3. Aspects à inclure dans l'analyse et l'évaluation des effets sur l'environnement
Table des matières - Précédente - Suivante
3.1 Liens d'interdépendance fondamentaux
Le plan directeur d'aménagement et de gestion des ressources en eau doit tenir compte adéquatement de tous les effets possibles des mesures d'aménagement sur l'environnement. Pour cela, il doit appréhender la situation actuelle du territoire concerné. Or cette situation peut présenter de grandes différences d'une région à l'autre.
Les problèmes particuliers rencontrés dans le secteur des eaux sont entre autres
- une pluviosité annuelle extrêmement élevée ou extrêmement basse selon les régions,
- le risque de sécheresse s'étendant sur plusieurs années,
- une baisse des taux de régénération de la nappe phréatique,
- des pluies trop abondantes et des ondes de crue extrêmes,
- un bas niveau de consommation et une faible proportion de population desservie,
- un faible niveau de sécurité d'approvisionnement,
- l'agriculture irriguée représentant une part importante des besoins,
- la réutilisation plus fréquente des eaux usées et de l'eau salée, le recours au dessalement de l'eau de mer.
Pour analyser et évaluer les effets environnementaux induits par les activités dans le secteur des eaux, il convient de prendre en considération l'ensemble du processus, c'est-à-dire l'ensemble du cycle hydrologique, depuis la chute de pluie jusqu'à l'évacuation des eaux usées et des déchets.
Il faut pour cela disposer d'une base de données sûres, décrivant la situation écologique actuelle (pollutions antérieures) de l'espace naturel concerné ou de la région du projet. A l'aide d'une telle base de données, il est possible de déterminer le degré de pollution actuel, et donc également les changements induits par les mesures déjà réalisées, et d'estimer les effets des mesures prévues.
De telles bases de données (p. ex. annuaires hydrologiques, cadastres de l'environnement, informations géo-écologiques) n'existent pas dans beaucoup de pays ou doivent d'abord être recueillies à l'aide d'indicateurs appropriés pour permettre une évaluation adéquate des mesures prévues. Les dispositions réglementaires établies par certains pays ou par des organisations internationales peuvent fournir des indications précieuses ; mais leur reprise directe est rarement possible, entre autres parce que les différents décrets et prescriptions doivent être vus comme parties d'un système qui n'existe pas forcément dans tous les pays. Ainsi, lors de la détermination de valeurs limites pour les rejets de polluants dans les eaux superficielles, il faut p. ex. prendre en considération l'utilisation et la capacité d'auto-épuration des cours d'eau.
Le plan directeur constitue la base décisive pour l'appréciation des autres possibilités ou alternatives de développement et d'extension. De telles appréciations doivent toutefois partir des mêmes objectifs. En essayant de limiter l'appréciation des alternatives à un seul critère (p. ex. indice des coûts, "indice des dommages"), on risque de perdre de vue les diverses facettes de la question.
Une autre tâche importante consiste à réduire à un niveau acceptable le nombre des critères à prendre en compte. Ainsi, il est possible p. ex. d'exclure de prime abord les projets ou variantes de développement qui ne satisfont pas à certaines exigences minimales (p. ex. les établissements humains, les implantations d'industries ou les prélèvements d'eau souterraine ne sont pas admis dans les zones de protection des eaux ou dans les zones inondables).
Lors de la pondération des effets environnementaux, les priorités doivent être placées en fonction des ressources en eau disponibles :
- dans les régions disposant de ressources en eau limitées, priorité aux mesures destinées à assurer un approvisionnement suffisant et à économiser l'eau,
- dans les régions disposant de ressources suffisantes, priorité à l'hygiène, à la protection de la santé, à la garantie de la qualité,
- dans les régions (temporairement) excédentaires, priorité aux mesures de protection.
D'une façon générale, il importe d'accorder davantage d'attention aux problèmes du gaspillage de l'eau (p. ex. irrigation avec des eaux souterraines fossiles).
3.2 Analyse de l'utilisation et de la qualité de la ressource naturelle "eau"
3.2.1 Détermination des réserves naturelles en eau
Les réserves en eau naturellement disponibles dépendent des processus se déroulant dans le cycle hydrologique, en particulier des précipitations, de leur répartition et de leur influence sur les composantes du bilan hydrique, telles que évapotranspiration, ruissellement superficiel et souterrain, infiltration, recharge de la nappe phréatique, etc. Les facteurs tels que le climat, la végétation, la topographie, les sols, les conditions géohydrologiques, etc., jouent ici un rôle très important. Il en est de même des actions anthropogènes, telles que l'utilisation des sols (irrigation sur grande échelle, surfaces bâties réduisant l'infiltration et augmentant le ruissellement).
La détermination des ressources disponibles englobe
- les réserves d'eau superficielles,
- le débit dans les cours d'eau de surface,
- les réserves d'eaux souterraines, y compris les réserves géologiques (fossiles) qui, dans la mesure du possible, ne devraient pas être considérées comme des réserves exploitables,
- la réalimentation naturelle de la nappe phréatique (en général une faible part des précipitations, sous l'influence de l'évaporation, du ruissellement superficiel, de l'infiltration, du climat et de la végétation, de la nature des sols, de la topographie, de la profondeur de la nappe, des conditions géohydrologiques).
Les données sur le ruissellement, la réalimentation naturelle des nappes ou d'autres paramètres du cycle hydrologique sont généralement basées sur des moyennes calculées sur de longues années, avec mention des valeurs extrêmes (années humides, années sèches). Pour le plan directeur, ces données sont indispensables en tant que valeurs d'orientation, mais il faut en plus analyser leur répartition dans le temps et l'espace, en raison des différences saisonnières et régionales extrêmes qui peuvent exister. Si, p. ex., l'année hydrologique est composée d'une saison sèche et d'une saison des pluies, et que par ailleurs des fluctuations considérables de la pluviosité se font sentir d'une année à l'autre, les moyennes du ruissellement superficiel et des réserves d'eaux souterraines calculées sur plusieurs années ne sont guère utilisables pour des études de projet.
Dans beaucoup de pays, la base de données disponible est souvent insuffisante. La densité des stations de mesure est trop faible. Le plan directeur indique les endroits où il convient de densifier le réseau de mesure. Les données nécessaires (p. ex. niveaux d'eau et débits ainsi que charges de matières en suspension et débits solides dans les eaux superficielles, niveaux de la nappe phréatique, paramètres physiques, chimiques et biologiques de la qualité de l'eau, données hydrométéorologiques et hydrologiques) sont à observer et à exploiter conformément aux normes internationales (OMM, FAO, OMS). Leur publication régulière dans les annuaires hydrologiques est nécessaire pour donner un fondement solide aux planifications. Sinon, il peut être nécessaire d'entreprendre des campagnes de mesure spéciales, coûteuses, mais malgré tout insuffisantes en raison de leur courte durée.
3.2.2 Détermination des ressources en eau utilisables
Est considérée comme utilisable la partie des ressources naturelles pouvant être mobilisée selon des critères
- techniques (captage) | Nature et emplacement du cours d'eau ou de l'aquifère inférieur, conditions géologiques et géomorphologiques pour le forage de puits, la construction d'ouvrages de dérivation et de retenue, technologies disponibles, |
- techniques (distribution) | Répartition temporelle et quantitative (stockage), répartition dans l'espace (transport), |
- économiques | Coût de la prospection, de la mobilisation, du traitement et de la distribution de l'eau, de l'épuration des eaux usées, |
- chimiques/hygiéniques toxicologiques |
Qualité de l'eau, risques de contamination, technologies de traitement, mesures de prévention de la pollution, réutilisation, |
- critères écologiques et en rapport avec la protection et l'utilisation des ressources | Destruction de peuplements végétaux précieux dépendant de l'eau souterraine, assèchement d'abreuvoirs et de cours d'eau, dégradation des sols, érosion, assèchement de périmètres humides et de forêts fluviatiles, |
- et d'autres raisons en rapport avec l'exploitation des eaux | p. ex. navigation, utilisation de la force hydraulique, priorité d'utilisation hors de la région concernée |
Dans ce contexte, il importe de tenir compte des grandeurs minimums (quantité, surface, etc.) pour la prise en compte des impératifs écologiques.
3.2.3 Détermination des besoins en eau
La demande d'eau comprend les composantes suivantes :
- eau potable pour l'approvisionnement de l'homme et des animaux, de l'industrie, de l'artisanat et du commerce ainsi que pour la lutte contre les incendies, du moins dans les zones de concentration urbaine,
- eau industrielle,
- eau d'irrigation,
- eau nécessaire au maintien du débit minimum et à la navigation,
- eau nécessaire à l'utilisation de la force hydraulique,
- eau nécessaire au fonctionnement d'installations, p. ex. eau de refroidissement dans les centrales électriques.
Il est possible de pronostiquer les besoins futurs à partir de l'analyse des besoins actuels et de leur évolution au cours des années passées, de la comparaison avec des périodes de développement analogues dans d'autres régions et des connaissances que l'on possède sur le développement de la population, sur l'évolution de la consommation par habitant, qui dépend en particulier de l'équipement des ménages et de l'extension du réseau d'approvisionnement (puits, fontaine centrale, adduction à domicile), sur le développement de l'industrie et de l'artisanat et sur celui de l'agriculture irriguée,.
Dans beaucoup de pays, les besoins pour les périmètres d'irrigation représentent la part la plus importante de la demande, tandis que la demande émanant de l'industrie, de l'artisanat et du commerce demeure encore relativement faible. Mais comme l'industrialisation progresse dans beaucoup de pays, il faut là aussi s'attendre à des besoins croissants.
En ce qui concerne l'approvisionnement en eau potable, les quantités considérées comme nécessaires et adéquates pour couvrir les besoins élémentaires dépendent des habitudes de consommation des populations ainsi que des conditions climatiques et culturelles. Selon [ 4] , un approvisionnement de base suffisant peut être assuré avec 20 à 40 litres/jour/personne. Ces valeurs augmentent avec le standard d'approvisionnement. Les valeurs indicatives estimées pour des quantités de consommation adéquates sont les suivantes :
jusqu'à 40 litres/jour/personne aux bornes fontaines,
jusqu'à 60 litres/jour/personne aux branchements collectifs
extérieurs,
jusqu'à 120 litres/jour/personne aux adductions à domicile.
Dans beaucoup de réseaux de distribution, les pertes représentent 50 à 100 % de la consommation effective et doivent donc être prises en compte dans le calcul des besoins.
L'évolution future des besoins en eau dépendra donc de
- la croissance démographique,
- l'urbanisation,
- l'expansion de la production alimentaire et donc de l'agriculture irriguée,
- le développement de l'artisanat et de l'industrie,
- l'augmentation de la consommation par habitant,
- l'augmentation des besoins d'énergie hydraulique.
Les risques d'erreur dans les projections sur les besoins futurs en eau se présentent en particulier lorsque surviennent des changements imprévus dans l'évolution démographique, socio-économique ou technique. Le plan directeur d'aménagement des ressources en eau doit donc être flexible et être révisé et mis à jour à des intervalles appropriés, de manière à permettre l'estimation concrète d'autres options ou scénarios de développement et de leurs effets respectifs sur l'écosystème, les ressources naturelles et l'utilisation de ces dernières.
Lors de toutes les analyses des besoins il convient, par principe, d'étudier les possibilités d'influer sur la consommation et sur ses tendances d'évolution (priorités, quotas, tarification, sécurité d'approvisionnement). Un instrument important pour assurer une utilisation rationnelle de l'eau est de réclamer en particulier une tarification permettant de couvrir entièrement les coûts ; ceci assure en même temps l'application du "principe du pollueur-payeur". Il peut s'avérer nécessaire de reporter la mise en exploitation de nouvelles réserves d'eau, tant que les potentiels d'économie d'eau ou de réhabilitation d'eaux polluées ne sont pas mis à profit.
3.2.4 Bilan hydrique et plan directeur
La comparaison des ressources utilisables et des besoins dans le bilan hydrique permet, en tenant compte des critères de la protection de la nature et des ressources, de déduire différentes mesures :
· pour intensifier l'utilisation des ressources
- construction de retenues d'eau
- mise en exploitation de réserves d'eaux souterraines
- augmentation des débits
- extension du système de distribution
- éventuellement dessalement de l'eau de mer
· pour améliorer la qualité de l'eau traitée
- amélioration de la technologie de traitement
- dilution avec de l'eau moins chargée, provenant d'autres régions
· pour assurer la protection de la ressource (quantité et qualité)
- mesures anti-érosives, reboisement
- délimitation de zones de protection des eaux, limitation de l'utilisation des pesticides et des engrais
- mise en oeuvre de mesures d'assainissement et d'éducation sanitaire
- construction de stations d'épuration des eaux usées
- restriction des rejets de polluants dans les eaux superficielles
- assainissement des cours d'eau
- conservation du pouvoir auto-épurateur des eaux par leur non aménagement ou un aménagement proche de l'état naturel
- utilisation combinée des eaux superficielles et souterraines
· pour réduire la consommation d'eau et assurer une utilisation rationnelle des réserves
- changements fondamentaux de comportement par la conscientisation
- économie d'eau (élimination des fuites dans les réseaux d'approvisionnement, contrôle de la consommation à l'aide de compteurs, tarifs assurant la couverture des coûts pour l'eau et les eaux usées)
- enrichissement artificiel de la nappe phréatique
- utilisation de l'eau de pluie
- séparation des systèmes d'approvisionnement en eau industrielle et en eau potable
- réutilisation de l'eau dans les ménages, l'industrie et l'artisanat
- emploi de techniques d'irrigation permettant d'économiser l'eau (tarifs assurant la couverture des coûts)
· pour protéger les sols et la végétation
- mesures de réhumidification et d'enrichissement artificiel de la nappe phréatique
- abaissement du niveau de la nappe afin de prévenir la salinisation.
L'aménagement des conditions économiques générales joue un rôle central dans tous les domaines cités. Beaucoup de changements peuvent être déclenchés et dirigés par le biais d'une politique active d'octroi de subventions (p. ex. financement de démarrage), par la politique fiscale (p. ex. prélèvement d'impôts plus élevés sur les variantes non souhaitées) et par la fixation des tarifs et des redevances (politique des prix). Ici il convient d'étudier soigneusement la question de l'acceptabilité de telles mesures et de la capacité de paiement de la population concernée. L'eau n'est pas "un bien gratuit" comme on le croit souvent. Il importe de sensibiliser la population à la valeur de cette ressource.
3.3. Analyse de l'influence sur l'écosystème, les ressources naturelles et l'utilisation des ressources
Des projets d'exploitation des ressources en eau peuvent avoir des incidences considérables sur les écosystèmes et les ressources naturelles. Celles-ci se font sentir soit directement, soit par l'intermédiaire de toute une série d'effets indirects.
Les effets directs sont dus pour la plupart aux causes suivantes
- prélèvement d'eau : abaissement du niveau des eaux superficielles et souterraines, diminution des débits, destruction de l'habitat naturel de la faune et de la flore,
- stockage de l'eau : élévation du niveau de l'eau, submersion de surfaces,
- pollution : rejet de substances nocives et/ou entraînant une diminution de la teneur de l'eau en oxygène, une modification de sa couleur, de son odeur,
- rétention de l'eau : menace pour les zones périodiquement inondées (telles que forêts fluviatiles, biotopes humides).
A cela s'ajoutent les effets secondaires et tertiaires qui s'exercent par des voies complexes, p. ex. par le biais d'effets socio-économiques ou socioculturels et dont certains ne sont discernables qu'à long terme. Deux cas peuvent être cités à titre d'exemple pour illustrer ces liens de cause à effet :
- pour apprécier l'impact considérable qu'un barrage peut avoir sur l'environnement, il ne suffit pas d'étudier les caractéristiques physiques du sol et les aspects hydrauliques et techniques de sa faisabilité. Il faut également recueillir des informations permettant de parvenir à une estimation réaliste des besoins et ressources en eau, du transport et du dépôt des sédiments dans le réservoir, de la modification du régime d'écoulement en aval, des conflits d'utilisation entre bassin versant et zone d'exploitation ainsi que des effets pour les régions et habitants en aval.
- l'aménagement de puits profonds équipés de pompes à moteur dans les savanes du nord du Sahel a amené des éleveurs jusque-là nomades à se sédentariser en partie et à augmenter leur cheptel. Lorsque certains puits tombent en panne, il y a surpâturage et dénudation progressive des surfaces aux alentours des installations encore en service. Comme la régulation des conditions de vie n'est plus assurée, comme autrefois, par les ressources en eau utilisables des nappes aquifères supérieures de la région, il s'ensuit une dégradation accélérée de la situation écologique et socio-économique.
Une autre conséquence de l'augmentation des disponibilités d'eau peut être la salinisation des sols par l'application de techniques d'irrigation inadaptées dans les zones arides et semi-arides.
3.4 Analyse des effets sur la santé et l'hygiène
L'étude des ressources en eau de la région faisant l'objet du plan doit déterminer les disponibilités en eau saine et non contaminée par des substances toxiques. Il s'agit donc de déterminer non seulement la quantité mais aussi la qualité de l'eau. Le choix des paramètres de qualité dépend de l'usage prévu, c'est-à-dire que les critères peuvent être très différents selon qu'il s'agit d'eau potable, d'eau d'irrigation ou d'eau destinée à la production d'énergie.
Des effets positifs sur la qualité de l'eau peuvent être obtenus à l'aide d'objectifs de conservation de la qualité de l'eau formulés à partir du plan directeur et de leur mise en application par des mesures d'épuration des eaux usées, d'interdiction de certaines utilisations des eaux, de classement de zones de protection des eaux souterraines et par des mesures simultanées d'éducation sanitaire mises en oeuvre dans le cadre de projets d'approvisionnement en eau.
Lors de l'estimation de l'évolution future de la consommation d'eau on oublie souvent, p. ex., qu'une consommation plus élevée entraîne également une augmentation des rejets d'eaux usées. Les eaux usées sont souvent collectées dans des canaux ouverts et déversées dans les eaux de surface, ou tout simplement infiltrées dans le sol à proximité immédiate de leur lieu de production. Ces rejets ont pour effet de polluer les eaux de surface et constituent une grande menace pour la nappe phréatique. En outre, l'utilisation des eaux usées pour l'arrosage de jardins potagers peut être préjudiciable à la santé des consommateurs.
C'est pourquoi aucun réseau d'approvisionnement en eau ne devrait être prévu sans un système correspondant d'assainissement destiné à réduire les pollutions et nuisances. Ceci vaut aussi bien pour l'approvisionnement en eau potable que pour l'irrigation des surfaces agricoles.
Des efforts complémentaires de mobilisation de l'auto-assistance sous forme de campagnes d'information et de sensibilisation en matière d'hygiène, impliquant souvent une participation décisive des femmes au niveau de la planification et de la mise en oeuvre, contribuent à éviter la surexploitation et la pollution de l'eau.
Le développement rapide de la production agricole dans beaucoup de pays entraîne en plus d'une augmentation continuelle des besoins d'eau d'irrigation une consommation croissante d'engrais artificiels et de pesticides. L'utilisation en général incontrôlée de tels produits peut être également cause de pollution des eaux superficielles et souterraines. L'utilisation des eaux de drainage pour l'irrigation de terres agricoles - une opération souvent répétée à plusieurs reprises - peut conduire à une forte augmentation de la teneur de l'eau en sel et donc à des problèmes de salinisation chez les exploitants situés en aval.
Les retenues d'eaux superficielles favorisent la sédimentation des substances solides charriées par l'eau dans la cuvette de réserve. Ceci favorise le remblaiement progressif de la cuvette et, lorsque viennent s'ajouter des rejets solides, l'eutrophisation des eaux. Dans les conditions climatiques prévalant dans beaucoup de pays, ce milieu aquatique peu profond et riche en substances nutritives favorise la prolifération des vecteurs de maladies hydriques telles que la malaria, la bilharziose ou le ver de Guinée.
3.5 Effets socio-économiques et socioculturels
Le bilan hydrique établi dans le cadre du plan directeur d'aménagement et de gestion des ressources en eau est un facteur important pour un développement régional planifié. Il est également la base de transformations décisives et de grande portée dans les domaines socio-économiques et socioculturels.
La mise en exploitation de nouvelles ressources d'eau utilisables peut, entre autres, favoriser un afflux massif et incontrôlé de populations en provenance de régions souffrant d'un déficit d'eau. Outre les risques de surexploitation des ressources naturelles que cela implique, une telle évolution peut entraîner l'établissent de différents groupes de population sur un même territoire. Les systèmes sociaux sur lesquels reposaient jusque-là les stratégies de survie de ces populations, peuvent être remis en question et devenir fragiles.
Les conséquences écologiques de retenues d'eau aménagées dans un but de protection contre les crues et de sécurité d'approvisionnement peuvent avoir un impact sur la base d'existence des pêcheurs riverains, si ces aménagements ont des incidences sur les populations de poissons. Les surfaces agricoles ou maraîchères perdues au niveau du réservoir de la retenue ne peuvent pas, la plupart du temps, être remplacées pour des raisons topographiques et pédologiques. Ceci peut avoir de graves conséquences pour les habitants concernés et, dans le cours inférieur, causer une diminution du débit d'eau et par voie de conséquence un abaissement du niveau de la nappe phréatique ou une détérioration des sols sur les champs situés de part et d'autre du cours d'eau, désormais privés des inondations périodiques avec de l'eau riche en matières nutritives. Là aussi il peut en résulter des préjudices économiques pour la population.
De meilleures possibilités d'irrigation dans la production agricole et maraîchère peuvent déclencher des changements dans les pratiques culturales (emploi d'engrais artificiels, monoculture) qui, après une courte période d'augmentation des rendements, se traduisent par un appauvrissement progressif des sols et l'obligation d'augmenter les apports d'engrais. D'autre part, ces changements peuvent entraîner des problèmes de salinisation des sols et une forte augmentation des charges polluantes dans les eaux superficielles et souterraines.
L'analyse socio-économique devrait comprendre des études différenciées en fonction des sexes et des groupes sociaux, permettant d'identifier dans quelle mesure les femmes ou certains groupes particuliers sont bénéficiaires ou au contraire victimes de l'aménagement en question.
Les pratiques régionales et traditionnelles d'utilisation des terres, entre autres les droits coutumiers d'utilisation de l'eau, des sols et des pâturages, les structures ethniques, les privilèges des exploitants établis au niveau du cours supérieur d'un fleuve, revêtent de l'importance et peuvent éventuellement constituer des contraintes. Leur prise en compte dans le plan directeur d'aménagement des ressources en eau est indispensable.
3.6 Cadre administratif et politique
Le plan directeur d'aménagement des ressources en eau doit reposer sur une base administrative et légale (législation sur les eaux). L'applicabilité des règlements et des prescriptions politiques (priorités d'utilisation, interdiction d'utilisations multiples, prise en compte des formes d'utilisation traditionnelles, règlements transfrontaliers et interétats, etc.) doit être assurée par l'existence d'une Administration compétente ou par des organisations appropriées.
La mise en place ou le renforcement des services publics ou institutions en charge de la gestion des ressources en eau est donc absolument indispensable. Les éléments essentiels ici sont, entre autres, la fixation des filières et organes de décision, l'élimination de l'éparpillement des responsabilités, une dotation suffisante en moyens financiers et en personnel qualifié et motivé. La participation adéquate des femmes concernées et d'autres groupes aux organes et aux processus de décision revêt une importance décisive.
4. Interaction avec d'autres domaines d'intervention
Le plan directeur d'aménagement et d'exploitation des ressources en eau est une base essentielle pour la résolution de tous les problèmes en rapport avec la gestion des eaux. Il intervient donc profondément dans l'ensemble du développement infrastructurel de la région concernée et définit les conditions générales d'application des plans sectoriels les plus divers. C'est donc un document d'importance multisectorielle pour la planification des mesures à mettre en oeuvre dans les différents secteurs, notamment dans les domaines suivants :
- Aménagement du territoire et planification régionale ;
- Planification de la localisation des activités industrielles et artisanales ,
- Planification du secteur énergétique ;
- Adduction et distribution d'eau en milieu urbain
- Alimentation en eau des régions rurales ;
- Assainissement ;
- Elimination des déchets ;
- Ports intérieurs ;
- Navigation intérieure ;
- Ports maritimes - construction et fonctionnement portuaires ;
- Navigation maritime ;
- Ingénierie fluviale ;
- Mesures techniques de lutte antiérosive ;
- Hydraulique rurale ;
- Hydraulique lourde ;
- Barrages, installations hydroélectriques ;
- Secteur minier - Exploitations à ciel ouvert et souterraines ;
- Centrales thermiques.
5. Appréciation récapitulative de l'impact sur l'environnement
Si le plan directeur d'aménagement et de gestion des ressources en eau est utilisé en temps opportun comme instrument de planification, il peut contribuer sensiblement à assurer la sauvegarde de la ressource naturelle "eau" et, en définissant les objectifs à atteindre, aider à éviter des dommages à l'environnement. Il est possible d'aménager et de gérer les ressources en eau de telle sorte que les mesures requises soient conçues de manière à ménager les ressources et à en assurer l'exploitation durable.
Le plan directeur définit les objectifs généraux non seulement selon des critères techniques et économiques, mais saisit et décrit les interactions des multiples facteurs influençant le bilan hydrique, en tenant compte des conditions écologiques, socio-économiques et socioculturelles. Le plan directeur montre les possibilités de développement futur des conditions de vie et de l'économie par rapport au facteur eau. C'est une base permettant d'identifier les différentes possibilités d'utiliser les réserves d'eau, de les comparer les unes aux autres et d'apprécier dans quelle mesure il est possible de parvenir à une planification et une mise en oeuvre de projets d'aménagement hydraulique respectueuses de l'environnement.
Cette planification doit saisir les effets secondaires et les répercussions possibles et intégrer à la conception des projets des propositions permettant d'éviter les effets négatifs, contrôler les principaux indicateurs écologiques et éventuellement appliquer des mesures de redressement. Les groupes cibles doivent être associés dès le départ à l'élaboration de cette stratégie d'action.
(1) Baumann, W. et al., BMZ (édit.) : Ökologische Auswirkungen von Staudammvorhaben, Forschungsberichte des Bundesministeriums für wirtschaftliche Zusammenarbeit, Vol. 60, Munich, 1984.
(2) Biswas, A. K., Qu Geping (édit.) : Environmental Impact Assessment for Developing Countries Natural Resources and the Environment Series Volume 19, Londres, 1987.
(3) BMZ (édit.) : Sektorpapier Wasserversorgung und Sanitärmaßnahmen in Entwicklungsländern.
(4) Buchwald, K., Engelhardt, W. (édit.) : Die Bewertung und Planung der Umwelt, Handbuch für Planung, Gestaltung und Schutz der Umwelt, Munich, 1980.
(5) Deutscher Verband für Wasserwirtschaft und Kulturbau e. V. (DVWK) (édit.) : Ermittlung des nutzbaren Grundwasserdargebotes, DVWK-Schriften, n° 58/1 und 58/2, 1982.
(6) FAO : Guidelines for watershed management, FAO Conservation Guide, Rome, 1977.
(7) FAO : Keeping the land alive, Soil erosion - its causes and cures, FAO Soils Bulletin n° 50, Rome, 1983.
(8) Gesetz zur Ordnung des Wasserhaushalts (Wasserhaushaltsgesetz, WHG) und Wassergesetze der Länder, 1986.
(9) Goldsmith, E., N. Hildyard : The Social and Environmental Effects of Large Dams, Volume 1, Cornwall, 1984, Volume 2, Cornwall 1986.
(10) Munasinghe, M. : Managing Water Resources to avoid Environmental Degradation, World Bank Environmental Paper n° 41, Washington, 1990.
(11) National Committee of the UNESCO Man and the Biosphere, Programme at the Ministry of Environmental Protection and Water Management of the GDR, Reservoirs as major engineering works in nature, Interactions and after-effects shown at the example of the highlands of the GDR, UNESCO, 1984.
(12) Niemeyer-Lüllwitz, A., Zucchi, H. : Fließgewässerkunde, Ökologie fließender Gewässer unter besonderer Berücksichtingung wasserbaulicher Eingriffe, Verlag Diesterweg, 1985.
(13) OECD (édit.) : Management of water projects, Paris, 1985.
(14) Olbrisch, H.-D. et al. : Wasserwirtschaftliche Meß- und Auswerteverfahren in Trockengebieten, published by the Deutscher Verband für Wasserwirtschaft und Kulturbau (DVWK), DVWK Schriften n° 96, 1991.
(15) Richtlinien für die Aufstellung von wasserwirtschaftlichen Rahmenplänen, paru dans "Gemeinsames Ministerialblatt", publié par le Ministère fédéral de l'Intérieur, n° 16, Bonn, 29 Juin 1984.
(16) BMZ (édit.) : Sektorkonzept Wasserwirtschaft, août 1987 (version préliminaire).
(17) Tehranien, D. : Die Relevanz der Umweltprobleme für die ökonomische Entwicklung in den Entwicklungsländern, Verlag K. Reim, 1976.
(18) Umweltbundesamt (édit.) : Handbuch zur ökologischen Planung, Vol. 1 et 2, Erich Schmidt, Berlin, 1981.
(19) NU : Water Resources Planning to meet Long-Term Demand, Guidelines for Developing Countries, Natural Resources/Water Series n° 21, New York, 1988.
(20) NU : Criteria and Approaches to Water Quality Management in Developing Countries, New York, 1990.
(21) NU : Criteria for and Approaches to Water Quality Management in Developing Countries, Natural Resources/Water Series No. 26, New York, 1990.
(22) UNESCO/PNUE (édit.) : The impact of large water projects on the environment, Proceedings of an international symposium 21 - 31 October 1986, UNESCO, Paris.
(23) OMS : Legal Issues in Water Resources Allocation, Wastewater Use and Water Supply Management, Genève, 1990.
Dossier Aménagement et gestion des ressources en eau
Mots-clés
* Eaux superficielles
* Eaux souterraines
* Qualité de l'eau
* Climat
* Erosion
* Désertification
* Santé
* Production végétale
* Irrigation
* Production animale
* Tourisme
* Pesticide
* Engrais
* Sédimentation
* Aménagement du territoire et planification régionale
* Planification de la localisation des activités industrielles
et artisanales
* Planification du secteur énergétique
* Adduction et distribution d'eau en milieu urbain
* Alimentation en eau des régions rurales
* Assainissement
* Elimination des déchets
* Ports intérieurs
* Navigation intérieue
* Ingénierie fluviale
* Mesures techniques de lutte antiérosive
* Hydraulique rurale
* Hydraulique lourde
* Secteur minier - Exploitations à ciel ouvert et souterraines
* Centrales thermiques