manipulation de ces substances. De même, l'annexe B des Instructions techniques relatives aux Déchets, dont il a déjà été question, énumère en détail les procédés de prélèvement d'échantillons et d'analyse selon les normes DIN, qu'il convient d'utiliser pour effectuer les analyses de déclaration et d'identification des déchets dangereux.

Au niveau de l'identification des déchets, le problème majeur réside dans le fait que ceux-ci se présentent souvent sous la forme d'un amalgame, ce qui rend impossible une identification précise sur la seule base des caractéristiques extérieures. A ceci s'ajoutent les difficultés d'analyser certaines substances complexes, plus particulièrement celles qui, même en très faibles quantités, sont toxiques (dioxine ou furane, par exemple).

2.3.4 Possibilités de classification des déchets dangereux par rapport à la mise en oeuvre de méthodes d'élimination écologiquement rationnelles

Il convient avant tout de préciser que la question de savoir si cette classification permet réellement que les déchets soient éliminés de manière écologiquement rationnelle, dépend du type et de l'équipement des installations d'élimination (niveau technique atteint). En outre, une réglementation devrait accorder la priorité à la valorisation des déchets, pour autant que celle-ci soit possible au plan technique (soit lorsque les procédés requis existent) et qu'elle soit acceptable au plan économique (soit lorsque les coûts de l'opération sont compensés par des bénéfices substantiels).

Pour classer les types de déchets en fonction de méthodes d'élimination appropriées, on tiendra compte des paramètres suivants :

• consistance ;
• aspect, couleur ;
• odeur ;
• inflammabilité dans les conditions normales ;
• réaction au contact de l'eau, de l'air et autres substances ;
• substances réactives au cours du processus d'élimination envisagé.

Il existe de nombreux autres critères de classification qui varient selon les cas.

Ainsi, le critère d'élution, essentiellement, servira à déterminer si une mise en décharge peut être envisagée pour tel type de déchets. Les substances fortement réactives ne peuvent être mises en décharge qu'après avoir subi un traitement préalable. De manière générale, la mise en décharge convient surtout pour les déchets inorganiques, consistants ou solides. L'annexe D aux Instructions techniques - Déchets (TA - Abfall) énumère un grand nombre de critères pour la mise en décharge à l'air libre, qui constitue la principale méthode d'élimination applicable dans les PVD (voir le tableau 1). Toutefois, cette solution relativement peu coûteuse ne pourra être exploitée que si les barrières géologiques (couches à faible perméabilité, par exemple, argile et marne) sont suffisamment résistantes (épaisses de plusieurs dizaines de mètres) et/ou si elles peuvent être renforcées ou substituées par des barrières techniques (ouvrages en vue de renforcer l'étanchéité).

Tableau 1 Critères de classification pour la mise en décharge à l'air libre, selon les IT-Déchets (TA - Abfall) applicables en Allemagne

Consistance      
Résistance à la charrue = 25 kN/m
Déformation axiale = 20 %
Résistance à la compression unidimensionnelle = 10 kN/m
Perte par calcination du résidu sec de la substance de départ = 10 % du poids
Eléments lithophiles extractibles = 4 % du poids
Critères d'élution 4 - 13    
pH = 100 000 uS/cm
Conductibilité = 200 mg/l
Teneur totale en carbone organique = 100 mg/l
Phénols = 1 mg/l
Arsenic = 2 mg/l
Plomb = 0,5 mg/l
Cadmium = 0,5 mg/l
Chrome VI = 10 mg/l
Cuivre = 2 mg/l
Nickel = 0,1 mg/l
Mercure = 10 mg/l
Zinc = 50 mg/l
Fluorure = 50 mg/l
Ammonium = 1 000 mg/l
Chlorure = 10 000 mg/l
Cyanures, solubles = 1 mg/l
Sulfate = 5 000 mg/l
Nitrite = 30 mg/l
AOX = 3 mg/l
partie soluble = 10 % du poids

Les chapitres 6 (Hazardous Waste Treatment Technologies) et 7 (Technical Requirements for the safe Disposal of Hazardous Waste) de l'étude réalisée conjointement par la Banque mondiale, l'OMS et le PNUE "The Safe Disposal of Hazardous Waste, World Bank Technical Paper Number 93" (Volumes II et III) contiennent des indications qui permettent de procéder à des analyses plus approfondies.

Le recours à l'incinération, pour autant que la puissance calorifique de l'installation soit suffisante (c'est le cas des fours rotatifs utilisés dans les cimenteries), convient uniquement pour les déchets spéciaux dont la mise en décharge à l'air libre ne peut être envisagée en raison de leur trop forte teneur en matières organiques nocives - et à condition que le traitement thermique permette la destruction saine de ces substances nocives. Il convient de noter également que les déchets susceptibles d'être éliminés par incinération se caractérisent par une teneur limitée en métaux lourds et en atomes hétérogènes (fluor, chlore).

Les diverses méthodes de traitement chimique/physique et biologique des déchets spéciaux ont pour objectif de réduire la teneur en substances nocives et/ou le volume des déchets dangereux. Elles sont exploitées dans le cas de déchets hautement toxiques et lorsque elles permettent la séparation, la transformation ou la neutralisation des éléments polluants.

La classification des déchets sous l'angle du processus d'élimination le plus sain d'un point de vue écologique implique la réalisation d'un test d'aptitude fondé généralement sur des analyses visant à déterminer la composition des déchets. Pour les déchets dont la composition est connue, on pourra procéder à cette classification en s'aidant des recommandations relatives à leur élimination.

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