Table des matières - Précédente - Suivante
1. Présentation du domaine d'intervention
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection
2.1 Sol, relief, géologie
2.2 Eaux
2.3 Climat, atmosphère
2.4 Flore, faune, écosystèmes
2.5 Aspect du paysage
2.6 Effets socio-économiques et socioculturels et répercussion de ceux-ci sur l'environnement
3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement
4. Interaction avec d'autres domaines d'intervention
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
1. Présentation du domaine d'intervention
Le présent dossier a pour but de contribuer au diagnostic des effets environnementaux pouvant découler de la création et de l'agrandissement de sites touristiques et d'activités connexes, ainsi qu'à l'identification des mesures permettant d'éviter ou de minimiser les dommages à l'environnement. L'accent sera mis ci-après sur le tourisme de villégiature dans les zones côtières et à l'intérieur des terres et sur le tourisme éducatif.
Les équipements touristiques comprennent tous les bâtiments, aménagements extérieurs et infrastructures servant à l'hébergement et au ravitaillement des touristes et du personnel des services, p. ex. hôtels, bungalows, installations de clubs, villages de vacances, restaurants, magasins de souvenirs, etc., ainsi que les réseaux d'approvisionnement en eau et en électricité, d'évacuation des eaux résiduaires et des déchets, etc. A cela s'ajoutent les équipements spéciaux pour activités sportives, tels que piscines, terrains de golf, minigolf et tennis, ports de plaisance et marinas, éventuellement pistes d'atterrissage, etc. Sont également à prendre en compte les effets d'activités non liées à des installations particulières, telles que la natation en mer, la plongée, la planche à voile, etc., les excursions à pied, l'alpinisme, l'équitation ainsi que les visites commentées de sites culturels, d'attractions naturelles, de parcs nationaux, etc.
Le tourisme a connu une expansion très rapide au cours des dernières années. Ceci a déclenché un grand nombre de changements dans les domaines socio-économiques, culturels et écologiques. Ces questions ont souvent reçu trop peu d'attention dans le passé, si bien qu'aux influences négatives subies par des groupes de populations autochtones s'est ajoutée la dégradation d'un grand nombre de paysages naturels.
La mise en exploitation des ressources naturelles a en partie gravement perturbé l'équilibre écologique (p. ex. abaissement des nappes phréatiques, menace de destruction des récifs coralliens, etc.). D'un autre côté, le tourisme rapporte des recettes en devises, ce qui permet aux pays d'accueil de mettre des sites précieux sous protection et de les sauvegarder à long terme. Il apparaît donc d'autant plus important de minimiser les effets écologiques négatifs des projets touristiques, afin de faire du tourisme un facteur de développement positif et durable. C'est cette idée que traduisent les termes "tourisme doux" ou "tourisme vert". Un comportement respectueux de la nature, de la culture et du mode de vie des habitants dans les zones d'accueil n'est nullement incompatible avec un haut degré de satisfaction des touristes et de gains pour toutes les personnes concernées. Dans ce contexte, il y a lieu de mentionner que les problèmes rencontrés ne sont pas seulement causés par les touristes étrangers, mais aussi par les touristes nationaux.
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection
La liste suivante donne un aperçu des principaux problèmes environnementaux qui peuvent se présenter dans le cadre de projets touristiques.
- Travaux de génie civil pour l'aménagement des sites et la mise en place des infrastructures nécessaires (drainage, remblayage, détournement de cours d'eau, construction de digues, etc.).
- Erosion côtière, y compris érosion des plages, destruction des coraux et récifs.
- Approvisionnement en eau (risque d'abaissement de la nappe phréatique).
- Pollution des eaux par des rejets d'eaux résiduaires non traitées.
- Elimination des déchets.
- Approvisionnement énergétique.
- Qualité de l'air et effets sur le climat.
- Dégradation de la physionomie des paysages par des édifices dont l'emplacement, la taille, la couleur et le style architectural ne sont pas adaptés à leur environnement.
- Effets socio-économiques, p. ex. sur les structures économiques régionales, sur le marché de l'emploi local et sur le style de vie de la population concernée par le projet touristique.
- Conflits d'utilisation par refoulement des formes d'exploitation traditionnelles telles que l'agriculture et la pêche.
- Dimensionnement des installations par rapport aux conditions écologiques existantes, y compris des installations touristiques déjà en place (dangers de surexploitation du milieu naturel, p. ex. érosion des sols).
Il est à souligner dans ce contexte que les écosystèmes fragiles, tels que p. ex. les dunes, les mangroves, les savanes, les réserves de faune sont particulièrement exposés à ces problèmes.
2.1 Sol, relief, géologie
L'occupation de surfaces par les aménagements touristiques, qui peut être considérable selon la dimension des installations, constitue une intervention directe dans la structure foncière. Ceci peut impliquer des effets négatifs sur les besoins d'autres activités économiques, p. ex. de l'agriculture, de la foresterie et de l'exploitation des ressources en eau, de la protection de la nature et d'autres formes d'utilisation des terres. En outre, il peut en résulter une perturbation des fonctions écologiques du sol et donc d'autres formes d'exploitation, en particulier par suite de l'imperméabilisation des surfaces utilisées pour la construction de routes, de bâtiments, et autres.
L'érosion côtière est un problème particulièrement grave et lourd de conséquences. Elle peut être causée par les constructions et les activités touristiques sur les plages, par la destruction de la protection naturelle des côtes et par des interventions bouleversant l'équilibre naturel des plages.
De plus, la végétation protectrice des plages peut être éliminée et remplacée en partie par des plantes étrangères au site, offrant une moindre protection contre l'érosion des sols. Les phénomènes naturels de dépôt et sédimentation et la protection assurée par les récifs coralliens peuvent être fortement perturbés par le prélèvement de sable sur les plages ou dans les lits fluviaux et l'utilisation du calcaire des récifs comme matériau de construction (cf. 2.4).
Pour protéger les écosystèmes sensibles des régions côtières, il faudrait par conséquent conserver ou créer des zones tampons suffisamment larges et recouvertes d'une végétation adaptée au site, et y interdire toute construction. L'utilisation de chaux corallienne comme matériau de construction est à proscrire. Les problèmes d'érosion se présentent également dans les montagnes et sont principalement dus à la déforestation et à la destruction du couvert végétal par le passage et le piétinement des hommes et des animaux. Ces phénomènes sont renforcés par la construction de logements et l'aménagement de chemins. Afin d'éviter les surexploitations dangereuses au sommet des montagnes, l'installation de téléphériques et d'autres moyens techniques d'ascension devrait être étudiée avec la plus grande réserve. Sur les surfaces déboisées, les pluies ou la fonte des neiges peuvent entraîner des glissements de terrain et l'accumulation de boues dans les vallées fluviales. Il faut également tenir compte du fait que la repousse de la végétation est très lente dans les zones soumises à des conditions climatiques extrêmes.
Le compactage des sols et aussi l'érosion peuvent être, en outre, causés par l'aménagement de sentiers et de routes et leur mauvais entretien, ainsi que par des activités telles que les excursions à pied, les randonnées à vélo tout terrain, à motocyclette ou en voiture. Dans les parcs nationaux, le manque d'entretien des pistes peut conduire à un élargissement continuel des chaussées et donc entraîner la destruction de la couverture végétale protectrice.
Des conséquences analogues s'observent lorsque les touristes s'écartent des routes et sentiers prescrits pour se rapprocher le plus possible de la faune et de la flore. Des propositions pour une gestion rationnelle et durable des parcs nationaux sont données dans les principes directeurs en matière de développement touristique des parcs nationaux publiés par l'UICN (McNeely et al.). Ils contiennent également des chapitres sur l'aménagement de gîtes, de routes et autres. Les gouvernements et aussi les organisateurs de voyages devraient informer les touristes sur les comportements à adopter afin de ménager l'environnement et imposer éventuellement des règles de conduite.
Les autorités publiques devraient en outre prélever des taxes sur l'utilisation des écosystèmes fragiles (p. ex. parcs nationaux, itinéraires de randonnée) en vue de financer les mesures d'entretien et de conservation.
Un autre facteur de dégradation des sols est la pollution par les déchets et matières fécales, qui non seulement augmente les apports d'éléments fertilisants, mais peut aussi contaminer les sols avec des substances toxiques.
Pour éviter ces problèmes, les maîtres d'oeuvre de projets devraient pratiquer la collecte sélective des déchets, triés en fonction des matériaux en vue de faciliter leur traitement et recyclage. Les déchets organiques peuvent être compostés. La sensibilisation du personnel et des touristes sur un comportement respectueux de l'environnement revêt ici une grande importance.
2.2 Eaux
Les perturbations du bilan hydrique sont dues en grande partie aux fortes consommations d'eau et aux risques de pollution menaçant la qualité des eaux.
Tandis que l'approvisionnement en eau est normalement assuré dans les régions à climats tempérés abondamment arrosés, il peut constituer un problème majeur dans certains pays tropicaux ou subtropicaux, et surtout sur les îles, dans les zones côtières et les régions arides et semi-arides, où le régime des pluies est irrégulier.
Un point particulièrement critique pour le tourisme est la consommation saisonnière d'eau qui a tendance à monter en flèche pendant les périodes de faible pluviosité, préférées par les touristes, et créer ainsi des goulots d'étranglement. La consommation d'un hôtel de luxe peut se situer entre 350 et 1200 litres/jour/client. La marge de fluctuation dépend d'un grand nombre de facteurs, entre autres du site, de l'équipement, de la quantité d'eau disponible, du comportement des usagers et de l'utilisation d'eaux traitées. On peut estimer à 250 litres/jour/client le besoin minimum d'un hôtel de luxe. D'une façon générale, les besoins en eau augmentent avec le degré de sécheresse d'une région. Lors de la planification de nouveaux projets touristiques, il faut en tout cas étudier la quantité et la qualité des réserves d'eau existantes et les comparer avec les besoins mensuels pronostiqués. Il faut aussi tenir compte des besoins du personnel et de la population locale, y compris des flux prévisibles de migrants.
Il convient de vérifier, en outre, si le raccordement au réseau public de distribution d'eau est possible et suffisant. Lors de l'aménagement de puits, il faut prêter attention aux besoins en eau souterraine des voisins et de l'agriculture. Les réserves d'eaux fossiles doivent être épargnées. L'examen des possibilités d'utiliser des installations de dessalement de l'eau de mer pour la production d'eau potable doit tenir compte de la forte demande énergétique de ces installations et de la nécessité d'assurer l'évacuation des déchets et des eaux résiduaires.
La consommation d'eau peut être réduite à un minimum à l'aide des mesures suivantes : traitement des eaux résiduaires et utilisation d'eau non potable pour l'arrosage des aménagements extérieurs ; collecte et utilisation de l'eau de pluie ; sensibilisation du personnel et des touristes à la nécessité d'économiser l'eau ; emploi de techniques modernes permettant de réduire la consommation d'eau (p. ex. dans les chasses d'eau des toilettes), etc.
Lors de la planification et de la construction de grands complexes hôteliers et de bungalows, il importe de tenir compte de la nécessité de protéger la nappe phréatique. L'imperméabilisation de grandes surfaces est à éviter.
Un grave problème potentiel est la pollution des rivières, lacs et eaux côtières par les rejets de déchets, d'huiles usées et d'eaux résiduaires non traitées en provenance des installations touristiques. L'introduction de substances organiques et inorganiques dans les milieux aquatiques consomme de grandes quantités d'oxygène et provoque leur eutrophisation, en particulier dans les baies et les lagunes à faible circulation d'eau. Des processus physico-chimiques et biologiques peuvent entraîner une concentration de substances toxiques dans les sédiments, les récifs coralliens (voir également le chapitre 2.4) et la faune aquatique.
Pour réduire la pollution par les eaux résiduaires, il faut renoncer à l'emploi des détergents phosphatés, des agents de nettoyage chlorés et d'autres substances nocives pour l'eau. Les eaux résiduaires de cuisine, de lavage et d'installations sanitaires devraient, après évacuation séparée des eaux de pluie, subir un prétraitement mécanique et, selon la nature du sol et les débits d'effluents, une épuration biologique partielle ou complète. Celle-ci peut se faire à l'aide de micro-organismes ou dans des bassins de lagunage à macrophytes. Un entretien adéquat des installations de traitement doit être assuré. Si le degré de traitement des effluents est satisfaisant, ceux-ci peuvent servir à l'arrosage de terrains de golf et d'espaces verts et les boues restantes peuvent être épandues comme engrais (voir à ce sujet le Dossier sur l'Assainissement).
2.3 Climat, atmosphère
La mise en place de projets touristiques peut avoir des effets perturbants sur le micro- et le mésoclimat. Les bâtiments et les aires de stationnement de même que les surfaces bétonnées ou bitumées peuvent, selon le degré d'imperméabilisation des sols (matériel et couleur), entraîner des nuisances en raison du réchauffement de l'environnement immédiat et de la modification de la circulation de l'air.
Un abaissement des températures et donc une amélioration du micro- et du mésoclimat peuvent être atteints par de vastes travaux d'aménagement d'espaces verts et par l'utilisation, pour le revêtement du sol, de briques treillissées et engazonnées. D'une façon générale, il faudrait s'efforcer d'imperméabiliser le moins possible de surfaces.
Les systèmes de vents locaux (p. ex. système de vents terre-mer ou système de vents montagne-vallée) peuvent être perturbés par la dimension et la disposition des bâtiments. Ainsi, les immeubles élevés et les grands bâtiments construits en travers de la direction du vent peuvent barrer ou réduire fortement la circulation de l'air. Ceci s'observe en particulier dans les agglomérations urbaines ou dans les zones congestionnées du littoral et des vallées.
Le manque de circulation de l'air dans les zones de trafic dense peut y entraîner la concentration des substances polluantes. C'est pourquoi il faut veiller, dès le stade de la planification, à assurer une structure lâche et espacée de l'habitat, permettant une aération suffisante ; des couloirs de verdure doivent être gardés exempts de constructions et couverts de végétation.
Une détérioration de la qualité de l'air peut être causée par le transport des touristes ainsi que par les activités réclamant l'utilisation de véhicules ou d'avions, par des courses de motos et de bateaux à moteur et par des meetings aériens. De telles manifestations, ainsi que les visites de sites culturels et de réserves naturelles, sont souvent causes de trafic dense ou même d'embouteillages générateurs d'émissions d'oxydes d'azote, de dioxydes de soufre et d'autres nuisances. La limitation du trafic individuel et l'amélioration des moyens de transport publics devraient permettre d'atténuer ces problèmes. Le volume du trafic peut être également réduit par une limitation du nombre des visiteurs ainsi que des périodes ou horaires de visite.
2.4 Flore, faune, écosystèmes
La première intervention affectant directement les espèces animales et végétales est l'élimination ou la modification du couvert végétal pour la construction d'hôtels, bungalows, équipements sportifs, etc.
Selon l'ampleur et l'intensité de l'intervention, les travaux de construction peuvent menacer ou détruire des animaux et plantes rares, isoler des habitats et détruire des écosystèmes. Des répercussions de grande portée peuvent s'ensuivre, telles que érosion, dégradation de la qualité des eaux, refoulement de populations animales, etc.
Avant la réalisation d'un projet, il faudrait donc procéder à un inventaire de la situation, répertorier à un stade précoce les principaux biotopes existants et proposer des mesures permettant d'éviter les interventions dommageables ou de les compenser. Celles-ci sont à évaluer en fonction de leur importance pour la sauvegarde des espèces et des biotopes et d'autres fonctions écologiques. Il ne faut pas que des biotopes sensibles ou méritant protection soient éliminés ou menacés. Dans de tels cas, il serait préférable de rechercher comme alternative des sites moins vulnérables.
Avec le fort accroissement du tourisme dans les stations balnéaires, les écosystèmes marins sont particulièrement sollicités. Ainsi sur le littoral, la végétation stabilisatrice des sols de plages et de dunes est souvent détruite, les lagunes sont comblées et les forêts de mangrove radicalement réduites pour construire des hôtels et prélever du sable comme matériau de construction. D'autres dommages sont causés par les rejets d'eaux usées ainsi que par les résidus d'huiles en provenance des bateaux de plaisance. La perte des forêts de mangrove est particulièrement grave en raison du grand nombre de fonctions écologiques qu'elles remplissent : elles servent d'habitat à une faune et à une flore très riches, protègent les côtes, constituent une zone de transition entre les eaux salées et les eaux douces, favorisent les processus de sédimentation, etc.
Une problématique analogue se pose également sur les bandes côtières ouvertes au déferlement des vagues, par suite non seulement de la pollution des plages, mais aussi des risques de destruction des récifs coralliens. Un excès d'azote en provenance des déchets organiques et des eaux usées peut favoriser la croissance des algues au point d'étouffer les coraux et d'autres organismes marins. Les contaminations bactériologiques et les substances chimiques et métalliques empoisonnent les colonies des récifs et d'autres écosystèmes marins. La mort des coraux peut entraîner une modification des courants côtiers et renforcer l'érosion des plages.
La pollution des écosystèmes par les déchets et eaux usées constitue donc l'un des aspects les plus critiques de la mise en place et de l'exploitation d'équipements touristiques. Une stratégie destinée à éviter, réutiliser et éliminer proprement les déchets et épurer les eaux usées doit donc être partie intégrante de tout plan d'aménagement touristique et une condition indispensable à l'autorisation de tels projets. Les projets susceptibles d'endommager ou même de menacer les coraux et d'autres écosystèmes marins ne doivent pas être réalisés.
Les mesures suivantes peuvent être envisagées en vue de réduire les déchets :
- utilisation de produits non polluants et biodégradables, c'est-à-dire éviter les boissons en boîtes, les bouteilles en verre perdu ou les aliments emballés et renoncer autant que possible à l'utilisation des emballages en plastique ; utiliser de préférence les récipients réutilisables, les bouteilles consignées, etc.,
- valorisation des déchets organiques dans des installations de compostage appartenant aux hôtels,
- sensibilisation des touristes à un comportement respectueux de l'environnement,
- formation du personnel.
Un autre danger pour les récifs coralliens est le prélèvement de morceaux de coraux par les baigneurs et plongeurs, utilisés comme souvenirs ou pour la décoration d'aquariums. Les coraux sont, comme on le sait bien, un élément important des écosystèmes dont ils font partie.
Les biotopes humides peuvent être victimes de mesures de drainage et de prélèvements d'eau de la nappe souterraine. Les conséquences de telles interventions sont l'assèchement de certaines surfaces, les modifications des conditions naturelles, et notamment de la faune et de la flore, sur les sites concernés.
Les plantes sont souvent endommagées par des atteintes mécaniques, telles que piétinements, passage de véhicules et campements (p. ex. randonnées dans l'Himalaya).
La pratique intensive des sports nautiques jusque dans les eaux peu profondes et à proximité du rivage peut déranger et chasser les oiseaux qui y cherchent leur nourriture ou couvent leurs oeufs. A cause de l'agitation continuelle, la densité des nids diminue et les animaux sont obligés de chercher refuge dans des zones plus paisibles. Les oiseaux migrateurs qui visitent certaines régions pour se reposer et s'alimenter sont également chassés par la présence des touristes et des bateaux.
Non seulement les sports nautiques, mais aussi le motocyclisme (p. ex. motocross) peut entraîner des nuisances considérables pour la faune. Il peut, entre autres, déranger des animaux qui couvent leurs oeufs au sol, détruire les nids, les couvoirs sur les falaises et chasser des oiseaux et d'autres espèces animales.
Les atteintes de ce genre peuvent être atténuées à l'aide des mesures suivantes, à condition que soit clarifié dans chaque cas si la responsabilité peut être supportée conjointement par les pouvoirs publics et le/les maître(s) d'oeuvre du projet :
- interdiction d'accès et mise en défens de sites de valeur (zones tabous),
- interdiction du prélèvement de coraux et d'autres animaux et plantes rares,
- délimitation des parcours ou itinéraires à respecter ,
- limitation du nombre de touristes et d'excursions,
- sensibilisation des touristes.
Les parcs nationaux sont souvent établis pour favoriser le tourisme. Un trop grand nombre de visiteurs peut cependant être cause de nuisances, p. ex. :
- forte perturbation des animaux (surtout lions et léopards) par un trop grand nombre de safaris-photos, un rapprochement exagéré des véhicules et par le bruit,
- accidents avec des animaux à cause d'excès de vitesse,
- modification du comportement instinctif naturel des animaux qui se familiarisent avec les touristes et s'accoutument à recevoir de la nourriture,
- perturbation pendant les périodes de couvaison,
- effarouchement des lions, buffles et autres animaux par des safaris en ballon (comportements de stress),
- introduction de maladies par les hommes et les déchets,
- décimation d'espèces par des incendies.
Pour remédier à de telles atteintes, il importe de déterminer la capacité de charge du parc national concerné et d'établir sur cette base un plan de gestion pour son exploitation.
2.5 Aspect du paysage
L'aspect du paysage peut être dégradé directement par l'aménagement des équipements touristiques et indirectement par la construction ou l'extension des infrastructures qui y sont liées, telles que routes, aéroports, centres résidentiels et commerciaux, etc. Les problèmes qui se posent diffèrent selon que l'aménagement prévu est directement rattaché à des espaces bâtis ou à des centres de vacances déjà existants, ou s'il doit être implanté au dehors, dans des paysages quasi intacts.
Dans les régions habitées, une concentration de bâtiments uniformes, qui par leur taille, les matériaux de construction utilisés, leur style architectural et leur couleur ne sont pas adaptés à leur environnement, peut constituer une gêne optique. De telles implantations peuvent modifier définitivement les structures d'habitat et la physionomie des agglomérations typiques du paysage concerné.
Pour parer à de tels développements, il faudrait établir des schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme et des plans d'occupation des sols capables d'empêcher le mitage du paysage et les trop fortes concentrations de constructions. Si les conditions légales requises font défaut, il faudrait autant que possible s'appuyer sur des règles de construction et des stratégies locales de développement urbain ou sur des principes directeurs d'urbanisme universellement reconnus. Il faudrait examiner, en outre, la nécessité d'imposer des interdictions de construire dans certaines zones ou les possibilités de limiter la densité de construction par le délivrance de permis. Un contrôle de l'observation des prescriptions issues de la planification est une condition essentielle au succès de telles mesures.
Dans les zones extra-urbaines, en grande partie encore intactes, des bâtiments individuels mal intégrés dans leur environnement suffisent déjà pour dégrader l'aspect du paysage. Ainsi, on peut voir de très loin les constructions réalisées sur des sites privilégiés, sur des sommets ou versants de montagne. Les bâtiments à plusieurs étages, construits avec des matériaux de construction inhabituels, font généralement figure de corps étrangers dans le paysage.
De telles erreurs peuvent être évitées si les constructions sont réalisées dans le style typique du pays, en utilisant des matériaux locaux et en faisant appel à des architectes de l'endroit. Sur les côtes tropicales, p. ex., les bâtiments ne devraient pas dépasser la taille normale des palmiers. Des espaces verts occupés par une végétation dense et des bordures plantées d'espèces adaptées au site contribuent également à mieux intégrer les aménagements touristiques dans le paysage. Il en est de même des équipements sportifs et récréatifs.
Lors du choix du site à aménager, il convient de veiller à ce que les éléments marquants du paysage et les monuments culturels ne soient ni éliminés, ni endommagés. Des constructions ne devraient pas être implantées dans les zones classées ou d'autres aires vulnérables. Les équipements touristiques en rapport avec les parcs nationaux ne devraient être réalisés qu'en bordure de la zone protégée. Il importe d'empêcher le mitage du paysage par des constructions éparpillées de façon anarchique.
Lors de l'aménagement de chemins, routes, ponts et autres, il faudrait également tenir compte des propositions faites précédemment et éviter les incisions profondes, les barrages élevés et le découpage des vallées.
2.6 Effets socio-économiques et socioculturels et répercussions de ceux-ci sur l'environnement
Les installations touristiques et les activités de loisirs peuvent avoir des répercussions considérables sur les conditions socioculturelles et économiques ainsi que sur les éléments de l'environnement qui leur sont liés. Parmi les effets socioculturels les plus importants, il y a lieu de citer :
- Changement des valeurs et comportements traditionnels de la population autochtone par suite de la confrontation avec le standard de vie des touristes (effet de démonstration) ; ceci peut déclencher, entre autres, des ressentiments et de l'agression à l'égard des touristes.
- Changement du style de vie de certains groupes ethniques et de certaines populations par l'introduction de l'économie monétaire.
- Commercialisation des fêtes et cérémonies traditionnelles des groupes de population autochtones comme attraction touristique. Les habitants locaux peuvent se sentir dépouillés de leur dignité et leurs cérémonies vidées de leur sens.
- Ignorance et violation des traditions religieuses (tabous).
- Imitation par les jeunes d'attitudes inspirées de modèles occidentaux, éventuellement associée à une perte d'identité. Ceci fait augmenter les besoins de consommation et peut conduire à la criminalité et à la violence.
- Propagation de l'alcoolisme, de la toxicomanie et de la prostitution avec les risques sanitaires considérables qu'ils impliquent pour les femmes, les enfants et les hommes (p. ex. Sida).
Les structures socio-économiques peuvent changer dans l'environnement immédiat d'un aménagement touristique et - par effet de rayonnement - dans toute la région. Ces changements s'opèrent en partie dès le stade de planification, avec la construction de routes d'accès, de ports, d'aéroports, etc. et s'intensifient pendant les phases de réalisation et d'exploitation. Les principaux effets sont :
- Flux de migrants faisant augmenter la densité de peuplement et l'agrandissement (non planifié) des agglomérations avec accroissement éventuel des nuisances déjà mentionnées.
- Arrivée de commerçants, d'artisans et de demandeurs d'emploi qui peuvent non seulement entrer en concurrence avec la population locale, mais renforcer les déséquilibres régionaux et favoriser d'autres flux migratoires.
- Création de zones protégées exigeant parfois le déplacement obligatoire de populations et le refoulement des habitants locaux de leurs territoires de chasse.
- Limitation de la pêche traditionnelle par l'aménagement de plages privées et l'utilisation des plages à des fins principalement touristiques.
- Perte de surfaces agricoles précieuses, convenant à des cultures spéciales (fruits, légumes) par la construction de complexes hôteliers, d'équipements sportifs et de logements pour les employés, ainsi que par l'abaissement et la salinisation de la nappe phréatique. Ceci conduit les exploitants à abandonner l'agriculture pour s'adonner à des activités du tertiaire, ce qui a en outre pour effet de réduire l'approvisionnement de la population locale et des touristes en produits agricoles.
- Aggravation de la pénurie de terrains et augmentation des prix fonciers par suite du tourisme.
- Augmentation du niveau général des prix, p. ex. des produits alimentaires de base, sous l'effet de la demande touristique.
- Augmentation des importations de carburants nécessaires pour assurer l'approvisionnement énergétique des aménagements touristiques, p. ex. pour les climatiseurs, et donc augmentation de la facture énergétique du pays.
- Surcharge des services de santé existants.
Les effets socioculturels et socio-économiques ne sont pas entièrement évitable, certes, mais ils doivent à tout prix être atténués. Les mesures suivantes, qui exigent une action conjointe des maîtres d'oeuvre des projets et des autorités publiques, peuvent entre autres y contribuer :
- participation de la population concernée aux processus de planification et de mise en oeuvre ;
- fourniture de prestations de compensation par les maîtres d'oeuvre des projets ;
- ménagement des modes de vie et traditions de la population autochtone ;
- formation et perfectionnement du personnel ;
- sensibilisation des touristes.
En outre, des règlements peuvent être adoptés, tels que p. ex. :
- mesures/lois visant à limiter et à contrôler la consommation d'alcool et de drogues, la prostitution et la corruption ;
- promotion du développement économique d'autres régions afin d'éviter un renforcement des flux migratoires ;
- réalisation de travaux d'infrastructure dans le cadre de programmes nationaux de promotion et de projets de coopération au développement.
Des atteintes à l'environnement sont engendrées aussi bien par les projets touristiques que par les transformations socio-économiques qu'ils déclenchent. Des pollutions et nuisances sont causées par les aménagements d'infrastructure nécessaires et les installations d'approvisionnement et d'assainissement. Ainsi, pour faciliter le transport des touristes, il faut construire des routes, des aéroports et des ports de plaisance nécessitant de grandes surfaces.
La demande touristique de produits alimentaires peut entraîner une surexploitation des pêcheries dans les zones côtières (régression des stocks de poissons, perturbation de l'équilibre écologique) et le recours à des méthodes de capture préjudiciables à l'environnement (p. ex. pêche à la dynamite). Dans les zones de hautes montagnes, elle peut conduire au surpâturage et, par voie de conséquence, à l'érosion des sols.
Une forte immigration peut déclencher de sérieux problèmes d'approvisionnement et d'assainissement, ainsi que des pollutions et nuisances pour tous les éléments de l'environnement. La construction de barrages et de centrales électriques pour assurer l'approvisionnement énergétique peut devenir nécessaire et induire d'autres atteintes aux écosystèmes.
Un autre phénomène à ne pas négliger est l'établissement incontrôlé de migrants au voisinage des parcs nationaux et d'autres régions d'intérêt touristique, ce qui peut miter le paysage et, dans des cas extrêmes, dévaloriser des sites auparavant attractifs.
3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement
Lors de la mise en place d'installations touristiques, il importe de s'assurer que celles-ci sont compatibles avec les données des planifications nationales, régionales et communales. Pour cela, il faut tenir compte des schémas directeurs, des plans de développement nationaux, des programmes et plans d'aménagement régionaux ainsi que des plans d'urbanisme et d'occupation des sols.
L'appréciation des atteintes potentielles à l'environnement peut se faire selon des critères qualitatifs et quantitatifs.
Les méthodes quantitatives sont à appliquer aux secteurs de l'environnement pour lesquels il existe des données mesurables (p. ex. eau, air). En Allemagne p. ex., on dispose de valeurs guides et limites, définies par de nombreuses lois, telles que p. ex. la loi fédérale sur la protection contre les immissions avec les Instructions techniques pour le maintien de la pureté de l'air "TA-Luft" et la protection contre le bruit "TA-Lärm", les lois sur le régime des eaux et sur l'évacuation des déchets, la loi fixant les redevances de pollution par les eaux usées, etc. Ces valeurs sont complétées par les normes DIN et les prescriptions de l'Association des Ingénieurs allemands (VDI). Des lois et programmes environnementaux analogues, dont la teneur ou les priorités peuvent présenter certaines différences, existent dans beaucoup de pays. Il faut les consulter pour l'analyse et l'évaluation, et il convient également de tenir compte des accords et traités internationaux.
A défaut de bases juridiques nationales, il est souvent fait appel aux valeurs guides des nations industrielles, de la CE et de l'OMS. Alors que la CE a défini des valeurs guides et des principes directeurs pour les sols, l'eau et l'air, l'OMS met surtout l'accent sur la qualité de l'air et de l'eau de boisson. En cas d'adoption de ces valeurs et principes, il importe toutefois de tenir compte des normes de comportement traditionnelles et des conditions locales, ainsi que de l'existence de mécanismes de contrôle.
Pour d'autres secteurs de l'environnement, tels que faune, flore et paysage, il n'existe pas de données quantitatives généralement reconnues, de sorte que pour émettre des appréciations il faut s'appuyer sur des critères qualitatifs. Il existe pour cela diverses approches méthodologiques, qui doivent être adaptées en fonction des conditions du milieu naturel étudié.
Les critères d'appréciation généralement utilisés pour les biotopes sont p. ex. la diversité biologique et structurelle, la présence d'espèces animales et végétales rares ou menacées, l'existence d'habitats naturels représentatifs, rares ou irremplaçables, etc. Pour l'appréciation de l'aspect d'un paysage, les facteurs suivants parmi d'autres revêtent de l'importance : éléments individuels et ensembles imprimant au paysage un caractère particulier, secteurs à structures complexes, formes du relief, styles architecturaux d'intérêt culturel et historique, types particuliers d'établissements humains et d'utilisation des terres, caractère unique et intact des espaces naturels.
Les effets sur l'environnement induits par des projets touristiques peuvent être p. ex. appréciés sommairement à l'aide d'une analyse des risques écologiques. Pour cela, on évalue selon des critères qualitatifs l'aptitude, la sensibilité et le degré d'altération préalable des aires concernées, puis on détermine les effets attendus sur d'autres éléments du milieu ainsi que leurs répercussions sur les espaces environnants. En tenant compte des mesures prévues pour atténuer ces risques, on estime enfin les risques résiduels.
La comparaison avec des installations touristiques déjà existantes peut être très utile à l'évaluation des effets d'un projet sur l'environnement. Elle aide non seulement à identifier les facteurs importants, susceptibles d'entraîner des pollutions et nuisances, mais aussi à en apprécier l'intensité et la gravité.
Il importe également d'élaborer des mesures permettant d'éviter ou d'atténuer les effets négatifs des interventions prévues. Celles-ci comprennent entre autres : la conception et la disposition des bâtiments en harmonie avec le paysage, l'adoption de styles architecturaux traditionnels, la minimisation des surfaces bâties et imperméabilisées, la mise en place d'équipements d'approvisionnement, d'élimination des déchets et d'évacuation eaux usées, l'embellissement des bâtiments avec de la verdure, l'aménagement écologique des espaces libres, etc. En outre, il importe de sauvegarder les écosystèmes précieux et de les maintenir à l'état naturel. Les pollutions et nuisances inévitables doivent être compensées autant que possible afin d'éviter des perturbations durables du milieu naturel.
L'analyse et l'évaluation des effets environnementaux d'aménagements touristiques, comme le préconise le présent dossier, doivent être entreprises même pour les projets d'envergure limitée ou de petite dimension ; le degré de détail et de profondeur de l'examen doit être différencié dans chaque cas en fonction de l'importance des effets environnementaux.