32. Pêche et aquaculture

Table des matières - Précédente - Suivante

1. Description du domaine d'intervention
2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Pêche artisanale
2.2 Aquaculture à petite échelle
2.3 Exploitation halieutique des eaux de retenue
2.4 Exploitation halieutique de la zone économique exclusive
2.5 Exploitation halieutique des mangroves

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur
4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
6. Bibliographie

1. Description du domaine d'intervention

L'exploitation du milieu aquatique pour l'obtention de produits alimentaires et de biens de consommation englobe aussi bien la capture et la cueillette que l'élevage et la sélection amélioratrice d'organismes aquatiques. Les principaux organismes aquatiques actuellement élevés sont les poissons, les mollusques, les crustacés et les algues. La pêche et l'aquaculture atteignent chaque année un volume de production mondial de quelque 95 millions de tonnes.

Les principales formes d'exploitation du milieu aquatique sont:

- la pêche,
- l'aquaculture,
- l'aménagement des eaux à des fins piscicoles par des actions d'empoissonnement ("stocking", "ranching").

Ces trois formes d'exploitation peuvent se dérouler en eau de mer, eau saumâtre ou douce et dans les eaux côtières ou intérieures. Les eaux situées au large sont surtout le domaine des activités de pêche de capture, et, dans des proportions très faibles, de l'aquaculture. L'aménagement des eaux inclut les zones de haute mer dans la mesure où les poissons lâchés sur le littoral (saumons par exemple) peuvent passer leur phase d'engraissement dans les eaux du large.

Tandis qu'à l'intérieur des terres et sur le littoral, la pêche et l'aquaculture sont des activités essentiellement artisanales, l'exploitation des pêcheries de haute mer se pratique principalement - et l'aquaculture de haute mer exclusivement - de façon industrielle.

La pêche de capture exploite les stocks naturels d'organismes aquatiques, sur lesquels - si l'on excepte les activités de capture proprement dites - elle exerce une action régulatrice (fermeture saisonnière de la pêche, zones protégées, quotas de capture, sélectivité des engins de pêche). L'aquaculture influe au moins sur la phase de croissance et, si possible, agit aussi directement sur la phase de reproduction, essentiellement en contrôlant la qualité des eaux (par le biais des conditions d'élevage), la nutrition (par l'apport de nourriture et la fertilisation des étangs) et la santé (mesures prophylactiques et thérapeutiques). La phase de reproduction peut être contrôlée en agissant sur les processus de maturation, la ponte et la fécondation, l'incubation et l'élevage larvaire. Les caractéristiques des organismes d'élevage peuvent être influencées génétiquement (principalement par sélection, croisement ou interventions génétiques).

L'aménagement halieutique des eaux combine les activités d'aquaculture aux activités de pêche ("culture-based capture fisheries": pêche de capture reposant sur l'élevage) en introduisant dans des plans d'eau naturels ou artificiels de jeunes organismes incubés dans des conditions contrôlées et dont les premiers stades de vie, particulièrement sensibles, se sont également déroulés en milieu contrôlé. Au terme de leur phase d'engraissement, les stocks créés ou enrichis par colonisation sont pêchés de la même façon que les stocks naturels.

Le processus de production dans des conditions naturelles (pêche) ou contrôlées (aquaculture) est suivi, jusqu'à la consommation finale, par les processus de conservation, transformation, conditionnement, transport et commercialisation, qui peuvent aussi avoir une incidence sur l'environnement.

La pêche et l'aquaculture peuvent être subdivisées en cinq secteurs d'activités:

- la pêche artisanale,
- l'aquaculture à petite échelle,
- l'exploitation des eaux de retenue pour la pisciculture,
- l'exploitation des ressources halieutiques de la zone économique exclusive des 200 milles (ZEE),
- l'exploitation des ressources halieutiques des mangroves.

Les deux premiers secteurs sont dominés par les deux préoccupations suivantes: concentration des activités sur les couches de population économiquement faibles et adéquation technologique des interventions. Ces deux aspects sont également prioritaires dans l'exploitation des eaux de retenue. En revanche, l'exploitation de la zone économique exclusive des 200 milles est axée sur l'évaluation des ressources, la gestion et le contrôle de l'exploitation dans un secteur dominé par les formes d'exploitation industrielles. La protection de l'environnement et la conservation des ressources occupent une place particulièrement importante dans l'exploitation halieutique des mangroves ; dans cet écosystème sensible, les prélèvemens ou activités piscicoles devraient être conçus dès le départ pour éviter complètement toute intervention susceptible d'altérer l'environnement, ou se limiter à des interventions minimes et clairement délimitées.

2. Effets sur l'environnement et mesures de protection

2.1 Pêche artisanale

Les activités de pêche intéressant le plus la protection de l'environnement sont celles qui, par leur degré d'adaptation à l'état des ressources et aux conditions de l'écosystème exploité, conditionnent directement le maintien des possibilités d'utilisation des ressources. Les petites pêches sédentaires de type traditionnel, façonnées par une expérience ancestrale, sont conçues pour éviter toute surexploitation des ressources halieutiques. Chaque tentative en vue d'accroître la production peut mettre en péril cet équilibre harmonieux.

Accroître la production sans menacer les ressources à long terme est cependant possible, soit en exploitant les ressources halieutiques en dessous du niveau de rendement et de pérennité optimal, soit en étendant l'effort de pêche aux composantes des communautés vivantes de l'écosystème qui n'étaient pas ou peu exploitées jusqu'ici.

L'utilisation de nouvelles espèces est toutefois limitée par les relations nutritionnelles existant entre différents membres d'une communauté. Si, en plus d'une population de poissons prédateurs, on entreprend d'exploiter les stocks de leurs proies, la production qu'on pourra tirer du stock de prédateurs sera forcément restreinte puisque les bases alimentaires du prédateur s'amenuiseront. Etant donné leur diversité, ces relations doivent, si l'on envisage d'exploiter simultanément différents peuplements d'un même écosystème, être intégrées dans des modèles de gestion des ressources s'approchant le plus possible de la réalité.

Le type d'engins de pêche utilisé de même que le moment et le lieu où ils sont mis en oeuvre jouent un rôle décisif dans la gestion des ressources halieutiques. Les engins de capture modernes peuvent être d'un côté très performants (et mettre ainsi en péril les populations halieutiques si leur utilisation n'est pas soumise à certaines restrictions) et, de l'autre, très sélectifs. Un instrument de pêche est sélectif lorsqu'il ne capture que certaines espèces ou certaines classes de taille ; la sélectivité de l'instrument est déterminée entre autres par le maillage du filet, la taille de l'hameçon ainsi que par la profondeur d'eau ou le fond dans lequel l'engin est mis en oeuvre. Les principales mesures de réglementation de la pêche sont les suivantes: instauration de saisons de pêche, création de zones protégées, fixation d'un maillage minimum pour les filets de pêche et d'une taille minimum pour les hameçons, limitation du nombre d'engins de capture, bateaux ou navires de pêche, limitation de leur durée de mise en oeuvre et fixation directe des classes de taille des organismes à capturer ainsi que des quotas de capture.

L'étude et la gestion des stocks exigent un haut niveau de formation en biologie des pêches ainsi qu'un niveau de connaissances suffisant en économie des pêches. Les mesures de régulation des stocks devraient être présentées sous forme de contrôles communautaires devant être effectués et harmonisés par les pêcheurs locaux et devant relever directement de la responsabilité de ces derniers.

En dehors des ressources proprement dites, leur habitat doit, lui aussi, être préservé des nuisances et pollutions non supportables à court ou à long terme ; pour cela, l'état physique, chimique et biologique des pêcheries doit être surveillé. La qualité des produits dépend autant de l'état chimique et biologique des eaux de capture que des conditions sanitaires régnant à terre (hygiène villageoise). Les effets destructeurs de l'utilisation des ressources ligneuses pour le fumage du poisson peuvent être réduits de deux manières: on peut garantir une utilisation plus rationnelle du bois en introduisant des fours à fumer faibles consommateurs de combustible, et veiller à une gestion appropriée des peuplements arborés et arbustifs. Le remplacement des canots creusés dans un tronc d'arbre par des barques en planches de même que l'emploi de matériaux de construction de substitution sont un moyen de réduire les besoins en bois pour la construction d'embarcations de pêche.

Les infrastructures de débarcadères de la pêche artisanale, qui sont difficiles à modifier ou à supprimer par la suite, ne devraient être édifiées qu'après une étude approfondie des besoins et de l'opportunité d'une telle infrastructure. Les structures en béton risquent de déprécier la région sur le plan esthétique (tourisme).

2.2 Aquaculture à petite échelle

L'aquaculture dispose, par rapport à la pêche, de possibilités de choix beaucoup plus diversifiées, qu'il s'agisse des espèces d'élevage ou des sites de production. Le meilleur moyen de préserver les stocks naturels d'organismes se prêtant à l'aquaculture consiste à contrôler tout le cycle de vie, de stade de reproduction en stade de reproduction, non pas sur une ou deux générations, mais durablement ; ceci n'est possible à l'heure actuelle qu'avec un petit nombre d'organismes aquatiques. Le seul moyen d'y remédier serait d'encourager très activement la recherche fondamentale tournée vers les applications pratiques dans le domaine de la physiologie et de l'écologie de la reproduction.

Le site de production doit être choisi de façon à protéger les écosystèmes naturels ainsi que les ressources en eau limitées. Les organismes d'élevage peuvent, eux aussi, être choisis de manière à préserver des ressources alimentaires fortement sollicitées ; il suffit pour cela de privilégier les espèces dont les exigences alimentaires peuvent être satisfaites par les sous-produits et déchets d'autres secteurs d'activité. Ces produits peuvent être soit distribués directement, soit épandus sous forme d'engrais pour activer la multiplication d'organismes servant à l'alimentation des poissons (plantes aquatiques, petits animaux). Ce serait là un moyen de réduire la consommation de farine de poisson, qui entre dans la composition des aliments pour poisson, si les producteurs n'avaient pas tendance à élever des organismes de plus grande valeur commerciale (certaines espèces de poissons prédateurs par exemple), qui ont généralement besoin d'aliments de tout premier choix.

La gestion de l'eau joue un rôle décisif dans la qualité de l'eau à l'intérieur et en aval d'une installation d'aquaculture. L'eau doit être gérée de façon à limiter au minimum l'accumulation de restes alimentaires de même que l'entraînement de substances nutritives, alimentaires et nocives. Les quantités de restes de nourriture peut être limitées en adaptant les rations alimentaires et la fréquence d'administration de nourriture à la capacité d'ingestion et à l'appétit des poissons. Si des quantités considérables de déchets sont, malgré tout, rejetées à l'extérieur - comme dans les étangs à eau courante soumis à une exploitation intensive -, leur déversement dans les fleuves et les lacs peut être évité en grande partie en captant les déchets dans des étangs de décantation.

Ne serait-ce que pour des raisons d'efficacité et d'économie, les médicaments employés dans la prévention et le traitement des maladies et dans la lutte antiparasitaire ne devraient pas être déversés dans l'eau courante (étangs à eau courante), et encore moins dans les systèmes en eau libre (cages, parcs), même si cela oblige à transférer les poissons dans des récipients spéciaux pour le traitement, et à les soumettre ainsi à des situations de stress.

Le principal moyen d'économiser l'énergie utilisée en aquaculture est d'éviter le pompage de l'eau pour le renouvellement de l'eau des étangs. L'apport d'eau fraîche sert à alimenter l'étang en oxygène et à chasser les détritus, ainsi qu'à compenser les pertes par évaporation et infiltration. Le volume à renouveler dépend essentiellement de la densité de mise en charge d'un étang. Les pentes naturelles peuvent être mises à profit pour produire un courant et économiser l'énergie de pompage. Parfois aussi, le site possède des puits artésiens dont on peut tirer parti.

Les étangs dans lesquels les déchets peuvent être valorisés par les plantes et les petits animaux, qui servent à leur tour de nourriture aux animaux aquatiques d'élevage, présentent de grands avantages sur le plan écologique. Ces étangs peuvent être fertilisés grâce aux déjections organiques des animaux terrestres (volaille, porcs) élevés en amont ou à côté de l'étang. La rentabilité de ce type d'aquaculture intégrée dépend de l'adaptation écologique des espèces aquatiques d'élevage, de leur acceptation par les consommateurs, des coûts de production et des prix du marché. Un autre facteur entrant en ligne de compte est le degré d'insertion de l'aquaculture dans l'ensemble du système de production considéré, qui inclut habituellement d'autres composantes productives et consommatrices de main-d'oeuvre. Dans ce contexte, il est important de connaître les bases alimentaires des petits animaux (résidus de pesticides pouvant pénétrer dans la chaîne alimentaire).

Pour l'installation d'étangs dans les pays tropicaux, on doit tenir compte des risques de maladies transmises par des vecteurs passant au moins un stade de vie dans l'eau ou dans les animaux aquatiques (paludisme, bilharziose, etc.).

La pisciculture en cage flottante pose non seulement le problème du coût des aliments, mais aussi celui de l'obtention des matériaux de construction des cages ; les filets, les supports et les flotteurs sont des matériels coûteux. Les seules régions dans lesquelles l'utilisation de bois ne pose pas de problèmes particuliers sont les régions très boisées.

Les effets de la consommation de produits de l'aquaculture sur la santé doivent être examinés soigneusement lorsque les eaux-vannes et les eaux domestiques résiduaires servent à la fertilisation des étangs. Les facteurs jouant un rôle important dans les installations à eau résiduaire sont le nombre d'étangs, la dilution et le temps de séjour de l'eau avant son déversement dans les étangs à poissons. Une gestion minutieuse, des contrôles sanitaires et des examens de l'eau effectués à intervalles réguliers s'avèrent ici indispensables.

2.3 Exploitation halieutique des eaux de retenue

L'exploitation halieutique des eaux de retenue étant une combinaison d'activités d'élevage et d'activités de capture ("culture-based capture fisheries"), les mesures de protection de l'environnement décrites aux points 2.1 et 2.2 s'appliquent ici pareillement. Les différences essentielles proviennent du fait que les retenues sont de formation récente, que ce soit du point de vue limnologique et écologique ou du point de vue sociologique et économique. Les retenues artificielles se différencient des retenues naturelles par plusieurs aspects: leur caractère artificiel, la régulation hydraulique effectuée en permanence et à des fins précises (approvisionnement en eau potable, production énergétique, irrigation), le "vide" biologique initial (qui permet différents schémas de développement biologique selon l'ordre effectif, et partiellement aléatoire, suivant lequel s'effectue la colonisation des eaux par les plantes et les animaux) et surtout les nouvelles options en résultant pour une exploitation halieutique. Pour toutes ces raisons, une retenue artificielle offre à l'homme une grande marge de liberté pour son aménagement écologique, mais le place aussi devant de sérieux problèmes sociaux et économiques lorsqu'il s'agit de développer et d'introduire un nouveau système de mise en valeur.

Deux contraintes décisives sont à prendre en compte pour l'exploitation d'une nouvelle retenue:

- L'introduction d'espèces étrangères à l'écosystème et à la région devrait être strictement interdite, ou alors assujettie à l'application des mesures de protection en vigueur à l'échelon international.
- La réglementation des activités de pêche ne devrait s'effectuer qu'après une étude approfondie des traditions locales et en associant pleinement les pêcheurs locaux et les pêcheurs désireux de s'installer dans la région.

Lors de la planification de nouveaux barrages, il convient d'envisager les différentes possibilités d'exploitation halieutique des eaux de retenue et, le cas échéant, d'en tenir compte pour le choix du type de construction.

2.4 Exploitation halieutique de la zone économique exclusive

La mise en valeur halieutique optimale de la zone économique exclusive des 200 milles (ZEE) requiert des techniques de pointe. Dans la zone de transition entre la pêche hauturière industrielle et la pêche côtière artisanale, des conflits d'utilisation sont ainsi programmés d'avance, à moins que la configuration du fond et du littoral ne produise une séparation naturelle. De tels conflits portent souvent atteinte aux ressources, qui sont alors surexploitées, voire partiellement détruites. En même temps, ils peuvent porter préjudice à la situation économique et sociale des petits pêcheurs côtiers, qui ont généralement le dessous dans des conflits de ce genre, dans la mesure où leur intérêts ne sont pas protégés efficacement par des interventions des pouvoirs publics.

Tandis que les communautés de pêcheurs traditionnelles, établies de longue date, ont développé des modes d'utilisation bien ancrés, excluant une détérioration durable des ressources, les possibilités techniques de la pêche hauturière moderne peuvent conduire en peu de temps à l'épuisement complet d'une ressource et exigent par conséquent une limitation et un contrôle très stricts de l'exploitation. La fixation d'une maille minimum pour les filets et d'une taille minimum pour les hameçons doit permettre d'empêcher la capture des jeunes organismes n'ayant pas atteint une maturité suffisante pour la reproduction et donc pour la conservation du stock. La destruction inutile des petits organismes alimentaires, qui sont pris dans les filets en même temps que les poissons d'intérêt commercial ou nutritif, peut ainsi être limitée.

Seule l'interdiction d'utilisation des chaluts à structures "de cueillette" permettra d'empêcher la déplétion de communautés entières d'organismes démersaux par ces engins de pêche. Suivant les conditions locales (relief sous-marin, cycle de reproduction et migrations des poissons ou d'autres organismes), ces interdictions seront totales ou seulement limitées à certaines saisons ou certaines zones (mesures de cantonnement).

Pour certains organismes utiles, des interdictions totales de capture sont indispensables durant leur grossissement dans les "nursery areas" ou zones d'alevinage. Comme il s'avère souvent difficile d'imposer des interdictions de capture, nombreux sont les endroits où l'on tente de créer des refuges artificiels, dans lesquels les poissons ou d'autres animaux aquatiques peuvent se retirer et à partir desquels ils peuvent recoloniser des zones perturbées ou des zones vidées de leurs ressources halieutiques. Ces refuges peuvent être par exemple des blocs de bétons immergés. L'efficacité et la rentabilité de ces "récifs artificiels" restent toutefois controversées.

L'agonie de nombreux poissons et grands animaux marins (dauphins, tortues de mer, oiseaux aquatiques, etc.) pris dans des filets dérivants perdus par les pêcheurs et constitués de matière synthétique imputrescible dans l'eau, pourrait être évitée, du moins en partie, grâce à l'utilisation de fil décomposable dans l'eau pour attacher le filet aux bouées. Les filets finiraient au bout d'un certain temps par se décrocher et par tomber au fond de l'eau. Cette méthode paraît cependant trop sophistiquée pour pouvoir être généralisée. En outre, on ne connaît pas les dégâts que ces filets risquent d'occasionner par la suite dans les fonds marins.

Un problème difficile à résoudre est celui des captures additionnelles: comment, en effet, valoriser les organismes dénués de valeur marchande qui sont capturés accidentellement avec les espèces cibles très lucratives (crevettes par exemple) ? Ces captures additionnelles ont une taille ou un encombrement suffisant pour rester prisonnières des filets avec les prises principales, même avec un maillage réglementaire. Mais leur valeur commerciale est si réduite par rapport aux prises principales que leur débarquement ne se justifie pas, économiquement parlant, bien qu'une partie souvent appréciable de ces captures soit propre à la consommation humaine. Si l'on parvenait à résoudre ce problème à l'échelle planétaire, par exemple en organisant la collecte permanente en mer des captures additionnelles par des bateaux spécialement affrétés ou par d'autres méthodes, plusieurs millions de tonnes de poissons pourraient être récupérées chaque année pour l'alimentation humaine.

La forte consommation de combustibles fossiles des navires de pêche hauturière exige des mesures spéciales pour éliminer les résidus sur la terre ferme, comme c'est le cas dans les autres types de navigation hauturière motorisée. Les autres pollutions créées à terre par les activités de pêche proviennent principalement de la transformation industrielle des produits de la pêche. Des normes légales doivent être observées ou demandent à être introduites pour l'élimination des déchets et l'évacuation des eaux résiduaires. Une partie des déchets peut être transformée en farine de poisson, tandis que des extraits précieux peuvent être tirés des déchets liquides et être utilisés comme additifs alimentaires (cf. dossiers "Ports intérieurs", "Navigation intérieure","Assainissement" et "Elimination des déchets").

2.5 Exploitation halieutique des mangroves

Les remarques faites au sujet de la pêche artisanale hors des zones de mangroves s'appliquent également aux formes traditionnelles d'exploitation de la faune et de la flore des mangroves: elles sont inoffensives pour le milieu naturel, car elles respectent la capacité de régénération des ressources. Il n'en va pas de même de l'aquaculture moderne pratiquée dans de grandes installations de pisciculture, pour la construction desquelles la végétation des mangroves est entièrement supprimée, comme dans l'élevage à grande échelle de crevettes d'eau saumâtre. La production de ces crustacés très prisés peut être très lucrative, à telle enseigne qu'une pression inquiétante s'exerce sur les mangroves en tant que zones pouvant accueillir des étangs d'eau saumâtre. Dans les mangroves, soumises quotidiennement à l'alternance du flux et du reflux, ces étangs présentent plusieurs avantages: ils possèdent la teneur en sel requise et les coûts de renouvellement de l'eau sont relativement faibles, puisque la consommation d'énergie nécessaire au pompage de l'eau peut être réduite en utilisant les marées.

La pression exercée sur les mangroves devrait être contrecarrée de manière aussi réaliste et souple que possible. La règle suprême devrait être de ne pas autoriser l'utilisation de ces zones sans planification détaillée préalable. La planification de l'utilisation devrait permettre d'exclure toute forme d'exploitation non traditionnelle dans les zones irremplaçables en tant que réserve naturelle, réservoir de ressources génétiques, nursery pour des animaux aquatiques de grande utilité ou ceinture de protection contre l'érosion du littoral. Le déboisement des mangroves en vue d'y pratiquer l'aquaculture peut également être évité si l'on propose des aires jouxtant la ceinture de mangroves pour y installer des étangs. Dans ces aires, les frais de pompage pourraient être largement couverts par les bénéfices de production, pour peu que celle-ci soit gérée efficacement.

Si l'exploitation des mangroves paraît inévitable pour des motifs économiques, elle devrait au moins être canalisée vers les sols fortement argileux, sur lesquels les mangroves ne tardent pas à se réinstaller après un éventuel abandon des étangs (ou des rizières inondées), au contraire des sols sableux et tourbeux, qui sont transformés en désert pour très longtemps. Par ailleurs, il faudrait poursuivre l'étude des possibilités d'exploitation de la productivité naturelle des zones de mangroves se prêtant à l'aquaculture artisanale semi-intensive, et ce sans déboisement intégral et pratiquement sans apports supplémentaires d'engrais et de nourriture. De telles expériences peuvent réussir, à condition de parvenir à abaisser les coûts de façon que même de faibles rendements par unité de surface demeurent attrayants sur le plan économique.

3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement

Les aspects environnementaux sous lesquels les activités de pêche et d'aquaculture doivent être considérées se rangent dans cinq catégories:

- Altérations du milieu naturel néfastes aux organismes aquatiques, mais ne provenant ni des activités de pêche, ni de l'aquaculture (pollution de l'eau résultant de l'évacuation des déchets industriels, agricoles et ménagers ainsi que du lessivage des éléments nutritifs, des pesticides et de leurs résidus contenus dans les sols agricoles ; travaux de canalisation) ; de telles retombées peuvent toucher aussi bien le secteur de la pêche que le secteur de l'aquaculture.
- Effets exercés sur les populations halieutiques et leur renouvellement, qui dépendent de leur exploitation. (Ces effets concernent uniquement les stocks naturels, et non les stocks entretenus et contrôlés par l'homme ; en d'autres termes, l'aquaculture n'est concernée que dans la mesure où elle est tributaire des jeunes issus des populations naturelles).
- Effets sur l'environnement dus aux activités de pêche et d'aquaculture (perturbation de l'équilibre écologique, altération de la qualité de l'eau, etc.).
- Influence exercée sur l'utilisation des ressources (et donc sur les ressources elles-mêmes) par les changements sociaux et socio-économiques intervenant chez les producteurs et les consommateurs (croissance démographique par exemple).
- A l'inverse, retombées des activités de pêche et d'aquaculture sur la situation sociale et socio-économique des producteurs et consommateurs (par exemple surproduction locale sans accès suffisant aux marchés plus éloignés).

Pour parvenir à une utilisation optimale des ressources halieutiques naturelles tout en respectant leur capacité de renouvellement durable, on a recours à des simulations assistées par ordinateur, qui mettent en évidence les interactions tant écologiques qu'économiques au sein d'un modèle uniforme. Ces modèles sont une base indispensable au développement d'une stratégie fiable d'exploitation durable, qui tienne compte aussi bien des intérêts micro-économiques des pêcheurs que des intérêts macro-économiques du pays concerné, sans compromettre à long terme les bases d'existence naturelles de la pêche.

Des synopsis et des évaluations des retombées indésirables des techniques de capture modernes sur les ressources (emploi de matières explosives et de pesticides, pêche au chalut, pêche au filet droit, etc.) font encore défaut.

L'étude et l'évaluation des effets de l'aquaculture sur l'environnement fait en revanche l'objet de travaux intensifs. L'ICLARM ("International Center for Living Aquatic Resources Management"), centre international de recherches pour le développement de la pêche, a organisé en septembre 1990 un symposium sur le thème de l'environnement et du développement de l'aquaculture, dont les résultats ont été publiés en 1992.

4. Interactions avec d'autres domaines d'intervention

Les diverses formes d'exploitation piscicole peuvent être associées à la production agricole et à l'aménagement des ressources en eau. Des exemples d'intégration de la production piscicole et de la production agricole sont:

- l'association de la pisciculture en étang - ou de la pêche artisanale - avec la production végétale et l'élevage dans le cadre d'un système de production agricole, sans intégration spatiale des différentes composantes ;
- l'association de la pisciculture en étang avec l'élevage d'animaux de basse-cour, de porcs ou d'autres animaux, réalisé sur pilotis au-dessus des étangs ;
- la pisciculture dans les rizières inondées (rizipisciculture).

Comme exemples de combinaison de la pêche et de l'aquaculture avec l'aménagement des eaux, on retiendra l'utilisation:

- des retenues de tout genre (y compris les retenues servant à l'alimentation en eau potable) pour la pêche ;
- des petits réservoirs d'irrigation peu profonds pour la pisciculture en étang ;
- des grands canaux d'irrigation pour l'engraissement des poissons ;
- des lacs de barrage d'étendue et de profondeur suffisantes, et ne servant pas à l'approvisionnement en eau potable, pour l'élevage en cage flottante.

· Voir à ce sujet les dossiers sur l'environnement "Hydraulique lourde", "Irrigation" et "Hydraulique rurale").

Des liens étroits existent avec l'agriculture: utilisation des déchets, sous-produits et (exceptionnellement) produits principaux de l'agriculture comme aliments ou engrais pour l'aquaculture ainsi qu'emploi de farine de poissons issus de la pêche pour la production d'aliments pour bétail dans l'agriculture (cf. dossier "Production animale").

Les liens existent également avec la foresterie, étant donné l'existence de besoins en bois pour la construction d'embarcations et d'engins de capture, pour la conservation et la transformation des produits de la pêche par fumage et pour la construction de cages flottantes. Les interactions écologiques étroites entre les forêts et les eaux revêtent une importance toute particulière et doivent être prises en compte tant par le secteur forestier que par le secteur de la pêche.

Le secteur énergétique, enfin, est également concerné par la pêche et l'aquaculture, qui exploitent des bateaux, navires et engins de pêche très sophistiqués, des ports de pêche, entrepôts frigorifiques et installations de transformation industrielle, des installations d'aquaculture d'un haut niveau de technicité et des véhicules servant au transport des personnes, engins, matières consommables et produits.

Les points de contact existant avec d'autres domaines d'intervention ont déjà été signalés directement dans le texte.

5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement

La pêche et l'aquaculture ont besoin d'un environnement intact ou, du moins, non perturbé durablement, mais peuvent, de leur côté, porter atteinte à l'environnement et aux ressources naturelles. Tributaire d'un renouvellement naturel continu des ressources halieutiques, la pêche de capture doit ménager les ressources et leurs écosystèmes.

De même, les ressources et leurs écosystèmes doivent être si possible réhabilités là où il y a surexploitation et altération par suite de changements écologiques. A partir d'une certaine intensité de pêche, seule une meilleure valorisation des prises permet des hausses de production. A cet effet, il serait surtout souhaitable à l'avenir que les espèces halieutiques encore inintéressantes sur le plan commercial et entièrement transformées en farine de poisson soient, de plus en plus, rendues propres à la consommation et que les quantités de poissons perdues par altération soient diminuées.

L'aquaculture, en tant que secteur de production piscicole relativement récent, a besoin pour son développement futur de stratégies propres, qui devront surtout tenir compte du fait que la plupart des ressources naturelles qu'elle exploite (eau, terres, aliments ainsi qu'alevins pour la majorité des espèces d'élevage) sont déjà utilisées par ailleurs et peuvent ainsi devenir des sources de conflits. C'est pourquoi les stratégies d'exploitation doivent inclure la volonté d'éviter de tels conflits ou de les résoudre de façon à minimiser les inconvénients écologiques, économiques ou sociaux. Cela implique notamment que

- l'aquaculture doit tout d'abord être comparée, du point de vue de ses effets, à d'autres options (par exemple lutte contre l'érosion côtière grâce aux mangroves, tourisme) et être conduite si possible en complément de l'aménagement des ressources en eau,
- les sous-produits ou les déchets doivent, dans toute la mesure du possible, être utilisés pour l'alimentation des organismes d'élevage ou pour la fertilisation des eaux lorsqu'une autre forme d'utilisation de ces déchets et sous-produits serait moins profitable. Les charges éventuelles (par les pesticides par exemple) doivent cependant être exclues.

Il est possible d'encourager le respect de ces principes d'exploitation par des exemples réussis, apportant la preuve des avantages obtenus à long terme, et par la création de conditions politiques et écologiques d'ensemble adéquates, fournissant des incitatifs et imposant des restrictions dans des proportions équilibrées.

Pour peu qu'elles soient associées comme il se doit à la stratégie de développement et qu'elles reçoivent une formation adéquate, les femmes peuvent exercer une influence déterminante pour que les altérations de l'environnement et les effets dommageables à la santé soient évités, réduits ou éliminés. Un travail d'information adapté au contexte religieux et culturel joue un rôle éminent à cet égard.


Table des matières - Précédente - Suivante