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Les méthodes d'analyse sont limitées en ce qui concerne les retombées écologiques des déchets solides. A titre d'exemple, il n'en existe pas pour les écorces, la sciure et les produits assimilés, les fils de fer des balles, les sacs en plastique et les feutres. D'autres déchets solides (composantes des boues résiduaires, boues de chaux, poussières des gaz résiduaires etc.) sont soumis à des analyses de routine.
Les déchets solides n'étant pas spécifiques au secteur concerné, nous renvoyons le lecteur aux méthodes d'analyse décrites dans les divers dossiers correspondants ("Elimination des déchets" et "Bois, scieries, transformation du bois, produits du bois").
On dispose rarement de décrets définissant des seuils limites pour l'évaluation des effets sur l'environnement des matières citées. En Allemagne, il en existe en ce qui concerne l'aptitude à la mise en décharge des différentes matières (voir dossiers "Elimination des déchets" et "Elimination des déchets dangereux"). Le Catalogue des normes antipollution contient également des informations sur les matières susceptibles de poser des problèmes dans les boues d'épuration (métaux lourds des colorants d'impression, composés toxiques, etc.).
Le bruit est considéré comme une nuisance et est mesuré comme telle. En Allemagne, l'unité de mesure est le dB(A) selon DIN 45 633.
Les valeurs limites varient selon la vocation de la zone d'implantation et oscillent entre 70 dB(A) dans les zones uniquement industrielles et 35 dB(A) dans les zones de cure et d'habitation pour la nuit.
Dans les usines modernes à pâte et à papier installées dans des bâtiments et bénéficiant d'une insonorisation conforme à l'état de la technique, il est possible de maintenir un niveau de bruit de l'ordre de 50 dB (A) aux alentours du site, sans que des mesures spéciales soient nécessaires.
Ainsi, en Allemagne par exemple, ceci signifie qu'une usine à pâte et à papier ne peut être implantée que dans une zone artisanale/industrielle, ou à dominante artisanale/industrielle.
Là où l'on dispose de surfaces suffisantes pour l'implantation d'une usine à papier, la limitation du niveau de bruit est rarement problématique pour les projets dans de nombreux pays. Pourvu que l'on prévoie un éloignement suffisant par rapport aux habitations voisines ou autres zones protégées, il est possible de respecter les valeurs prescrites, même si l'installation est en partie à ciel ouvert, comme c'est souvent le cas sous les tropiques.
4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention
4.1.1 Matières premières
Les usines à pâte et à papier sont des industries à fort coefficient de capital qui ont une durée de vie très longue (certaines ont plus d'un siècle). Le maintien de l'approvisionnement en matières premières revêt donc une importance primordiale.
· Bois
Une coordination systématique avec le secteur de la foresterie est donc un préalable essentiel. Cette coordination peut revêtir plusieurs formes: elle va du simple achat de grumes, de bois d'éclaircie ou de copeaux de bois et de déchets de scieries, à l'exploitation d'aménagements papetiers appartenant à l'entreprise. Par suite de durées de rotation très longue entre le moment de la plantation et l'abattage des arbres, une planification à long terme est indispensable pour les projets d'implantation. Dès le départ, des fonds doivent être affectés à la reforestation et l'organisation nécessaire doit être mise en place.
Pour la coopération avec d'autres domaines, il est important de tenir compte de la situation de concurrence entre les différentes utilisations possibles des grumes et des déchets de scierie (scierie, fabrication de contreplaqué, secteur du travail du bois et du bois reconstitué).
L'agro-foresterie fait intervenir les arbres dans les techniques agricoles. Les arbres plantés fournissent de l'ombrage aux cultures ou les protègent du vent. Grâce à une sélection judicieuse des essences, ils pourront servir à la fabrication du papier et être une source de revenus supplémentaires pour les paysans.
Les besoins en bois de feu constituent une autre concurrence à l'utilisation papetière du bois (cf. dossier "Energies renouvelables"). Il en est de même du charbon de bois et du bois de construction.
· Plantes annuelles
A quelques exceptions près, les plantes annuelles utilisées dans l'industrie de la pâte et du papier sont des déchets ou des sous-produits d'une industrie basée sur l'agriculture (par ex. industrie sucrière).
Même si, globalement, ces matières premières ne sont guère significatives pour la production de papier, elles peuvent être importantes au plan local, surtout en l'absence de bois. Le potentiel de matière première pour la production de pâte et de papier dépend du marché des produits des autres branches industrielles impliquées.Des modifications à plus ou moins court terme des programmes de culture peuvent entraîner une forte baisse de l'approvisionnement en matières premières, ou conduire à une mise en jachère des surfaces cultivées pour des raisons de politique des prix.
· Exemples de plantes annuelles
Pailles de céréales:
Productions énormes dans le monde entier, mais faible potentiel d'exploitation, dû aux coûts de ramassage, de transport et de stockage ; sérieux problèmes d'émissions polluantes lors de la fabrication de la pâte. La modification des programmes de culture - par exemple par l'introduction de variétés céréalières à pailles courtes - peut remettre en cause le projet. Des situations de concurrence avec les besoins de paille pour les animaux d'élevage ou de combustibles pour le chauffage et la cuisine sont possibles.
Bagasse:
Les résidus de presse de la canne à sucre sont un combustible utilisé traditionnellement par les sucreries (autarcie énergétique). Elle se trouve donc en concurrence avec les combustibles fossiles si elle est réservée à la fabrication du papier. Il existe donc des imbrications avec le secteur agro-industriel.
En termes de quantités, les matières premières ci-après sont nettement moins importantes, mais leurs fibres présentent des propriétés intéressantes:
Jute:
Sticks des plants de jute, résidus de l'industrie du jute (textile) en régression. Concurrence: combustible. Cuttings: concurrence avec l'industrie textile.
Lin:
Paille, résidus de l'industrie de l'huile de lin. Transport et nettoyage très coûteux. Concurrence: production textile.
Sisal:
Le sisal n'étant plus guère utilisé pour la fabrication de cordages maritimes, on a entrepris des tentatives de maintien de sa culture en l'exploitant comme matière première pour la fabrication de papiers spéciaux. Transport et nettoyage préliminaire très coûteux. Concurrence: production de sacs.
Abaca:
Faiblement utilisé dans l'industrie textile, il joue également un rôle marginal dans la fabrication de papiers spéciaux (Philippines).
Linters:
Déchets des usines de production d'huile de coton. Matière première de la cellulose spéciale, chimiquement pure, destinée à l'industrie chimique et pharmaceutique. Les linters sont également utilisés pour les papiers spéciaux et les filtres. Avantage: collecte centralisée - dans les moulins à huile. Concurrence: pâte chimique de bois.
Bambou:
Important matériau de construction dans tous les pays où il pousse (presque uniquement à l'état sauvage, culture difficile), disponibilités limitées pour la pâte et le papier. Concurrence: utilisation comme légume (pousses de bambou).
Sparte ou alfa:
Comme le bambou, il n'est pas cultivé et les quantités récoltées pour la fabrication du papier (papiers spéciaux) sont insignifiantes (Afrique du Nord, Espagne). Concurrence: articles de vannerie.
· Vieux papiers
Le potentiel d'approvisionnement en vieux papiers est directement lié à la consommation de papier dans la région ou la zone de desserte, et aux prix pratiqués sur le marché (qui varient en fonction de la conjoncture). Dans les pays à forte consommation, le papier de bas de gamme est le plus influencé par la situation économique.
Les vieux papiers peuvent être une matière première essentielle dans les pays où la création d'une industrie papetière est conditionnée par un investissement initial relativement faible.
Des imbrications existent avec l'industrie de transformation papetière.
Dans beaucoup de pays, la "concurrence"est liée aux utilisations multiples du papier. Trop sale, il ne peut plus être recyclé (exemple: le papier journal utilisé comme papier d'emballage, puis comme papier toilette).
4.1.2 Matières annexes et adjuvants
· Eau
L'industrie de la pâte et du papier étant une grande consommatrice d'eau, la concurrence existe avec d'autres secteurs, par exemple:
- approvisionnement en eau potable et
industrielle,
- agriculture (irrigation),
- autres industries consommatrices d'eau.
Cette concurrence peut avoir des conséquences directes (eaux de surface) ou indirectes et différées dans le temps (eau de puits). La situation de concurrence avec l'agriculture et d'autres industries peut être atténuée grâce à un traitement adapté des eaux usées, permettant une réutilisation plus ou moins limitée. Dans tous les cas, il est impératif de prendre en considération tous les aspects d'une éventuelle salinisation des sols.
La disponibilité de l'eau est l'un des facteurs essentiels dans le choix du site d'une nouvelle entreprise.
D'autres matières annexes ou adjuvants ne sont pas spécifiques au secteur concerné du point de vue de leurs effets écologiques (produits chimiques, énergie).
4.2 Domaines d'intervention non caractéristiques du secteur concerné
Ces domaines d'intervention, qui sont indispensables au fonctionnement d'une usine à pâte et à papier, sont surtout de type infrastructurel. Ils sont répertoriés ci-après en quelques mots-clés, en complément des informations fournies dans le texte (liste non exhaustive):
- approvisionnement en eau ;
- industrie chimique, pour les produits chimiques de base (soude
caustique, sodium, sulfate d'aluminium, acide sulfurique, chlore,
peroxydes de sodium et d'hydrogène, acides sulfureux, etc.) (cf.
Catalogue des normes antipollution) ;
- industrie des huiles minérales, pour les mazouts, les huiles
lubrifiantes, le gaz naturel, le gaz liquide ;
- mines, pour le charbon, éventuellement l'alumine et la
chaux ;
- centrales thermiques, transport de l'électricité ;
- secteur des transports, réseau routier, raccordements
ferroviaires et voies fluviales
ainsi que:
- ateliers de réparation et d'entretien des
machines mécaniques et électriques, ainsi que des instruments;
- établissements d'enseignement général et d'enseignement
technique pour la formation de base du personnel;
- hôpitaux, cliniques, pour les soins médicaux ;
- secteur social.
On constate qu'il existe une interaction avec de nombreux domaines ayant une vaste portée, comme l'aménagement du territoire et la planification régionale, la planification de la localisation des activités industrielles et commerciales, la planification du secteur énergétique, les équipements collectifs publics (écoles, établissements de santé publique, hôpitaux), l'hydraulique rurale, l'hydraulique lourde, l'aménagement des transports et communications, etc.
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
En se basant sur l'état actuel de la technique dans l'industrie de la pâte et du papier, sur les technologies spécialement mises au point ou adaptées pour le recyclage et la réduction ou l'élimination des émissions polluantes, ainsi que sur des contrôles pratiqués dans les conditions prévues par la réglementation, on peut tirer les conclusions suivantes:
- En ce qui concerne le bois, matière
première renouvelable, cette industrie préserve l'environnement
aussi longtemps que l'abattage des arbres est inférieur ou
égal au recrû. Un autre effet vient de la transformation
des résidus et des déchets du bois (bois des scieries et
d'éclaircie) dans les usines à pâte.
- Dans le cas des plantes annuelles, les retombées
écologiques sont nettement moins positives. L'utilisation de la
bagasse, par ex., qui n'est donc plus disponible comme
combustible, oblige à remplacer cette dernière par des
combustibles fossiles, ce qui a, entre autres, des effets
négatifs sur le bilan de CO2.
- L'utilisation de vieux papiers, qui tend encore à
s'accroître, est globalement positive pour l'environnement:
la préparation de la pâte de récupération demande moins
d'énergie primaire que la pâte neuve et s'accompagne d'une
réduction de la consommation de bois par tonne de papier.
- La pâte chimique mérite un éloge particulier: aussi
bien en termes de matières premières que d'énergie, une usine
moderne ne consomme pratiquement que des matières premières
renouvelables (bois).
- Les charges des effluents de la production de la pâte
sont minimes pour la pâte non blanchie, et la tendance
croissante à remplacer les agents de blanchiment, tels
que le chlore et les composés chlorés, par des
produits sans chlore (oxygène et peroxyde) permet aujourd'hui à
beaucoup d'entreprises de blanchiment de respecter les seuils
prescrits.
- Les effluents de la production papetière peuvent être
maintenus à un niveau inférieur aux valeurs limites prescrites
grâce à des mesures de réduction (recirculation) et à
de très efficaces stations d'épuration des eaux
résiduaires.
- Il est possible de maintenir les émanations gazeuses
des centrales thermiques et des installations de récupération
en dessous des seuils limites grâce aux nouvelles techniques de
dépollution. Les émanations malodorantes (mercaptans)
restent problématiques, notamment dans les fabriques de
pâte au sulfate. Des mesures adaptées de récupération et de
contrôle mises en oeuvre dans des installations européennes
modernes ont néanmoins démontré qu'il est possible ici aussi
de ramener le taux des émanations à un niveau acceptable,
inférieur aux valeurs limites (EPA) dans les zones à forte
densité de population.
- Les déchets solides sont relativement insignifiants,
une grande partie d'entre eux pouvant être utilisés comme
source d'énergie (écorces, déchets du bois). En ce qui
concerne l'élimination des boues résiduaires (incinération,
décharge), les usines utilisant des vieux papiers doivent tenir
compte du problème des métaux lourds dus aux encres
d'impression.
- Les constructions ouvertes, courantes dans les pays
chauds, rendent des mesures de protection contre le bruit plus
coûteuses que dans les installations fermées. Le seul moyen
de réduire les nuisances dues au bruit est un éloignement
plus grand des zones d'habitation.
Dans les zones climatiques tempérées et/ou froides, la forme du bâtiment, l'isolation et le régime d'exploitation (la nuit, éviter le fonctionnement des machines bruyantes) permet de résoudre facilement la question du bruit.
En prenant soin d'intégrer suffisamment tôt les groupes de population concernés, notamment les femmes, au sein des processus de planification et de décision, on pourra tenir compte de leurs intérêts et on contribuera à réduire les problèmes d'environnement (par ex. en cas de situation de concurrence en ce qui concerne l'utilisation de l'eau, du bois ou des terres).
L'application et la surveillance des valeurs limites des émissions polluantes, ainsi que la gestion /des entreprises dans le respect de l'environnement, passe par l'institutionnalisation des organes de contrôle nécessaires et par l'efficacité de leur action. Ici, la désignation de "délégués à la protection de l'environnement" au sein même de l'entreprise, qui seraient chargés de la formation et de la sensibilisation des employés au problème de la conservation de l'environnement paraît une solution intéressante.
W. Brecht et H.L. Dalpke: "Wasser, Abwasser, Abwasserreinigung in der Papierindustrie".
Deutsches Wasserhaushaltsgesetz (WHG), Abwasserabgabengesetz (AbwAG) sowie das Bundesimmissionsschutzgesetz (BImSchG).
EPA (Environmental Protection Agency) "Effluent Limitations Guidelines and New Source Performance Standards for the Bleached Kraft, Groundwood, Sulfite, Soda, De-ink and Non-integrated Paper Mills Segment of the Pulp, Paper and Paperboard Mills".
NCASI, Etats-Unis (National Council of the Paper Industry for Air and Stream Improvement) Bulletins (div.).
ÖNorm M 94 64.
Allan M. Springer: "Industrial Environmental Control, Pulp and Paper Industry".
SSVL Suède (Sriftelsen Skogsindustriernas Vatten och Luftvardsforskning), The SSVL Environmental Care Project.