3. Eléments d'approche

Table des matières - Précédente - Suivante

Une condition importante pour le succès de la planification régionale est le transfert de pouvoirs de décision et de gestion ainsi que de structures politiques et administratives à l'échelon régional et local. Les approches élaborées à cette fin sont à des stades plus ou moins avancés dans différents pays et ne sont pas partout convaincantes. Seuls quelques pays ont créé au niveau régional des institutions dotées des pouvoirs de décision, des compétences de planification et des moyens financiers requis12). Dans beaucoup de cas également, la planification régionale est en grande partie prise en charge par les instances nationales de planification et est donc fort éloignée de la région. L'échec des efforts de décentralisation est souvent dû aux causes suivantes :

12) Dans la mesure où des subdivisions politiques existent (départements, districts, arrondissements, provinces), ces différents échelons sont utilisés pour la mise en oeuvre de la planification régionale.

- risques et craintes liés à la délégation de pouvoirs,
- contraintes financières (facteur coût) ou plus précisément dotation insuffisante en moyens financiers des échelons inférieurs,
- augmentation inévitable des tâches de contrôle (et des déficits prévisibles) en raison de la décentralisation,
- conflits soulevés par la répartition et la délimitation des compétences,
- manque de personnels qualifiés, disposés à s'engager dans la région,
- politique centrée sur la "métropole".

Ceci signifie qu'il y a de nombreuses contraintes à surmonter en particulier dans le domaine politico-administratif, p. ex.

- faire triompher les enjeux régionaux (intersectoriels) sur les visées sectorielles prévalant dans la politique et l'administration,
- renforcer les intérêts régionaux et locaux contre les intérêts nationaux privilégiés par les structures en place,
- coordonner au niveau régional les intérêts institutionnels infrarégionaux (p. ex. des communes),
- mobiliser et motiver les initiatives d'autopromotion locales/régionales (participation du public, information, etc.).

3.1 Conditions générales

Comme condition préalable à toute politique d'aménagement du territoire, il importe de développer et de renforcer les institutions nationales et régionales de planification ainsi que leurs procédures, structures et instruments de travail. Ceci implique l'acquisition des compétences techniques nécessaires, l'amélioration de l'efficacité des institutions et l'extension de leurs possibilités d'influer sur les planifications sectorielles et sur la politique régionale (consultation politique). Les institutions de planification doivent être en mesure de conduire un processus itératif d'aménagement de l'espace et d'assurer la mise en pratique des plans adoptés.

Un tel résultat ne peut être atteint qu'à long terme, en améliorant progressivement les conditions institutionnelles, organisationnelles et informationnelles nécessaires, en développant les ressources humaines et en optimisant le fonctionnement du système. Lors de la préparation d'un projet et de l'évaluation de sa "faisabilité", il convient d'examiner les conditions citées dans l'encadré 3 (analyse des déficits). Ceci permet de dégager des éléments d'approche pour la définition des objectifs de développement et de les assortir éventuellement de priorités ; les conclusions tirées de l'analyse préparatoire de la situation et/ou des déficits sont d'une importance fondamentale pour la structuration du travail. Le tableau suivant montre une démarche possible et les principaux thèmes permettant de structurer les objectifs de développement dans l'aménagement de l'espace.

 

Encadré 3

Analyse des conditions préalables à l'aménagement de l'espace

Organisation institutionnelle

Objectif : Développement/optimisation de l'organisation structurelle (place dans le système politico-administratif) et fonctionnelle (capacité de communication et de coordination par rapport à d'autres unités décisionnelles et opérationnelles)

· Analyse de la structure institutionnelle (liens avec les subdivisions horizontales et verticales du système administratif)

- Echelon hiérarchique et localisation de l'institution responsable de l'aménagement du territoire
- Existence d'autres institutions de planification ayant un rôle à jouer en matière de protection de l'environnement
- Délimitation des compétences
- Attributions et pouvoirs de décision
- Existence d'unités de coordination et d'interfaces
- Existence et organisation d'instances de vérification, de contrôle et d'autorisation ; d'instances de contrôle de l'exécution
- Existence d'organisations publiques et non publiques externes à l'administration (en particulier organisations d'écologistes et de promotion féminine), estimation des possibilités de coopération

· Analyse de l'organisation fonctionnelle de l'aménagement général du territoire

- Existence de prescriptions/réglementations relatives au processus de planification
- Analyse des formes de participation possibles
- Procédures prescrites en vue d'assurer l'exécution des tâches de coordination (procédures d'information, de participation, de concertation et d'autorisation)
- Possibilités d'assurer la participation des acteurs concernés (organisations, associations, etc.)

Conditions informationnelles

Objectif : Elimination systématique des déficits d'information en vue de faciliter la résolution des problèmes.
A long terme : Mise en place d'un système d'information

· Détermination des instances d'information (institutions)

- Nature des données, pertinence par rapport aux problèmes
- Accessibilité
- Disponibilité sous telle ou telle forme, degré de traitement des données

Ressources humaines

Objectif : Amélioration des compétences professionnelles du personnel chargé de l'aménagement du territoire, en particulier en matière de protection de l'environnement et d'écologie ; promotion de groupes de travail interdisciplinaires

- Effectif et formation du personnel
- Mesures de formation initiale et continue (voir plus haut)
- Quelles tâches peuvent être assumées par le personnel disponible ?
- Est-il possible d'avoir des groupes de travail interdisciplinaires ?
- Qui peut se charger et surtout continuer d'assurer la coordination et la direction des groupes de travail ?

Relations publiques

- Degré de sensibilisation des acteurs politiques et administratifs et surtout des populations concernées à l'égard des problèmes de l'environnement (conscientisation, perception des problèmes)
- Approches participatives déjà pratiquées (entre autres dans le cadre de la promotion féminine)
- Echange d'informations avec des organisations et populations concernées

 

D'autres conditions jouent un rôle important dans la mise en oeuvre de plans d'aménagement respectueux de l'environnement, telles que les possibilités d'y associer le public, le droit administratif, la procédure administrative et la législation sur la planification, le degré de développement du droit national de l'environnement ainsi que les programmes nationaux de protection de l'environnement. Pour pouvoir estimer les possibilités de réalisation des plans, il faut examiner entre autres :

 

Encadré 4

Conditions juridiques de la mise en oeuvre des plans d'aménagement

Cadre juridique

Objectif : Détermination de mesures nécessaires en vue d'améliorer les conditions générales de mise en oeuvre d'objectifs écologiques en complément des mesures de développement institutionnel

· Droit de l'environnement

- Etat de la législation concernant les éléments du milieu naturel (p. ex. lois sur l'eau, lois sur la protection contre les pollutions et nuisances) ainsi que les valeurs guides et limites définies pour contrôler les émissions ou les valeurs limites d'émission en particulier de polluants pour les utilisations sensibles (p. ex. habitat, protection de l'eau potable, des eaux courantes)
- Existence de normes de qualité minimales pour les produits alimentaires et l'eau potable ainsi que de directives sur le traitement des substances dangereuses pour l'eau, le sol et la santé
- Existence de lois réglementant les planifications techniques (p. ex. pour la gestion des déchets et des eaux usées) destinées à organiser la structure de responsabilité institutionnelle et le traitement des substances pouvant avoir une incidence sur l'environnement
- Existence de conventions internationales sur les zones à protéger ainsi que de règlements nationaux de protection

· Droit administratif et de planification

- Existence de normes et de standards fixés par la loi en matière de planification et de construction
- Etat de la législation sur l'aménagement du territoire et la planification régionale (lois relatives à l'aménagement du territoire)
- Etat de la législation sur les procédures de participation, de concertation et d'autorisation ; réglementation des obligations d'adaptation

· Droit pénal et disciplinaire

- Degré d'organisation et d'institutionnalisation du contrôle public de l'exécution des prescriptions réglementaires (p. ex. services de contrôle technique, services d'inspection du travail pour le contrôle des émissions, service public de surveillance des forêts pour le contrôle de l'exploitation du bois)

 

Le niveau de développement du droit administratif et des législations en matière d'environnement et de planification13) dépend du degré de décentralisation des décisions et du degré de sensibilisation politique sur les impératifs écologiques. Si les efforts de protection de l'environnement entrepris dans le cadre de l'aménagement du territoire échouent, c'est moins à cause du manque de bases juridiques qu'à cause des difficultés d'en contrôler l'application. Parmi les déficits d'application, il y a lieu de citer en particulier les déficits institutionnels, informationnels et organisationnels au sein des administrations responsables, l'éparpillement des compétences et le manque de pouvoirs de décision et de contrôle.

13) Cf. Documentation sur le Droit international de l'environnement (Environmental Law Center, Bonn). A défaut d'une législation en matière d'environnement, il convient de se référer aux dispositions réglementaires internationales en matière de protection contre les émissions (p. ex. de l'OMS) ou s'inspirer des prescriptions allemandes (p. ex. BImSchG) (le cas échéant, en y ajoutant des marges de sécurité, des hypothèses de cas extrêmes, etc.).

Pour l'aménagement du territoire, le droit foncier (p. ex. propriété collective) constitue une contrainte majeure à l'application des décisions en matière d'organisation fonctionnelle de l'espace (surtout en cas d'urbanisation sauvage et de formation de bidonvilles), parce que souvent le régime de propriété, les possibilités d'accès aux biens fonciers et les droits d'usufruit ne sont pas clairement réglementés.

Les prescriptions légales en matière de protection de l'environnement sont transgressées par les populations, en partie par ignorance, en partie par nécessité. En milieu rural notamment, les comportements traditionnels ou les mécanismes de contrôle social ont plus de poids que les dispositions légales. D'autre part, les modes d'exploitation traditionnels, écologiquement équilibrés, sont de plus en plus abandonnés et remplacés par de nouveaux procédés (p. ex. modernisation de l'agriculture). La tâche qui incombe ici à la planification est d'analyser la situation ex ante et de promouvoir un développement adéquat.

Il existe dans beaucoup de pays des plans ou des programmes nationaux de protection de l'environnement élaborés sous différentes formes (p. ex. plans d'action nationaux pour l'environnement ou programmes intégrés aux plans quinquennaux, cf. bibliographie de l'IUCN). Si l'élaboration de tels plans relève de la compétence des ministères de l'Agriculture et des Eaux et Forêts, il s'ensuit généralement une limitation de leur cadre géographique (p. ex. limitation au milieu rural) et/ou une focalisation sur des problèmes sectoriels prioritaires. Or les programmes d'intervention en faveur de l'environnement restent souvent inefficaces lorsque les mesures prévues ne sont pas suffisamment concrétisées, lorsque le cadre de référence géographique est inadéquat ou que l'approche d'action choisie - sectorielle ou ciblée sur les éléments du milieu naturel - ne convient pas pour résoudre les problèmes. Pour faciliter leur mise en oeuvre il faut alors, comme dans le cas de l'aménagement du territoire, modifier un grand nombre de conditions dans des domaines connexes ou appliquer des mesures complémentaires14) (en particulier dans le domaine socio-économique).

14) P. ex. législation, politique des prix fonciers et de réserves foncières, droit de la propriété, politique fiscale, politique économique et du marché, etc.

L'existence de programmes nationaux de protection de l'environnement peut faciliter la prise en compte des aspects écologiques dans le cadre de l'aménagement du territoire, dans la mesure où il est possible de reprendre les objectifs politiques qu'ils définissent ; ceux-ci doivent alors être différenciés en fonction des problèmes, concrétisés et régionalisés en définissant leur cadre d'application géographique.

Une démarche importante pour améliorer aussi bien les conditions d'application que les chances de réalisation de tels programmes est de procéder à la collecte et au traitement de données pertinentes pour la planification et en particulier pour la protection de l'environnement. Beaucoup de pays souffrent de déficits d'information considérables, surtout sur les questions géo-écologiques. Les systèmes d'information internationaux en matière d'environnement auxquels il est possible de recourir actuellement sont p. ex. GRID (Global Resource Information Data Base, PNUE) ; INFOTERRA (Internat. System of Environmental Information, PNUE/NU).

Il faut souvent commencer, au cours d'une "phase préliminaire", par établir les bases informationnelles nécessaires. Dans une perspective écologique, celles-ci devraient (cf. ARSU 1989) :

- être saisies et exploitées de manière à couvrir l'ensemble du territoire,
- permettre une différenciation géographique (être régionalisables),
- couvrir les différents éléments du milieu naturel (sol, eau, air),
- permettre la définition d'indicateurs significatifs pour les faits écologiques en rapport avec les problèmes à résoudre,
- pouvoir être tenues à jour afin de permettre éventuellement un suivi de l'évolution de l'environnement (contrôle des résultats).

Des informations de base pertinentes concernant l'environnement doivent être collectées et exploitées en tenant compte des problèmes prioritaires à résoudre au niveau régional. C'est au planificateur de décider dans chaque cas particulier de la nature et de la quantité des informations nécessaires et sous quels aspects celles-ci doivent être traitées. Il est important cependant que les données reflètent les caractéristiques essentielles (et les sensibilités) des ressources de la région.

Le recours à l'informatique pour le traitement des données dans des régions rurales ou dans certains pays apparaît souvent déraisonnable pour des raisons de coût, d'autant plus que la gestion et la tenue à jour des données n'est souvent pas assurée à long terme, et que l'emploi de technologies sophistiquées ne conduit pas forcément à des solutions satisfaisantes et peut risquer de devenir une fin en soi. La préférence devrait être donnée à d'autres systèmes d'information simples, tels que cartes, plans, tableaux et cadastres.

Les images satellites de la "2ème génération" (Landsat-5-Tm, Spot, Kfa-1000) sont de précieuses sources d'information auxquelles on peut recourir à des coûts abordables et moyennant un investissement de temps raisonnable

- pour établir des cartes de base (cartes topographiques),
- pour établir des cartes d'utilisation des terres (utilisation réelle),
- pour étudier certaines questions géo-écologiques15) telles que p. ex.
- localisation et identification des peuplements végétaux et de leur composition et estimation de leur vitalité (relevé cartographique des dommages dans les forêts),
- cartes hydrologiques, géologiques et pédologiques,
- saisie des dégradations affectant les paysages (par érosion, dénudation, inondations, glissements de terrain, forêts endommagées, etc.).

15) Ceci est possible avec les documents LANDSAT-Thematic Mapper et avec les images thermographiques

D'autres sources d'information importantes peuvent être trouvées dans les plans de protection de l'environnement et les plans sectoriels - lorsqu'il en existe - (surtout dans les secteurs de l'agriculture, de la foresterie et de la gestion des ressources en eau) ; ces secteurs "traditionnels" disposent souvent de cartes des sols, de données climatologiques et parfois aussi hydrologiques d'assez bonne qualité. Souvent cependant le degré de traitement de ces données laisse à désirer.

Le traitement des données a pour but de permettre une présentation cartographique des zones affectées par des problèmes et des conflits. Les cartes doivent être classées par thèmes en fonction des différents biens naturels16) ou en fonction des différents problèmes (p. ex. émissions de polluants et biens naturels affectés ; ampleur des phénomènes d'érosion et conséquences). Il est possible, en les comparant, de faire apparaître les zones sujettes à des problèmes et à des conflits.

16) Cf. Arl 1990: Cartes des potentiels du milieu naturel.

Grâce au traitement et à la condensation des informations durant le processus de planification, les documents et résultats de ce processus deviennent eux-mêmes un outil d'information appelé à jouer un rôle clé dans la panoplie des instruments de coordination et d'organisation disponibles dans ce domaine.

Les outils d'information que sont un "programme d'aménagement du territoire" ou un "plan de développement régional" doivent donc être conçus de manière à en rendre l'accès facile pour d'autres institutions de planification et de décision (images en noir et blanc, cartes thématiques, tableaux récapitulatifs et synoptiques, cadastres).

3.2 Intégration/application de divers éléments de la planification écologique

Dans les pays où il existe déjà des stratégies d'aménagement du territoire ou dans lesquels la planification régionale s'est déjà solidement établie, il est possible pour le choix des sites d'intervention d'appliquer des procédures basées principalement sur des critères fonctionnels (p. ex. désenclavement, terrains à bâtir, proximité des installations d'approvisionnement et d'évacuation des déchets, réserves de matières premières, potentiel de main-d'oeuvre) à compléter par des critères d'exclusion dépendant du type de projet envisagé17) (p. ex. situation dans une zone d'inondation, proximité de zones résidentielles) ainsi que par la délimitation de zones tabous18) pour des interventions susceptibles d'avoir des effets majeurs sur l'environnement. Ces dernières doivent être définies tant sur la base de critères justifiant la nécessité de leur protection que sur la base de critères de pollution (sensibilité des biens naturels et des utilisations de l'environnement). Sont à considérer comme "zones tabous" au sens strict du terme, les zones classées d'importance nationale et internationale et devant faire l'objet d'une protection des espèces et des habitats19) ; il en est de même des parcs nationaux, des réserves naturelles et des zones qui doivent ou devraient bénéficier d'un tel statut à l'avenir.

17) Voir à ce sujet les listes de contrôle (sectorielles) de différents "Environmental Guidelines"
18) Cf. également ADB 1989: "Ecologically Sensitive Areas".
19) Cf. également ADB 1989: "Ecologically Sensitive Areas".

Les sites entrant en ligne de compte comme "zones tabous" sont :

- les aires protégées en raison de certaines utilisations de l'environnement (p. ex. zones de protection des eaux (potables), espaces de loisir et de détente au voisinage d'agglomérations) ;
- les zones remplissant des fonctions protectrices, équilibrantes et régénératrices, telles que p. ex.
- zones d'inondation ou de rétention servant à régulariser et régénérer le bilan hydrique,
- surfaces servant de protection contre les émissions ou ayant une fonction régénératrice sur le climat (en particulier en zone urbaine),
- peuplements végétaux exerçant des fonctions de régulation du climat, de protection contre les émissions et de défense anti-érosive ;
- les zones victimes de pollutions et nuisances ou particulièrement sensibles et nécessitant protection, telles que p. ex.
- les zones appartenant aux catégories définies dans les plans de protection de l'environnement (p. ex. zones à préserver des pollutions atmosphériques ou zones soumises aux pollutions atmosphériques), dans les prescriptions sur la réduction du bruit ou la répartition des pollutions thermiques, l'élimination des déchets et des eaux usées,
- les zones fortement exposées à l'érosion.

La délimitation géographique des zones tabous doit viser à assurer certaines utilisations et fonctions de protection du milieu naturel et à exclure d'autres exploitations génératrices de problèmes (prévention des conflits). L'efficacité de cet instrument augmente en proportion des pouvoirs politiques conférés au système d'aménagement général du territoire par rapport aux planifications sectorielles.

3.3 Approches sectorielles ou multisectorielles

Dans les pays où l'aménagement général du territoire n'est pas encore bien établi ou arrive difficilement à s'imposer, il est indiqué, pour des raisons pragmatiques, d'opter pour des approches de planification passant par "l'écologisation des planifications sectorielles" ou pour des approches de planification intégrées (p. ex. développement rural intégré). Les planifications sectorielles (et surtout leur capacité de s'imposer sur la scène politique) peuvent s'avérer utiles pour la mise en oeuvre d'objectifs écologiques. Il faut pour cela élaborer des bases/critères pour "l'écologisation des planifications sectorielles" ou pour leur "extension pour englober les aspects environnementaux" (à titre d'exemple pour le secteur de la gestion de l'eau, il est fait référence à Doolette/Magrath 1990 ).

Il est en outre possible d'élaborer des critères pour un développement durable et adapté au site et de les intégrer aux objectifs des plans sectoriels. Ces critères visent avant tout à limiter l'intensité d'utilisation des ressources.

Ce qui est problématique ici, c'est surtout de déterminer les limites de la "tolérance écologique" d'un site, au-delà desquelles apparaissent des phénomènes de dégradation et des dommages à l'environnement (causés avant tout par la pratique de l'agriculture ou de l'élevage sur des sites non appropriés). Le premier pas à faire consiste donc à trouver des critères fondés sur l'écosystème en question pour délimiter les surfaces impropres à l'agriculture ou à l'élevage. Le critère de référence pour mesurer "le degré admissible d'utilisation" des potentiels naturels est le maintien de leur capacité permanente de régénération qualitative et quantitative à l'intérieur du système dont ils font partie. Pour assurer l'approvisionnement en produits alimentaires, il faut éventuellement proposer des formes d'exploitation alternatives (p. ex. exploitations mixtes agroforestières). Pour cela il est possible de recourir aux différentes approches de "l'écodéveloppement", en particulier de l'agriculture et de la foresterie adaptées au site. Dans ce contexte, il convient également d'attirer l'attention sur la promotion des technologies appropriées.

La condition préalable à la proposition d'interventions à orientation sectorielle est la formulation d'un système d'objectifs multisectoriels valable pour l'ensemble du territoire en vue d'un développement respectueux de l'environnement.

C'est en fonction de ces objectifs que seront mesurées et appréciées les contributions des différents plans sectoriels (contrôle du respect des normes).

Il est très difficile de faire respecter les exigences posées aux plans sectoriels en imposant après coup des restrictions d'utilisation et des obligations, en raison de l'impossibilité d'en contrôler l'exécution ou de sanctionner les transgressions.

Les approches de planification intégrées, en particulier celles qui portent sur la promotion du développement agricole, ont également des répercussions positives du point de vue écologique étant donné qu'elles ont pour effet de coordonner et d'harmoniser les objectifs de développement et les stratégies d'action de différents plans sectoriels influençant l'environnement (agriculture, foresterie et gestion des ressources en eau). Cependant, la complexité du travail de coordination qu'implique la mise en oeuvre de telles approches montre déjà les limites de ce qui est faisable dans le cadre des objectifs de développement.

 

4. Résumé

Pour assurer le développement socio-économique d'un pays il est indispensable d'exploiter pleinement ses potentiels. Les limites de la "tolérance écologique" sont dépassées lorsque l'exploitation excessive des ressources et des émissions incontrôlées de polluants entraînent des dégradations irréversibles des écosystèmes, une baisse de la productivité, la contamination de la base alimentaire et des menaces directes pour la santé de l'homme. L'aménagement général du territoire a donc pour mission de contribuer à redresser la situation avec tous les instruments dont il dispose en agissant sur les conditions socio-économiques et écologiques. Du point de vue écologique, il est possible d'y parvenir par :

- des stratégies visant à assurer un développement de modes d'utilisation des ressources non préjudiciables à l'environnement, modulés sur la sensibilité et le besoin de protection du milieu naturel,
- des stratégies d'assainissement et d'amélioration de la qualité de l'environnement, spécialement dans les zones fortement affectées par la pollution et les nuisances,
- des stratégies de protection et de régénération des écosystèmes visant à éviter d'autres pollutions et nuisances et à rétablir la productivité des biens naturels,
- l'élaboration et la mise à disposition de bases de données concernant l'environnement, condition indispensable à la prise en compte des impératifs écologiques.

Les principes directeurs d'un aménagement général du territoire respectueux de l'environnement peuvent être résumée comme suit :

(1) Il convient de vérifier l'applicabilité des stratégies d'aménagement dans le pays concerné. Les conceptions de l'aménagement du territoire et de la planification régionale, tout comme leurs instruments et procédures, doivent être adaptés à la situation et aux problèmes locaux et être estimés "faisables" dans le pays en question (être adéquats, raisonnables).

(2) L'aménagement du territoire en tant que processus nécessite l'existence à long terme des conditions générales et des aides nécessaires à sa mise en oeuvre.

(3) Dans la perspective d'une politique préventive de sauvegarde de l'environnement, les aspects écologiques doivent être intégrés le plus tôt possible au processus de planification. Le travail doit donc commencer souvent par la mise à disposition des données requises.

La répartition territoriale des activités ne doit pas provoquer de pollutions et nuisances supplémentaires. Au lieu d'une séparation rigide des fonctions, il est préférable de rechercher un mélange de fonctions en respectant les normes d'utilisation et les limites d'émission (de pollution) fixées. Les objectifs et stratégies d'action doivent être plus fortement axés sur une politique de prévention des atteintes à l'environnement.

(4) L'objectif de la planification écologique, qui est de préserver le jeu des équilibres naturels et d'assurer une utilisation durable des biens naturels, doit trouver son expression aussi bien dans le plan d'aménagement général de territoire que dans les plans sectoriels.

Compte tenu des contraintes qui pèsent sur l'aménagement du territoire dans beaucoup de pays, la première tâche à accomplir consiste souvent à créer ou à améliorer le cadre informationnel, humain, institutionnel et organisationnel nécessaire à sa mise en oeuvre.

 

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